Par Haas Avocats
Jeudi 15 février 2024 s’est tenu le vote relatif au futur siège de l’AMLA, la nouvelle autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
L’UE renforce encore son engagement en la matière et les capitales européennes étaient nombreuses à vouloir accueillir cette nouvelle autorité.
Aux côtés de Paris, ce sont Bruxelles, Dublin, Francfort, Madrid, Riga, Rome, Vienne et Vilnius qui ont tenté de convaincre le Conseil et le Parlement européen de la solidité de leur candidature.
C’est finalement Francfort qui accueillera le siège de la nouvelle autorité !
Des modalités de vote inédites sur le Siège d'Autorités Européennes
Pour la première fois s’agissant du choix du siège d’une autorité européenne, le Conseil et le Parlement européen ont voté conjointement.
En effet, dans une décision récente à propos de l’installation de l’Agence européenne des médicaments (EMA) et de l’Autorité européenne du travail (ELA), la Cour de justice de l’Union européenne avait rappelé la compétence conjointe du Conseil européen et du Parlement européen en matière de fixation du siège des organismes européens[1].
Ainsi, 27 voix ont été attribuées aux Etats membres réunis au sein du Conseil et 27 autres aux groupes politiques représentés au Parlement, selon leur nombre de siège.
Des critères de sélection communs ont été définis par les deux instances :
- La date à laquelle le site sera opérationnel pour accueillir l’autorité ;
- L’accessibilité du site ;
- La proximité avec des établissements scolaires pour le personnel de l’autorité ;
- Le contexte du marché du travail, de la protection sociale et de l’accès au soin pour les familles du personnel ;
- L’équilibre entre les Etats membres.
Le 30 janvier 2024, les deux instances se sont ainsi réunies pour procéder à l’audition des villes candidates (la vidéo de l’audition est disponible ici)
Le vote s’est déroulé ce jeudi 22 février et s’est conclu par une victoire de l’Allemagne : Francfort a été sélectionnée en obtenant 28 voix sur 54.
Siège de l'AMLA : Paris Déçu malgré son rôle central dans la Lutte contre le Blanchiment
Paris avait pourtant soigné sa candidature[2] en mettant en avant ses actions dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, mais également le rôle central qu’occupe la capitale française en matière de régulation financière.
En effet, Paris accueille déjà le siège du GAFI[3], mais également celui de de l’Autorité européenne des marchés et services financiers (ESMA) ainsi que celui de l’Autorité bancaire européenne (EBA), relocalisée depuis le Brexit.
Bruno Lemaire, ministre de l’Économie et des finances, avait ardemment défendu la candidature de Paris. Il avait en effet pu insister, lors de l’audition devant le Conseil et le Parlement européen, sur l’engagement de la France en matière de lutte anti-blanchiment, rappelant à cet égard que le GAFI avait récemment reconnu l’efficacité de la France dans la lutte contre la criminalité financière[4].
Paris avait également mis en avant la richesse de ses infrastructures, de son réseau de transport et de son offre de soin.
Si la France figurait dans la liste restreinte des « finalistes », elle n’a finalement pas fait le poids face à l’Allemagne. L’AMLA s’installera donc à Francfort, qui accueille déjà la Banque centrale européenne (BCE).
Quelles seront les missions de l’AMLA ?
La création de l’AMLA est l’un des éléments constituant le « Pack AML », proposé par la Commission européenne. Ce pack inclut également une proposition de règlement relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme qui viendra remplacer la directive existante en la matière (dite « Directive AML 5[5] »). Une directive relative aux mécanismes de blanchiment et un règlement sur les transferts de crypto-actifs complètent ce pack législatif.
Les principales missions dévolues à l’AMLA sont les suivantes :
- Assurer la supervision directe de certains établissements de crédit et établissements financiers considérés à haut risque, y compris des fournisseurs de services sur crypto-actifs ;
- Superviser et coordonner l’action des autorités nationales de régulation ;
- Centraliser les données relatives à la surveillance des entités assujetties, notamment en reprenant la base de données de l’EBA ;
- Coordonner la collaboration avec les cellules de renseignement financier (comme Tracfin en France) notamment en matière de mise en œuvre des mesures de gel des avoirs ;
- Adopter des normes techniques de réglementation (RTS) ainsi que des lignes directrices et des recommandations en matière de LCB-FT.
L’autorité devrait être opérationnelle en 2025 et il est certain qu’elle contribuera à renforcer la mise en œuvre des exigences en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Une belle opportunité pour les Regtechs (dont nous vous parlions dans un précédent article) : la conformité continuera d’être un enjeu toujours plus crucial pour les acteurs bancaires et financiers.
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Les pôles Fintech et Compliance du cabinet Haas Avocats accompagnent les Fintechs et l’ensemble des personnes assujetties aux règles en matière de LCB-FT dans leur mise à niveau en vue de se conformer aux exigences de la réglementation. Pour tous renseignements complémentaires, n’hésitez pas à nous contacter.
[1] Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 juillet 2022, Italie et Comune di Milano/Conseil et Parlement (Siège de l’Agence européenne des médicaments), C-106/19 et C-232/19 et Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 juillet 2022, Parlement/Conseil (Siège de l’Autorité européenne du travail), C-743/19
[2] La candidature est consultable ici
[3] Le GAFI, Groupe d’action financière est un organisme rattaché à l’OCDE chargé d’établir des lignes de conduite en matière de LCB-FT.
[4] Communiqué de la Direction générale du Trésor « Le GAFI reconnaît l’efficacité de la France dans la lutte contre la criminalité financière »
[5] Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE