Par Gérard Haas, Charlotte Paillet et Margaux Laurent
Il y a peu, nous vous exposions l’intérêt grandissant autour des NFT. En effet, en janvier dernier, l’industrie a connu un nouveau record, les ventes de NFT ont bondi de 36% à 4,1 milliards de dollars selon le site Cryptoslam.
Pour rappel, le NFT est un bien incorporel, un « jeton ». Acheté par le biais de cryptomonnaies, il représente des droits déterminés par son émetteur, qui fonctionne sur la blockchain. Il présente de multiples avantages, notamment pour le marché de l’art : c’est un certificat d’authenticité, il permet de créer un droit de suite, il est réputé traçable et inviolable.
Cependant, aucune règlementation juridique n’est spécialement établie pour encadrer son commerce. Or, cela couplé aux nombreux utilisateurs novices dans le domaine de la cryptomonnaie, apparait comme une opportunité pour les fraudeurs, dont la créativité ne faiblit pas.
L’usurpation d’identité en violation des droits d’auteur
Cette fraude consistant dans la violation des droits d’auteur est permise grâce à la facilité de création des NFT. Par exemple, la plateforme OpenSea met gratuitement à disposition de ses utilisateurs un outil de création. Mais cela a pour conséquence que de nombreux auteurs voient leurs œuvres volées. En effet, il n’est pas nécessaire de justifier de la possession d’un objet virtuel avant de le mettre sur la blockchain.
A cet égard, OpenSea a expliqué qu’il incombait aux utilisateurs eux-mêmes d’effectuer la recherche pour s’assurer de l’authenticité de l’objet virtuel vendu. Cette vérification d’identité passe notamment par un processus qui repose sur les réseaux sociaux. Pour autant, il ne permet pas de garantir que l’objet appartient à la personne souhaitant vendre l’œuvre sous ce nom.
Pour cette raison, DeviantArt a lancé un outil permettant d’analyser les blockchains publiques et les marketplaces tierces pour alerter sur d’éventuelles fraudes artistiques. Également, la coche bleue apparaissant à côté de la photo de profil de certains artistes sur OpenSea atteste de la vérification de leur compte.
Cette fraude peut s’avérer coûteuse pour l’acquéreur du NFT qui perdra toute sa valeur si la communauté la découvre. En outre, il n’aura aucun moyen de récupérer l’argent investi.
La pratique de « wash trading »
La pratique de « wash trading » consiste pour les vendeurs de NFT à faire grimper artificiellement les cours en créant des transactions fictives lors desquelles ils sont à la fois acquéreur et vendeur. Ainsi, l’adresse A passe un ordre de vente via l’un de ses wallets puis envoie un ordre d’achat en utilisant un autre portefeuille, associé à une adresse B. Les deux adresses sont différentes, les portefeuilles de NFT aussi, mais elles appartiennent à la même personne.
Ainsi, les acquéreurs potentiels croient que le NFT est demandé compte tenu de ces prix et ont peur de manquer une opportunité.
Une telle pratique est possible grâce au relatif anonymat permis par les échanges sur le marché. Si en théorie les échanges sont tracés sur les blockchains, en pratique, le procédé pour authentifier les adresses est long. Alors, la plupart des personnes impliquées dans des transactions en ligne ne s’y plient pas. Par ailleurs, les jetons non fongibles n’étant pas considérés comme des titres, ils ne sont pas soumis aux mêmes règlementations financières que celles s’appliquant aux actions.
Afin de se prémunir d’une telle escroquerie, il convient d’analyser l’historique et les enregistrements du portefeuille de projet. OpenSea permet par exemple de voir le nombre total de transactions et d’acquéreurs qui ont acheté une collection de NFT donnée. Aussi, EtherScan offre la possibilité de surveiller toutes les transactions de la blockchain Ethereum.
Ce phénomène a été rendu public en mars 2021, lorsque la plateforme « Coinbase » s’est vue infliger une amende de 6,5 millions de dollars par la Commodity Futures Trading Commission pour avoir fermé les yeux sur l’exploitation par un ancien employé d’un programme destiné à alimenter la pratique wash trading.
Le projet fictif de vente de NFT
Pour élaborer cette escroquerie, une équipe présente un projet de NFT, avec un design attractif, investi dans le marketing, manipule les volumes de ventes, ce qui a pour conséquence de créer une certaine crédibilité autour du projet. Reposant sur la peur de l’acquéreur de manquer une prochaine collection à succès, ce dernier pense réaliser une bonne affaire. Mais l’équipe finit par disparaître une fois la vente initiale réalisée avec l’argent des investisseurs lésés.
C’est ce qu’il s’est produit lors du lancement de 10.000 « Evolved Apes » en octobre 2021. Les acquéreurs devaient recevoir des NFT uniques, susceptibles d’être utilisés dans un jeu de combat blockchain où les singes auraient pu se battre entre eux.
Mais le développeur, « Evil Ape », a disparu peu de temps après avoir vendu les NFT lorsqu’il avait déjà empoché 798 ETH (environ 2,7 millions de dollars à cette époque). Le jeu Evolved Ape n’existait tout simplement pas et les acquéreurs n’ont reçu qu’un JPG.
Pour conclure, il apparaît que l’économie du WEB 3 est encore très largement dérégulée, laissant libre cours à des pratiques délictueuses contre lesquelles il convient de se prémunir.
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