Contrefaçon de marque : attention à l’usage des logos après résiliation

Contrefaçon de marque : attention à l’usage des logos après résiliation
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Par Haas Avocats

Une agence immobilière adhère à un réseau professionnel par contrat d’adhésion du 28 juin 2020. Ce contrat est résilié par lettre du 03 août 2020 en raison de l’inexécution par l’agence adhérente de son obligation de non-concurrence : elle a créé un réseau concurrent de celui auquel elle adhérait.

Or, l’agence continue d’afficher, sur son site internet, des images de sa devanture sur laquelle apparaît le logo déposé à titre de marque du réseau dont elle a été exclue. La société GN Immo, titulaire de la marque semi-figurative française ainsi reproduite, assigne l’ancienne adhérente en contrefaçon de marque et paiement d'indemnités de rupture du contrat d'adhésion du 28 juin 2011.

Contrefaçon de marque : les photos de façades sur internet concernées

L’action en contrefaçon de marque française est strictement encadrée par les dispositions du code de propriété intellectuelle, et suppose la titularité d’un droit de propriété conféré par l’enregistrement préalable de la marque[1] auprès de l’INPI.

En l’espèce, la société GN IMMO accuse la société JR Conseils d’avoir usé à titre de marque d’un signe identique à la marque semi-figurative « Gni Agence membre » n° 4 209 871, dument enregistrée, sur la devanture d’une agence représentée sur son site internet.

En d’autres termes, le site internet de l’intimée contenait une ou plusieurs images de la devanture d’une de ses agences. Sur cette ou ces images, l’agence arborait un signe identique à la marque détenue par l’appelante.

L’intimée était auparavant autorisée à reproduire la marque litigieuse en vertu d’un contrat d’adhésion au réseau GN Immo, cependant la résiliation du contrat le 03 août 2020 a fait disparaître cette autorisation.

L’appelante avait été déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de sa marque en première instance, le tribunal ayant considéré que le titre revendiqué n’était pas suffisamment identifié.

En appel, la cour relève que la société JR Conseils ne conteste pas la reproduction de la marque sur son site, ajoutant qu’elle est utilisée pour désigner des produits identiques à ceux visés au dépôt de la marque.

L’intimée expose qu’il s’agit d’un « oubli de mise à jour dudit site internet » postérieur à la résiliation du contrat d’adhésion, soutenant que cela ne cause aucun préjudice à GN Immo. Elle soutient également que les logos ne sont plus affichés sur son site depuis le mois d’octobre 2020.

Cependant, en matière civile, la contrefaçon ne nécessite pas d’élément intentionnel pour être constituée. Logiquement, la cour d’appel décide donc que la contrefaçon est caractérisée et infirme le jugement de première instance.

Réparation pécuniaire de la contrefaçon de marque : attention au chiffrage du préjudice

L’appelante sollicitait la somme de 40.000 euros en réparation de son préjudice économique. Cependant, la cour réévalue cette demande au motif que les conséquences négatives de la contrefaçon de marque et les bénéfices réalisés par le contrefacteur ne sont pas chiffrés. En conséquence, la somme forfaitaire de 40.000 euros demandée n’est pas justifiée et ne peut être accueillie.

En effet, l’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la juridiction apprécie le préjudice au regard :

  • Des conséquences économiques négatives de la contrefaçon,
  • Du préjudice moral causé à la partie lésée,
  • Des bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Le même article prévoit la possibilité de demander une somme forfaitaire qui n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Ainsi, à défaut de pouvoir chiffrer précisément le préjudice subi à cause des actes de contrefaçon, il est possible de solliciter l’allocation par le juge d’une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts.

Cependant, cette décision illustre que ce choix présente le risque que la somme forfaitaire demandée soit substantiellement revue à la baisse par la juridiction voire rejetée, faute de pouvoir en apprécier la substance.

