Droit à la connexion : un droit fondamental bientôt inscrit dans la loi ?

Droit à la connexion : un droit fondamental bientôt inscrit dans la loi ?
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Par Gérard Haas, Eléonore Hakim et Théophile Tsimaratos

Après un long chemin pour aboutir à l’insertion d’un droit à la déconnexion dans le Code du travail, le Gouvernement souhaite désormais codifier son corollaire : le droit à la connexion.

Le 5 avril 2022, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale pour insérer au sein du Code des postes et des communications électroniques (CPCE), un droit à la connexion opposable garantissant l’égalité d’accès au numérique dans les territoires.

Garantir un égal accès au numérique

Pour lutter contre le phénomène de fracture numérique, le gouvernement français a mis en œuvre de nombreuses initiatives afin de pallier aux inégalités d’accès à Internet sur le territoire national.

On citera notamment le New Deal Mobile conclu en juillet 2018 par l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Électronique des Postes et des distributions de la presse), les opérateurs et le Gouvernement. Cet accord a considérablement accéléré la couverture mobile des territoires métropolitains mais également le Plan Très Haut Débit lancé en 2013 qui a permis d’accélérer la généralisation de l’accès au haut débit fixe.

Les efforts du Gouvernement ont d’ailleurs été salués dans le rapport annuel de l’ARCEP.

Toutefois, malgré ce travail, de nombreux territoires demeurent mal desservis tant en couverture internet qu’en couverture mobile.

Pourtant, selon l’article L.35-1 du CPCE, tout utilisateur est censé « avoir accès en position déterminée, à un service d’accès adéquat à l’internet haut débit et a un service de communications vocales ».

Cependant, force est de constater que, sur le terrain, les opérateurs mobiles n’assurent pas pleinement ce service de manière égalitaire.

Fort de ce constat le Gouvernement, qui s’inscrit dans une démarche constante d’amélioration, souhaite instituer dans la loi, un droit fondamental à la connexion.

A l’heure du tout numérique, priver un citoyen d’internet revient à le mettre au ban de la société. Lui conférer un droit fondamental à la connexion, c’est lui confier des outils juridiques pour exister dans une société numérisée.

Le droit à la connexion : un droit fondamental ?

La proposition de loi contient un article unique ayant pour objectif d’inscrire dans la loi un droit fondamental à l’accès au service universel de communications électroniques.

L’article unique de cette proposition prévoit d’ajouter deux alinéas à l’article L.33 du CPCE.

L’alinéa 1er de l’article L.33 du CPCE prévoit que : « Le droit à l’accès au service universel des communications électroniques, mentionné à l’article L.35-1, est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent ».

Quels enjeux se cachent derrière la volonté du gouvernement d’instituer un droit à la connexion partout et pour tous ?

La proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale déclare à ce titre que « Ce droit fondamental conférerait aux obligations de service universel une plus grande portée symbolique, ce qui permet d’envisager un resserrement des obligations pesant sur les opérateurs, ainsi que sur l’Etat dans son rôle de régulation ».

La proposition de loi s’inscrit dans la continuité de notre article sur le déploiement de la 5G en France ainsi que sur le rapport annuel de l’ARCEP.

En effet, ce rapport porte sur la connectivité des territoires en France et a pour but implicite de faire pression sur les opérateurs mobiles afin de les contraindre à respecter les objectifs poursuivis par le Gouvernement.

Cependant, de nombreuses interrogations demeurent. Quel mécanisme sera déployé en cas de non-respect du droit à la connexion ? De quels instruments disposera le juge pour lutter contre les atteintes à ce nouveau droit fondamental.

La mise en œuvre automatique du pouvoir de sanction de l’ARCEP en cas de manquement avéré

Le caractère contraignant de ce droit a été prévu par l’alinéa 2 de l’article L.33 du CPCE qui dispose que : « Toute personne physique résidant sur le territoire national au sens de l’article 4 B du code général des impôts et ne bénéficiant pas de droit peut notifier ce manquement à l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse qui doit alors, si le manquement est avéré, exercer son pouvoir de sanction, dans les conditions prévues à l’article L.36-11 du présent code ».

En cas de manquement avéré, l’ARCEP sera dans l’obligation de faire usage de son pouvoir de sanction.

Il en résulte une pression importante pesant sur les opérateurs mobiles, qui encore aujourd’hui ne suivent pas les orientations de l’Etat, en adoptant notamment des décisions unilatérales.

La naissance d’un droit fondamental à la connexion serait un véritable séisme dans le monde des télécommunications.

Il serait grandement bénéfique pour les personnes physiques, qui pourraient invoquer ce droit devant des tribunaux lorsqu’ils se trouvent dans un territoire déconnecté, mais aussi bénéfique pour l’Etat qui a ici trouvé un moyen légal pour accélérer le processus de connectivité totale du territoire.

En revanche, la pression s’accentuerait sur les opérateurs de télécommunications qui s’exposeraient à de lourdes sanctions financières en cas de violation de ce droit à la connexion, et qui pourraient se trouver déstabilisés par la naissance d’un nouveau contentieux.

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Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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