Les Bonnie and Clyde de la cryptomonnaie à l’épreuve de la justice américaine

Les Bonnie and Clyde de la cryptomonnaie à l’épreuve de la justice américaine
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Par Gérard Haas et Miléna Letinaud

Surnommés les «Bonnie and Clyde des cryptos» par les médias, le couple a été arrêté à Manhattan le 2 février dernier suite à une plainte déposée la veille pour complot en vue de blanchir de l’argent, et complot en vue de frauder les Etats-Unis.

Une enquête menée par les unités des cybercrimes du service des enquêtes criminelles de Washington, du département de la sécurité intérieure de Chicago, du FBI à New-York et enfin du service de police d’Ansbach en Allemagne, a permis de mettre en lumière un complot en vue de blanchir des bitcoins ayant été dérobés sur la plateforme Bitfinex en 2016. Après le piratage des systèmes de Bitfinex, auraient été initiées des transactions non autorisées permettant d’envoyer les bitcoins volés vers un portefeuille numérique appartenant au couple incriminé en vue de blanchir le produit de l’infraction en transférant une partie des bitcoins dérobés sur des comptes financiers leur appartenant.

Les chiffres sont éloquents : 94 000 bitcoins volés et 2 000 transactions non autorisées !

Il s’agit d’une saisie record réalisée par les autorités américaines évaluée à 3,6 milliards de dollars au moment de la saisie.

Cette affaire illustre les risques d’infractions de cybercriminalité que les investissements dans les cryptomonnaies peuvent présenter, de surcroit, la nécessité de renforcer l’encadrement juridique de cet usage.

Les risques de cybercriminalité liés à l’investissement dans les cryptomonnaies

L’Institut National de la Consommation (INC) définit la cryptomonnaie comme « une monnaie virtuelle qui repose sur un protocole informatique de transactions cryptées et décentralisées, appelé blockchain », et les cryptoactifs comme « des actifs virtuels stockés sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs les acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale ».

Apparu en 2008, le bitcoin est une cryptomonnaie qui a la plus forte valorisation ! Son cours a atteint son plus haut niveau en novembre 2021 à 68 000 dollars, et a chuté depuis à 44 109 dollars en début mars 2022.

Pour autant, si d’un point de vue économique le bitcoin peut remplir les fonctions économiques de la monnaie c’est-à-dire : la mesure, le paiement et l’échange, il en est tout autre d’un point de vue juridique : la qualité de monnaie est difficilement appréciable puisque d’une part la cryptomonnaie est une devise électronique, ou virtuelle, qui implique qu’elle n’a aucune forme physique et d’autre part elle ne dépend d’aucune institution.

En France, l’article L111-1 du code monétaire et financier énonce que « la monnaie de la France est l’euro ». L’euro est donc la seule monnaie ayant cours légal en France.

Le bitcoin apparaît de fait dans un système financier parallèle, propice à de nombreux contournements.

A ce titre l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) alerte sur le fait que l’investissement dans les cryptoactifs est risqué car est la source de nombreuses escroqueries et elle recense à ce sujet les sites d’arnaques au sein d’une liste noire.

Selon l’AMF les principaux risques de l’investissement dans la cryptomonnaie sont :

  • Le risque de bulle spéculative : le cours évoluant en permanence expose les acheteurs à des pertes financières potentiellement très importantes.
  • Le risque de piratages informatiques : il n’y a aucune sécurité en matière de conservation.
  • Le risque de blanchiment des capitaux : du fait de leur caractère anonyme, et du contournement des règles relatives à la lutte contre le blanchiment.

L’arrestation du couple pour complot en vue de blanchir les cryptoactifs volés sur la plateforme Bitfinex témoigne que ces risques sont établis.

Pour ces faits, les « Bonnie and Clyde des cryptos » pour complot en vue de blanchir de l'argent, encourent tout de même une peine de vingt ans de prison, et pour complot en vue de frauder les États-Unis, une peine de cinq ans de prison.

À juste titre, il convient de préciser que cette affaire n’en est qu’au stade de l’enquête, il appartiendra au juge du tribunal de district fédéral de décider de la culpabilité des prévenus. D’ici le jugement, les prévenus bénéficient de la présomption d’innocence en vertu du quatorzième amendement de la constitution américaine, au même titre que l’énonce l’article préliminaire du code de procédure pénale « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi ».

La nécessité de renforcer l’encadrement juridique des cryptomonnaies

Dans cette affaire, c’est notamment grâce à de nombreux stratagèmes que le couple a pu blanchir le produit du piratage, comme par exemple l’utilisation d’identités fictives pour créer des comptes en ligne, utiliser des programmes informatiques pour automatiser les transactions, déposer les fonds volés sur des comptes dans divers bureaux de change virtuels et marchés darknet puis les retirer, convertir le bitcoin en d'autres formes de monnaie virtuelle…

Aux Etats-Unis, le Trésor américain a annoncé qu’il prenait des mesures pour réprimer les marchés et les transactions des cryptomonnaies, et a déclaré qu’il exigerait que tout transfert d’une valeur au-delà de de 10 000 dollars soit signalé à l’Internal Revenue Service car il représente un risque d’évasion fiscale.

Au niveau national, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises est venue apporter des précisions quant à la définition des actifs numériques dans le code monétaire et financier notamment aux articles L552-2 et L54-10-1 dont ce dernier dispose que les actifs numériques sont « les jetons mentionnés à l’article L552-2 » ainsi que « toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

Cette même loi a instauré le statut des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), ils couvrent des prestations d’intermédiation comme l’achat, la gestion ou encore la conservation, de cryptomonnaie. Par ailleurs, l’ordonnance du 9 décembre 2020 renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numériques atteste de la volonté du gouvernement de mettre en place des restrictions pour lutter contre l’anonymat des transactions de cryptomonnaies. Elle soumet les PSAN à des obligations en matière d’anonymat et de conformité et à une procédure obligatoire d’enregistrement auprès de l’AMF.

Prochainement, des évolutions sont attendues au niveau européen avec deux règlements sur la règlementation de la finance numérique :

  • Le MiCA règlement sur les marchés de cryptoactifs : Crée un cadre réglementaire pour le marché des cryptoactifs en vue de soutenir l'innovation et de préserver la stabilité financière, tout en protégeant les investisseurs.
  • Le DORA règlement sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier : Crée un cadre réglementaire sur la résilience opérationnelle numérique où les entreprises pourront résister aux perturbations et aux menaces liées à l'informatique, dans l’objectif de prévenir et d'atténuer les cybermenaces.

Ainsi l’encadrement juridique des cryptomonnaies, qui apparaît comme une nécessité face aux risques de cybercriminalité, est en pleine construction.

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Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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