En conséquence, la cour rejette la demande de condamnation en réparation du préjudice patrimonial subi par l’appelante et lui accorde la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Demande de publication : une mesure complémentaire ou accessoire

En sus de ses demandes de condamnations pécuniaires en réparation de son préjudice patrimonial et de son préjudice moral subis du fait des actes de contrefaçon, l’appelante forme une demande de publication de l’arrêt à intervenir dans 3 journaux.

L’intimée demande à la cour de conclure à l’irrecevabilité de cette demande en ce qu’elle constituerait une demande nouvelle en appel.

Sur l’aspect processuel, la cour juge la demande recevable au visa de l’article 566 du code de procédure civile. En effet, il est possible d’ajouter des prétentions à celles soumises au premier juge si ces prétentions sont « l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire » aux prétentions de première instance.

La Cour ne rentre pas dans le détail de la motivation sur la recevabilité de la demande de publication, cependant celle-ci s’explique aisément : la mesure de publication de la décision permet une réparation en nature du préjudice subi. Dès lors que l’appelante demande la réparation du préjudice subi en conséquence des actes de contrefaçon au premier juge, les prétentions qui visent précisément à la réparation de ce préjudice doivent être considérées comme recevables.

Dans ce sens, le code de la propriété intellectuelle[2] prévoit expressément la possibilité pour la juridiction d’ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement en cas de condamnation civile pour contrefaçon.

Si la cour ne tranche pas entre le caractère accessoire ou bien complémentaire de cette demande au sens de l’article 566 du code de procédure civile, cette distinction n’aurait en tout état de cause pas modifié la solution retenue.

Cependant, si la demande est recevable, l’appelante en est déboutée, son préjudice étant déjà intégralement réparé.

Il faut relever que les demandes d’irrecevabilité formées par l’intimée au titre de la concurrence déloyale invoquée par l’appelante ont pour leur part été accueillies par la Cour. En effet, l’appelante n’avait pas formulé de demande de condamnation à des dommages et intérêts fondée sur la concurrence déloyale en première instance. Dès lors, en application de l’article 768 du code de procédure civile, la demande formée à ce titre devant la cour d’appel pour la première fois est nouvelle.

Contrairement à la demande de publication qui était « accessoire ou complémentaire » car elle tendait aux mêmes fins que les demandes de dommages et intérêts pour contrefaçon (réparer le préjudice de la contrefaçon), la demande de réparation pour concurrence déloyale et parasitaire ne se raccrochait à aucune demande déjà formée en première instance.

La possibilité d’anticiper les conséquences de la résiliation du contrat

L’intimée avait adhéré au réseau professionnel de l’appelante en 2011. Elle a cependant créé son propre réseau concurrent malgré son obligation contractuelle de non-concurrence. Ainsi, l’appelante a rompu le contrat d’adhésion de 2011 par courrier du 03 août 2020 et mis en demeure l’intimée de cesser tout acte de concurrence déloyale.

Or le contrat, qui était à durée déterminée, comportait une clause pénale prévoyant, en cas d’inexécution par l’adhérent d’une obligation mise à sa charge aux termes du contrat, la résiliation de plein droit ainsi que le paiement du solde restant dû jusqu’au terme du contrat, majoré d’une peine égale à 10% de la totalité des redevances restant à échoir.

La cour applique la clause pénale sans augmenter ni modérer la peine prévue[3], au motif que l’intimée n’a jamais contesté les motifs de la résiliation du contrat, ni démontré le caractère excessif de la clause devant le juge.

La décision illustre qu’une clause pénale peut être un outil efficace pour anticiper l’éventualité de l’inexécution par une partie de certaines obligations prévues au contrat, en ce qu’elle permet d’évaluer forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée.[4] Outre les cas d’inexécution d’une obligation, les clauses pénales peuvent également fixer des pénalités en cas de retard dans l’exécution d’une ou plusieurs obligations.[5]

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[1] Articles L. 713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

[2] Article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle

[3] Faculté du juge encadrée par l’article 1152 du code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce, aujourd’hui prévue par l’article 1231-5 du code civil.

[4] Civ. 1re, 10 oct. 1995, no 93-16.869

[5] Com. 18 juin 2013, no 12-18.420

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