Comment identifier les faux avis sur internet ?

Comment identifier les faux avis sur internet ?
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Par Amanda Dubarry et Marie Torelli

Lors d’un achat sur Internet, les avis sont parfois plus importants que le produit.

N’ayant pas la possibilité de voir ou de tester le produit in real life, les internautes ont de plus en plus tendance à fonder leur choix sur les commentaires postés par les autres consommateurs sur les sites de e-commerce. 

Très vite, des entreprises ont tourné la fonction « commentaires » à leur avantage en publiant de faux avis destinés à influencer leurs clients. Qu’il s’agisse de commentaires positifs publiés par des sociétés payées pour le faire ou de critiques négatives postées par des concurrents, les faux avis fragilisent la confiance des internautes et peuvent avoir des conséquences durables sur l’e-reputation d’une plateforme, d’un vendeur ou encore d’une marque.  

Si le droit ne reste pas silencieux face à cette pratique, 72% des consommateurs mondiaux pensent que le secteur de la distribution doit fixer de nouvelles normes pour combattre les faux avis.

Plus que des normes, la technologie peut offrir des solutions innovantes et efficaces pour débusquer les faux avis.

1. L’arsenal législatif et les sanctions

L’arsenal législatif de lutte contre les faux avis comprend trois volets :  

1.1. L’obligation de transparence sur le traitement réservé aux avis des consommateurs

Créé par la loi pour une république numérique du 7 octobre 2016, l’article L. 111-7-2 du code de la consommation impose aux éditeurs de sites et aux plateformes en ligne de délivrer une information « loyale claire et transparente » aux consommateurs sur le traitement des avis mis en ligne.  

Cette information a pour but d’éclairer les consommateurs sur les critères permettant de classer les avis, l’existence ou non de contrepartie en l’échange de l’avis donné ou encore la date de publication des commentaires. Les consommateurs peuvent également signaler à la plateforme les avis qui leur paraissent frauduleux, à condition que ce signalement soit motivé.

Le respect de cette obligation est contrôlé par la DGCCRF qui pourra, en cas de manquement, prononcer une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale[1].

1.2. La prohibition de la pratique des faux avis par les professionnels

Le fait pour le professionnel de se présenter faussement comme un consommateur constitue une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L.121-4 21° du code de la consommation.

Ces pratiques peuvent donner lieu au prononcé d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros[2].

1.3. Au niveau européen

La directive 2019/2161 du 27 novembre 2019 concernant une meilleure application et une modernisation des règles de l'Union en matière de protection des consommateurs, que nous avions déjà présenté dans un article précédent, prévoit de nombreuses mesures destinées à accroître la transparence eu égard au traitement des avis.

La directive élargit ainsi la notion de faux avis au fait de :

  • Soumettre de faux avis par le biais d’achats de likes sur les réseaux sociaux ;
  • Extrapoler les recommandations sociales lorsque l’interaction positive d’un utilisateur avec un certain contenu en ligne est reliée ou transférée à un contenu différent mais associé, créant ainsi l’apparence que cet utilisateur a également une opinion positive de ce contenu associé.

Afin de garantir l’effet dissuasif des sanctions, la directive prévoit également que « les États membres devraient fixer, dans leur droit national, l’amende maximale pour ces infractions à un niveau correspondant à au moins 4 % du chiffre d’affaires annuel du professionnel dans le ou les États membres concernés.»[3]

A ce jour, la directive n’a pas encore été transposée. Le projet de loi de transposition est en cours de discussion au Sénat.

2. La jurisprudence

A ce jour, les condamnations fondées sur la publication de faux avis sont encore peu nombreuses.

En 2018, la Cour d’appel de Dijon avait ainsi été l’une des premières juridictions à condamner l’auteur d’un faux avis et ce, sur le fondement du dénigrement[4].

Dans cette affaire, un internaute avait publié, sur le site des pages jaunes, une critique extrêmement négative et dissuasive à l’encontre d’un restaurant, alors même qu’il n’avait pas encore ouvert.

Suite à un signalement de la part des gérants du restaurant, les pages jaunes avaient supprimé la critique que l’internaute avait réitéré dès l’ouverture de l’établissement.

Les gérants l’ont alors assigné devant le tribunal judiciaire de Dijon sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil aux fins d’obtenir réparation de leurs préjudices financier et moral au titre de l’atteinte portée à l’image de leur restaurant.  

Confirmant la décision de première instance, la Cour d’appel de Dijon a estimé que, si la publication d’un avis négatif n’est pas fautive en soi, il en va autrement lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services critiqués.

Outre les frais de procédure, l’auteur du commentaire a donc été condamné au paiement des sommes de 2500 euros à titre de réparation du préjudice d’image et de 4000 euros à titre de réparation du préjudice financier subi par les gérants du restaurant critiqué du fait de la publication de son faux avis.

3. La norme ISO sur les avis des consommateurs en ligne 

Pour renforcer la confiance des consommateurs envers le commerce en ligne et permettre de lutter contre les faux avis, des outils de soft law se sont développés. Tel est le cas de la norme NF ISO 20488 qui a remplacé, en 2018, la norme française NF Z74-501 relative aux avis en ligne des consommateurs.

Cette norme propose un certain nombre de standards auxquels les sites de e-commerce pourront choisir de se conformer notamment en ce qui concerne :

  • La collecte des avis (interdiction d’acheter des avis, vérification de l’expérience de consommation…) ;
  • La modération des avis (modération a priori des avis, règles de modération listées dans les CGU…) ;
  • La publication des avis (critères de classement des avis, affichage de l’ensemble des avis, même mauvais…).

Si cette norme constitue un outil de lutte contre les faux avis, son application est en réalité soumise à la volonté des acteurs du commerce électronique qui peuvent choisir, ou non, de s’y conformer et ce, quand ils ont la possibilité technique de le faire.

En effet, les marketplaces pourront difficilement mettre en œuvre cette norme dès lors qu’elles n’exercent, par nature, aucun contrôle sur les actes des vendeurs qui commercialisent leurs produits via leurs plateformes.

Par ailleurs, une telle norme n’a aucune valeur juridique contraignante et ne lie pas le juge ; il ne s’agit en effet que de simples recommandations ou « bonnes pratiques » issues des usages professionnels.

4. Comment débusquer les faux avis ?

Le meilleur moyen de lutter contre les faux avis reste donc de faire preuve d’esprit critique en appliquant les recommandations suivantes :

  • Se méfier des extrêmes. Les commentaires vides ou très courts peuvent permettre de douter de leur authenticité : qui irait poster simplement une (bonne) note ou une phrase sans y avoir été invité ? A l’inverse, les commentaires trop longs qui s’épanchent sur les détails du produit et ses qualités sont généralement de faux avis postés par des personnes qui ont été payées pour les rédiger.
  • Examiner le langage employé. Les faux avis sont souvent postés par des personnes qui ne parlent pas le français et qui utilisent des traducteurs instantanés en ligne. Les anglicismes, les fautes de grammaire ou d’orthographe sont un bon indicateur du caractère frauduleux de l’avis.
  • Vérifier la date des commentaires. Si vous rencontrez des avis élogieux écrits le même jour ou à quelques minutes d’écarts lorsque les heures sont indiquées, ils seront probablement faux.
  • La proportion d’avis positifs. Les consommateurs mécontents sont souvent plus enclins à laisser des avis pour alerter les autres. Lorsqu’un produit reçoit une trop grande proportion de commentaires positifs et sans réserve, ces avis sont probablement faux.
  • Les caractères spéciaux. Si, à la place d’un accent ou d’une apostrophe, apparaît une suite de chiffres et de caractères spéciaux, telle que « &#233 », c’est que l’avis a été copié/collé massivement sur le site et qu’il a donc de bonnes chances d’être faux.
  • Vérifier le profil de l’utilisateur. Lorsqu’on peut accéder au profil du commentateur, une bonne pratique consiste à vérifier notamment : la fréquence des commentaires, la langue dans laquelle ils sont rédigés, les marchands et les produits concernés par les commentaires, etc… D’une manière générale, lorsqu’une personne n’a posté qu’un seul commentaire ou que tous ses commentaires concernent le même marchand, le même produit ou la même marque, il y a de fortes chances pour que le profil soit factice.
  • Fonctionnalités « Vérifié ». Certaines plateformes permettent à leurs utilisateurs de ne laisser un avis que s’ils ont effectivement bénéficié du service. La présence de logos « vérifié » permet ainsi de déceler les vrais avis de ceux dont on peut douter de l’authenticité.
  • Conditions générales d’utilisation. Si le site sur lequel vous vous rendez modère ses avis, il est tenu d’en informer ses utilisateurs. Vérifier les conditions générales d’utilisation permet ainsi de voir si des modalités de vérification et de modération des commentaires sont mises en place et ainsi d’évaluer le niveau de confiance avec lequel vous pourrez consulter les avis.

5. La technologie au service de la modération des avis

Pour débusquer les faux avis, la technologie peut s’avérer particulièrement efficace. Le recours au « machine learning » peut ainsi permettre aux outils d’intelligence artificielle de reconnaître les faux avis et d’alerter les modérateurs en cas de publication d’un tel commentaire.

Dans son rapport publié en septembre 2019, la société Trip Advisor indique avoir recours à une telle technologique qui « utilise les fonctionnalités avancées d’analyse des réseaux et de modélisation de fraude pour relever des constantes électroniques indétectables par l’œil humain ». Ce système aurait permis de débusquer 1,4 million d’avis frauduleux ou qui en auraient l’apparence.

Ce dispositif n’est pas complètement automatisé. Afin de limiter les risques de faux-positifs, les commentaires ainsi repérés par la machine sont analysés par une équipe de modération qui a le dernier mot sur la validation, ou non, de l’avis.

Le meilleur outil de lutte contre les faux avis reste donc la modération. Les plateformes et éditeurs de site devront veiller à ce que les règles de modération des commentaires soient clairement indiquées dans les conditions générales d’utilisation et conformes aux prescriptions du code de la consommation.

A défaut, comme indiqué ci-dessus, ils s’exposent à des sanctions administratives dont le montant pourra s’élever jusqu’à 375 000 euros[5].

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[1] Article L131-4 du code de la consommation

[2] Article L132-2 du code de la consommation

[3] Considérant 10

[4] Cour d’Appel de Dijon, 20 mars 2018, n° 15/02004

[5] Article L131-4 du code de la consommation

Amanda DUBARRY

Auteur Amanda DUBARRY

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