Comment rédiger une clause de réversibilité afin d’éviter des litiges informatiques ?

Comment rédiger une clause de réversibilité afin d’éviter des litiges informatiques ?
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Par Stéphane Astier et Hugues Payen

La fin des contrats informatiques est une source de nombreux litiges opposant clients et prestataires.

D’un côté les clients se trouvent parfois confrontés à des situations de dépendance technologique et de grandes difficultés dans la récupération de données exploitables rendant la reprise des prestations extrêmement coûteuse et consommatrice de ressources.

De l’autre les prestataires informatiques se voient régulièrement placés dans des cas où la fin de contrat suppose la mise en œuvre de prestations complémentaires non budgétées avec des demandes toujours plus poussées.

Comme dans bon nombre de situations, le droit s’impose comme un outil indispensable de gestion de ce type de difficulté avec une priorité : l’anticipation.

Il convient ainsi d’anticiper les modalités de changement de prestataire, dès le stade de la contractualisation du contrat informatique.

C’est, du reste, ce que rappelle fort justement la Cour d’appel de Pau dans son arrêt du 25 novembre 2021 : la rédaction précise des obligations du prestataire lors des opérations de réversibilité constitue un impératif de sécurité juridique.

Quel est l’intérêt de la réversibilité ?

Pour rappel, la « réversibilité », est la capacité, pour un client ayant externalisé des prestations informatiques de récupérer ses données durant leur réalisation ou à l’issue du contrat.

A ce titre, une clause de réversibilité précise doit être négociée en amont afin d’assurer au client une certaine liberté et facilité la reprise des prestations en cas de rupture du contrat. Il s’agit d’éviter toute situation captive et les abus qui pourraient en découler.

Coté prestataire, il s’agit d’anticiper le périmètre de ses obligations y compris à l’issue du contrat et dans quelles conditions (prix et délais de la réversibilité) en vue de limiter les risques d’engagement de sa responsabilité.

Quels éléments doivent figurer dans une clause de réversibilité ?

Par principe, la clause de réversibilité doit permettre l’exploitation effective des données migrées.

C’est pourquoi celle-ci doit énoncer expressément les obligations de chacune des parties, ainsi que celles de tous les tiers qui seraient impliqués (loueurs de matériels, éditeurs de logiciels, opérateurs réseaux télécoms etc.), et anticiper toutes les conséquences techniques en cas de changement de solution.

Plus précisément, selon le type de solution (en Saas ou « on premise ») cette clause pourra prévoir :

  • Un simple export des données dans un format exploitable ;
  • Un plan de réversibilité complet listant :
  • Les prestations d’accompagnement au changement fournies par le prestataire ;
  • Le cas échéant des garanties quant à la poursuite de l’activité du client sans rupture de service ;
  • Le périmètre de responsabilités entre l’ancien et le nouveau prestataire ;
  • Les délais et coûts des opérations de réversibilité ; ou encore
  • Les modalités des procédures de recette et de restitution et/ou destruction des données du client.

Enfin, la clause de réversibilité pourra prévoir, le cas échéant, une formation des utilisateurs, notamment en cas de modification de la solution externalisée chez le prestataire.

Quelles conséquences en cas de rédaction imprécise de la clause de réversibilité ?

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau le 25 novembre 2021 illustre les difficultés opérationnelles que peut rencontrer un client dans le cadre d’opérations de réversibilité en raison d’une rédaction imprécise du contrat.

En l’espèce, une société souhaitait changeait de prestataire pour la fourniture de son logiciel de gestion de paie.

Le contrat prévoyait seulement la possibilité pour le client de « récupérer les données contenues dans nos [leurs] systèmes par voie de réversibilité »[1].

Dans ce contexte, le prestataire n’avait restitué que les données purement comptables et sociales du client, sans le paramétrage des rubriques, rendant ainsi les données inexploitables.

De ce fait, cette restitution partielle avait d’une part empêché une reprise en continu de la gestion des payes par le client et d’autre part causé une perte de l’historique de ses données.

Pour la Cour d’appel de Pau, le client « ne pouvait être alertée des difficultés qui apparaîtraient lors de l’exploitation des données récupérées à l’issue du contrat »[2] du fait de cette rédaction imprécise du contrat.

Ainsi, cette clause de réversibilité incomplète « n’était pas de nature à garantir, la réversibilité de données justes, intègres et exploitables en l’état »[3].

De ce fait, le prestataire a été condamné à verser au client une indemnisation égale au coût du paramétrage des données restituées (2.500 €), afin que celles-ci puissent être de nouveau exploitées.

***

Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de 20 ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit, mais aussi en matière de droit des contrats. Si vous souhaitez obtenir une assistance dans la rédaction de vos contrats commerciaux, n’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Contactez-nous ici.

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[1] CA Pau, 25 novembre 2021, n° 19/03573

[2] CA Pau, 25 novembre 2021, n° 19/03573

[3] CA Pau, 25 novembre 2021, n° 19/03573

Stéphane ASTIER

Auteur Stéphane ASTIER

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