Contrefaçon et parasitisme : quelles preuves pour gagner en justice ?

Contrefaçon et parasitisme : quelles preuves pour gagner en justice ?
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Par Haas Avocats

La décision du 23 janvier 2025, rendue par le Tribunal judiciaire de Paris, porte sur un litige assez classique entre deux sociétés, concernant des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et de parasitisme.

Cette dernière revêt un intérêt particulier en ce qu’elle examine les éléments de preuve requis pour la démonstration de chacun de ces moyens.

En matière de démonstration de contrefaçon, concurrence déloyale et de parasitisme, la théorie peut sembler relativement simple mais dans la pratique, les choses peuvent parfois devenir plus complexes.

 

Concurrence déloyale et contrefaçon : l’affaire entre Swixim et Suisse Immo

La société suisse Swixim International a créé un réseau international de professionnels de l’immobilier, incluant agents et courtiers présents dans plusieurs pays, dont la Suisse et la France. Ce réseau s’appuie notamment sur un site internet, https://www.swixim.fr.

De son côté, la société Suisse Immo exploite également un réseau d’agents immobiliers via des agences physiques et des agents mandataires, notamment via son site internet https://www.suisse-immo.fr.

Estimant sur la foi d’un procès-verbal de constat établi par commissaire de justice que la société Suisse Immo reproduisait dans le cadre d’annonces immobilières le nom Swixim ainsi que son logo des annonces immobilières en ligne, la société Swixim a assigné son concurrent pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme.

Pour rappel, dans le cadre d'un procès civil, la charge de la preuve incombe à la partie qui invoque un droit ou un fait.

Contrefaçon rejetée : Pourquoi le Tribunal estime que "Suisse Immo" et "Swixim" ne se confondent pas

La demanderesse alléguait, à l’appui d’un procès-verbal de constat de commissaire de justice, que la société Suisse IMMO s’était rendue coupable de contrefaçon par imitation, en soulignant que le terme "Suisse Immo" était une déclinaison du terme "Swixim". Elle soutenait que la ressemblance entre les signes en cause, le logo des marques Swixim et la marque Suisse Immo, était manifeste tant sur un plan visuel que conceptuel, ce qui générait ainsi une confusion dans l’esprit du public.

Le Tribunal a d’abord rappelé que la caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique.

Néanmoins, lorsqu’il n'y a pas identité de signes et de produits et services désignés, l'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné.

La démonstration des défenderesses a emporté la conviction du juge : les noms "Suisse Immo" et "Swixim" étaient suffisamment distincts pour éviter toute confusion dans l'esprit du public.

Le Tribunal a estimé que les noms étaient suffisamment distincts pour ne pas induire de confusion, tant sur le plan visuel que phonétique.

En conséquence, la demande en contrefaçon a été rejetée faute de preuves suffisamment probantes de cette confusion.

Constater des actes de concurrence déloyale : Démontrez la faute

L’action en concurrence déloyale a quant à elle pour but de sanctionner des agissements déloyaux qui constituent des abus à la liberté de commerce. Elle obéit à une logique différente de l’action en contrefaçon. Le plaignant doit démontrer la faute de son concurrent, cette faute pouvant résulter de la création d'un risque de confusion quant à l’origine d’un produit ou service, ce qui porte atteinte à un commerce loyal et paisible.

Contrairement à l’action en contrefaçon, qui protège un signe, l’action en concurrence déloyale protège l'entreprise elle-même. Elle se fonde sur l’article 1240 du Code civil, qui dispose que toute action fautive et préjudiciable engage la responsabilité de son auteur.

Comme indiqué précédemment, le Tribunal, dans son analyse des actes de contrefaçon, avait rejeté l’existence d’un risque de confusion entre "Suisse Immo" et "Swixim". Il a poursuivi sur cette même ligne de raisonnement s’agissant du grief concurrence déloyale ce qui l’a conduit à également écarter ce dernier.

En effet, le Tribunal a estimé que la demanderesse ne parvenait pas à prouver qu’elle avait subi un préjudice, notamment pour les raisons suivantes :

  • le terme Suisse est répandu dans les dénominations sociales des sociétés exerçant dans l’immobilier et que ;
  • l’utilisation des couleurs rouge et blanche ne saurait être davantage fautif dès lors que ces couleurs sont « banales » dans le commerce et particulièrement dans le secteur immobilier.

Le Tribunal écarte l’accusation de parasitisme dans le litige entre Swixim et Suisse Immo

Le parasitisme, pour sa part, est défini comme un comportement consistant à tirer profit, de manière illicite, des efforts et des investissements d’un concurrent sans lui apporter une contrepartie équivalente. Il s'agit d'une exploitation indue des ressources, de l'image ou des efforts d'autrui sans risquer d'investissement ou d’efforts personnels.

Le tribunal a également écarté l'argument du parasitisme, faute pour la demanderesse de démontrer une valeur économique individualisée et la volonté de la défenderesse de se placer dans son sillage économique. Selon le tribunal, le choix du nom "Suisse Immo" et l’utilisation des couleurs emblématiques de la Confédération helvétique visaient simplement à souligner la proximité géographique des agences immobilières du réseau Suisse Immo avec la Suisse, toutes étant implantées dans les régions frontalières.

Swixim vs Suisse Immo : L'importance de la preuve numérique dans une affaire de concurrence déloyale

L’un des apports essentiels de cette décision tient dans le principe selon lequel la forme est aussi déterminante que le fond.

En effet, il convient de rappeler que le Tribunal a écarté des débats le procès-verbal de constat du commissaire de justice soulignant l'importance de respecter scrupuleusement les règles techniques en matière de preuve numérique.

Il est toutefois permis d’imaginer qu’une valeur probatoire suffisante attribuée au constat du commissaire de justice aurait pu modifier l’issue de l’affaire.

En effet, ce constat aurait potentiellement permis de démontrer l'existence de multiples références au terme "Swixim" sur Internet, et ce, dans un contexte où cette dénomination pourrait avoir été utilisée de manière à induire le public en erreur. De telles preuves auraient pu influencer l'appréciation du Tribunal concernant l'impact réel du terme "Swixim" sur la concurrence dans le secteur concerné.

Le Tribunal en déduit que, faute de respect de ces impératifs techniques, l’authenticité des captures internet réalisées par le commissaire de justice ne peut être tenue pour certaine et déboute la demanderesse de sa demande.

Prouver une telle faute nécessite souvent des éléments factuels solides et précis. L’autre difficulté réside dans le fait que ces comportements se manifestent souvent de manière indirecte ou subtile, ce qui rend leur identification et leur démonstration plus complexes.

En définitive l’affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Paris illustre de manière saisissante l’une des difficultés majeures auxquelles se heurtent les parties plaignantes en matière de contrefaçon, concurrence déloyale et de parasitisme : la question de la preuve.

Le jugement n’est pas définitif, la décision ayant été frappée d’appel.

Affaire à suivre ...

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