Par Gérard Haas, Marie Torelli et Margaux Laurent
Après le harcèlement en ligne, Meta va devoir s’attaquer au harcèlement dans le Metaverse.
Alors que cet univers virtuel reste encore un mystère pour le plus grand nombre, il suscite déjà des craintes et des controverses, notamment en ce qui concerne le sujet du harcèlement sexuel.
Il s’agit effectivement de savoir quels seront les recours à disposition des victimes lorsque leur avatar subit ce type de harcèlement spécifique.
Controverse et craintes de harcèlement sexuel virtuel avec le Metavers
En effet, il y a peu, on vous rapportait que des cas de harcèlements sexuels avaient déjà été signalés dans le Métaverse. .
Début décembre 2021, alors même que la plateforme Horizon Worlds, lancée par Meta fin 2021 était uniquement ouverte à des bêta-testeurs, une utilisatrice a affirmé avoir été victime de cette pratique. Elle soutient que « le harcèlement sexuel est déjà quelque chose de sérieux sur Internet, mais la réalité virtuelle rend l’expérience plus intense. Non seulement, j’ai été tripotée hier soir, mais il y avait d’autres personnes présentes qui ont soutenu ce comportement »,
Également, une journaliste ayant pu tester le dispositif résume son expérience selon les termes « amusante », « excitante », mais aussi « intense, fatigante et souvent gênante ». Dès son arrivée dans le « hall d’accueil » du monde virtuel, elle relate avoir été surprise par un avatar ayant zoomé à quelques centimètres d’elle. Puis, un groupe d’avatars masculins se serait formé autour d’elle tout en restant silencieux. Enfin, d’autres encore l’auraient prise en photo. Elle conclut : « Aller [dans le métavers] en tant que femme était aussi profondément inconfortable par moments. »
Les réponses internes de Meta face aux comportements déplacés
Après que ces premiers incidents aient été rapportés, Meta a annoncé le 4 février son intention d’instaurer une distance minimale entre les avatars. Cette nouvelle fonctionnalité « Personal Boundary » (limite personnelle), installée par défaut en tout temps, empêche les avatars de s’approcher à moins d’un mètre les uns des autres pour éviter toute interaction non désirée. Il est précisé que les avatars ne sentiront pas physiquement la barrière en ce que les manettes de retour haptique, reproduisant les sensations de toucher, n’émettront pas de vibrations.
Concernant les actions de modération des comportements, il convient de relever qu’une telle opération dans le métaverse peut s’avérer plus compliquée encore qu’en ligne. En effet, en lieu et place de « scanner » le texte litigieux, le modérateur doit traiter la langue parlée, évaluer et analyser les gestes ainsi que la manière dont les utilisateurs se déplacent. Alors, la modération change de nature en portant plus largement sur les interactions des utilisateurs, dont le nombre est bien plus important.
Par conséquent, la sécurité et la modération représentent un enjeu majeur pour le métaverse.
A cet égard, le 12 novembre, Andrew Bosworth, président chargé de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée chez Meta, s’était exprimé au sujet de la sécurité des personnes dans la réalité virtuelle.
Il expliquait qu’un « tampon continu » avait été développé pour Horizon Worlds. Stocké localement, il permet d’inclure des informations capturées par le casque comme preuve d’un incident lorsqu’une personne soumet un rapport. En outre, Meta prévoit d’investir 50 millions de dollars pour la recherche sur la sécurité, l’éthique et la conception responsable, en travaillant avec des experts universitaires et du gouvernement.
Les réponses juridiques existantes en cas de harcèlement virtuel
Actuellement sur les réseaux sociaux, des procédures internes permettent de signaler une situation de harcèlement. Ainsi, en théorie, une victime de harcèlement en ligne peut se rapprocher de la plateforme afin d’obtenir le retrait du contenu qui ne respecterait pas les conditions d’utilisation de la plateforme.
A cet égard, l’article 6-4 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique met à la charge des plateformes une obligation de mise en œuvre de « procédures et de moyens humains et technologiques appropriés » afin de traiter les demandes de retrait de contenus haineux[1].
Aussi, le harcèlement sexuel, même s’il a lieu dans un environnement virtuel, reste répréhensible au titre de l’article 222-16 du Code pénal et est puni de 1 à 3 ans d’emprisonnement ainsi que de 15 000 à 45 000 euros d’amende.
L'avatar constituant le prolongement de l'utilisateur : si l'avatar est agressé l'utilisateur sera-t-il considéré comme l’étant également ? A ce jour, les réponses juridiques divergent et, pour l’instant, la voie choisie reste celle d’une réglementation « ad hoc » par le biais des conditions générales d’utilisation du Metaverse concerné.
A titre d’exemple, un tribunal californien a confirmé le bannissement de l’adresse IP de l’utilisateur d’une plateforme Metaverse (ROBLOX) pour avoir violé ses conditions générales en harcelant, parfois sexuellement, les autres utilisateurs.
Ainsi, la virtualité de l’infraction soulève des problématiques évidentes à l’image, notamment de l’identification dans le Métaverse. En effet, au même titre que sur internet, l’anonymat des utilisateurs est permise sur le Métaverse. Une telle possibilité est même renforcée par l’utilisation de technologies de blockchain, susceptible de rendre plus compliquée sa levée.
Également, le Métaverse risque d’entrainer des conflits de loi applicable et de compétence juridictionnelle.
On peut donc se demander si les textes actuels sont réellement adaptés à un environnement intégral du virtuel pour protéger efficacement les victimes de cyber harcèlement.
C’est pour cette raison qu’en 2000, Raph Koster, créateur d’un jeu en ligne, avait publié une déclaration des droits des avatars officieuse prévoyant des droits inaliénables pour les avatars tel que notamment le droit à l’intégrité physique de l’avatar.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. N’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Pour nous contacter, cliquez-ici.
[1] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique