Par Gérard Haas et Alide Dorcent
L’heure est à la mise à jour, car une nouvelle étape vient d’être franchie dans le monde du E-commerce et au-delà…
En effet, le commerce en ligne n’a plus à démontrer son utilité dans le quotidien des consommateurs notamment au regard de son évolution qui ne cesse de grimper depuis la période de pandémie du Covid-19.
Il est désormais question d’une nouvelle expérience de shopping non plus classiquement en ligne mais adossée à l’environnement du Métavers.
Ce Web 3.0 étend ainsi son champ des possibles après avoir révélé son usage dans l’univers du jeu vidéo mais également dans ceux du tourisme et de l’immobilier.
Dans un contexte où les enseignes de shopping traditionnelles peinent à faire revenir le public en présentiel, le Méta-commerce constitue un nouveau procédé d’achat virtuel.
Il semble ainsi pertinent de s’interroger sur l’application de la règlementation en matière de droit de la consommation au monde virtuel du Métavers.
Comment calquer des mesures de protection concrètes des consommateurs à cet univers ?
Quelle garantie de conformité pour un objet acheté sur le Métavers ?
Pour rappel, la garantie légale de conformité offre aux consommateurs dans leurs relations avec des vendeurs professionnels une protection concernant la qualité d’un bien obtenu au moyen d’un contrat de vente.
Le code de la consommation a cependant connu une évolution en intégrant les nouvelles catégories de contrats de vente de biens comportant des éléments numériques[1].
La règlementation continue tout de même d’écarter du bénéfice d’une telle garantie les « contenus numériques et services numériques ne relevant pas d’un contrat de vente de bien comportant des éléments numériques, et ceux fournis sur un support matériel servant exclusivement à leur transport » mais également les contenus et services numériques listés par le code lorsque ceux-ci sont intégrés ou interconnectés à un bien couvert par le bénéfice de la présente garantie[2].
Ce qui représente une nouvelle étape franchie dans l’installation potentielle sur le marché du Méta-commerce.
A l’heure actuelle, la condition est que le contenu numérique doit être adossé à un contrat de vente de biens mais les perspectives de voir disparaitre cette condition afin de solliciter de la part d’un vendeur professionnel des comptes sur la qualité d’un produit ne semble pas irréaliste.
En guise d’illustration, nous pouvons citer la société NIKE ayant sauté le pas de lancer NIKELAND sur Roblox (jeu vidéo multijoueur en ligne)[3].
Si l’univers du jeu vidéo reste ancré dans le projet, les utilisateurs pourront en effet accéder à un véritable showroom numérique leur permettant de personnaliser leur avatar avec de réels articles de la marque NIKE.
Se retrouveront ainsi les logos distinctifs de la marque sur des vêtements et accessoires virtuels vendus comme dans le E-commerce classique.
Ainsi, ne pourrions-nous pas imaginer qu’un utilisateur ayant pour repère une réelle paire de chaussures NIKE interroge cette dernière sur la conformité de l’objet reproduit et acheté sur la plateforme de Métavers comme tout consommateur ?
Quelle information précontractuelle lors de l’achat d’un bien dans le Métavers ?
Dans l’étude des points classiques de règlementation en matière de droit de la consommation, nous comptons l’obligation d’information précontractuelle.
Pour rappel, avant toute conclusion d’un contrat de vente en ligne, le vendeur professionnel est tenu de transmettre toutes les informations nécessaires au consommateur lui permettant de réaliser un acte d’achat éclairé.
Un panel de sanctions est ainsi prévu par les textes législatifs en cas de non-respect de cette obligation[4].
Concernant les éléments numériques précités, cette obligation se manifeste par exemple par la réception par le consommateur de mises à jour de la part du vendeur qui, si elles ne sont pas installées dans un délai raisonnable, permet au vendeur de ne plus être responsable des défauts de conformité en résultant.
Dans l’univers du Méta-commerce, il appartiendra alors de distinguer le contenu numérique du produit physique pouvant exister.
L’information précontractuelle d’un bien acheté dans le Métavers pourrait ainsi se manifester par une notice d’information portant sur les usages pouvant être faits du bien et ce qui ne peuvent être accomplis.
L’information pourrait également porter sur le degré de qualité et le réalisme du bien accessible sur la plateforme de Méta-commerce.
Ce shopping virtuel intéresse également l’univers de l’ameublement et de la décoration, par exemple faire l’achat de biens mobiliers virtuels avant de passer à l’acte d’achat réel et recevoir la copie du bien physique chez soi sont de nouvelles fonctionnalités voyant le jour.
Ces situations portent le nom de ventes dites « phygitales ».
Le vendeur aura ainsi à prendre d’amples précautions afin de distinguer son obligation d’information applicable à ces différents types de biens.
Le danger des pratiques commerciales trompeuses applicable au Métavers
La Directive européenne n°2005-29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs offre une définition de ces différentes pratiques :
« Tout action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit au consommateur ».
Le code de la consommation pose ainsi au rang de principe général l’interdiction des pratiques commerciales déloyales et détaille les sanctions applicables tant aux pratiques commerciales identifiées comme interdites que trompeuses[5].
En termes d’application au Méta-commerce, la confusion créée au sujet d’une marque par exemple sur un objet disponible sur la plateforme de shopping Méta-virtuelle pourrait totalement trouver à exister.
Un élément essentiel au sein de tout acte de vente que représente le prix du bien pourrait également faire l’objet de pratiques commerciales trompeuses dans le Métavers si le mode de calcul du prix n’apparait pas cohérent ou encore sur le caractère promotionnel du bien.
Plusieurs situations concrètement traitées par les textes législatifs semblent ainsi trouver à s’appliquer au Méta-commerce ou des ventes « phygitales ».
D’autres thèmes seront également importants à prendre en considération comme la préservation des droits de propriété intellectuelle mais également des données personnelles de l’acheteur par les vendeurs dans le Métavers.
En conclusion, il est recommandé aux acteurs souhaitant se lancer dans le Méta-commerce de réaliser un audit juridique de leur projet et en particulier du tunnel de vente envisagé.
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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de vingt-cinq ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit. Nos équipes se tiennent à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions et vous assister dans une communication digitale conforme.
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[1] Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques
[2] Article L217-2 et suivants du Code de la consommation
[4] Article L131-1 et suivants du Code de la consommation
[5] Article L132-1 et suivants du Code de la consommation