Par Haas Avocats
L’empreinte carbone du numérique pourrait augmenter de 60% d’ici à 2040[1]. Alors qu’il représente déjà 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises, cette part devrait alors passer à 6,7%.
Une étude de l’ADEME-Arcep (2022-2023) avait déjà montré que 79 % de cette empreinte provenait des équipements, dont notamment leur fabrication à hauteur de 80 %[2].
Face à ces enjeux, le gouvernement a présenté le 4 juillet 2023, une feuille de route pour la « décarbonation du numérique ». Ce plan d’action se concentre notamment sur le cycle de vie des produits et leur consommation, en écho au cadre législatif développé ces dernières années avec la Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (Loi AGEC) et la Loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (Loi REEN).
Au regard de cette feuille de route, trois points principaux laissent présager des évolutions législatives et règlementaires :
Favoriser la transparence : vers des obligations d’information renforcées
La Loi AGEC avait déjà introduit aux articles L. 541-9-1 et L. 541-9-2 du Code de l’environnement des obligations d’information à la charge des producteurs envers les vendeurs et des vendeurs envers les consommateurs :
- La première s’adresse à l’ensemble des autres producteurs de « produits générateurs de déchets ». Une information quant à l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, les possibilités de réemploi ou encore la recyclabilité doit être visible ou accessible par le consommateur au moment de l’achat ;
- La seconde s’adresse uniquement aux producteurs, importateurs ou distributeurs et leur impose de communiquer les indices de réparabilité et de durabilité relatifs aux produits.
En outre, celle-ci a imposé aux entreprises ayant pour activité d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne d’informer leurs abonnés quant à la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d’accès au réseau et de l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant[3].
La feuille de route laisse présager un renforcement et un élargissement de ces différentes obligations d’information. En effet, une partie est dédiée à l’affichage de l’empreinte environnementale des services numériques dans leur ensemble, et non limitée aux fournisseurs de réseaux.
L’éco-conception et la valorisation du cycle de vie du produit
En matière de marchés publics, la Loi AGEC avait déjà introduit un principe selon lequel l’Etat et les collectivités territoriales doivent, lors de leurs achats publics, privilégier « les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées »[4]. Pour ce faire, ces acteurs doivent prévoir des clauses et des critères « utiles » dans le cahier des charges.
Cette disposition est complétée par le nouvel article L. 541-10-12 du Code de l’environnement qui prévoit pour les producteurs de produits générateurs de déchets d’élaborer et mettre en œuvre un plan de prévention et d’écoconception. Ce plan a pour objectif « de réduire l’usage des ressources non renouvelables, d’accroître l’utilisation de matières recyclées et d’accroître la recyclabilité de ses produits » et doit être révisé tous les cinq ans.
L’objet est de faire tendre secteur public et secteur privé vers un meilleur contrôle du cycle de vie des équipements électriques et électroniques. La feuille de route du gouvernement continue sur cette lancée en lançant des réflexions sur l’écoconception des objets connectés (IoT).
La lutte contre l’obsolescence
La Loi REEN avait déjà étendu la prohibition de l’obsolescence programmée à l’obsolescence logicielle en modifiant l’article L. 441-2 du Code de la consommation : « Est interdite la pratique de l'obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d'un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie ».
Cependant, avec l’avènement du marketing et de l’étude du comportement du consommateur, de nouveaux types d’obsolescence sont apparus, parfois perçus comme encore plus redoutables que l’obsolescence programmée.
La feuille de route identifie de nouveaux axes de lutte contre l’obsolescence afin de couvrir ou anticiper les nouveaux modes de consommations et pratiques marketing :
- L’obsolescence culturelle ou psychologique : cette pratique désigne les cas dans lesquels les utilisateurs veulent se séparer de leurs appareils avant même leur fin de vie technique. La feuille de route se fixe pour objectif de limiter ce type de pratiques liées aux injonctions sociales, culturelles ou psychologiques alimentées par les nouveautés des produits et les campagnes marketing.
- L’obsolescence technique : ce concept désigne l’impossibilité d’utiliser certains appareils en raison de l’obsolescence ou de la disparition de différents produits associés.
Ces différents axes développés au sein de la feuille de route publiée par le gouvernement donnent un aperçu des futures priorités concernant le secteur numérique, notamment en matière d’impact environnemental.
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[1] Rapport d’information n°555 (2019-2020) de MM. G. CHEVROLLIER et J-M. HOULLEGATTE, déposé le 24 juin 2020
[2] Etude ADEME-Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en 2020, 2030 et 2050
[3] Article 6, I, 1bis de la Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économique numérique
[4] Article 55 de la Loi AGEC