Peut-on vendre de la fleur de CBD en toute légalité ?

Peut-on vendre de la fleur de CBD en toute légalité ?
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Par Gérard Haas, Jessica Moraly et Gaël Mahe

Partout en France et sur le web, le Cannabidiol (« CBD »)[1] connait un essor fleurissant depuis plus d’un an. Toutefois et bien qu’il existe une grande variété de produits à base de CBD la question de la commercialisation de la Fleur de chanvre/CBD (« Fleur de CBD ») reste floue.

La réglementation Française à revoir ?

Rappelons qu’en France, la commercialisation du chanvre est réglementée par l’Arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R5132-86 du Code de la santé publique pour le cannabis (« Arrêté de 1990 »), qui précise que seules sont autorisées en France : « l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) des variétés de Cannabis sativa L. » dont « la teneur en THC[2] […] n'est pas supérieure à 0,2 % ».

Ainsi, pour être licite, la commercialisation des graines et des fibres de variétés spécifiques de Cannabis Sativa L doit respecter les deux conditions cumulatives suivantes :

  1. Relever d’une variété de chanvre autorisée (« Carmagnola, C.S., Delta-Llosa, Delta-405, Dioïca 88, Earlina 8 FC, Epsilon 68, Fedora 17, Fedora 19, Fedrina 74, Felina 32, Felina 34, Ferimon, Fibranova, Fibrimon 56, Fibror 79, Finola, Futura, Futura 75, Futura 83, Orion 33, Santhica 23, Santhica 27, Santhica 70, Uso 31, Muka76 » [3]) ;
  2. Avoir une teneur en delta 9-tétrahydrocannbinol ne dépassant pas 0,2%.

Force est de constater que la fleur de chanvre n’est pas visée et par voie de conséquence l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de la fleur de CBD est interdite.

Toutefois cette situation a été bouleversée par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») rendu le 19 novembre 2020.

Le libre échange au service du CBD

Suivant une question préjudicielle de la Cour d’Appel d’Aix[4], la CJUE, dans le célèbre arrêt « Kanavape » du 19 novembre 2020, prend le parti du libre-échange :

  • D’une part, elle considère que le caractère stupéfiant du CBD n’est pas avéré :

Le CBD « n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope et d’effet nocif sur la santé humaine sur la base des données scientifiques disponibles » et il ne comporte pas de « principe psychoactif en l’état actuel des connaissances scientifiques » ;

  • D’autre part, qu’à défaut de preuve scientifique, la règlementation française ne justifie pas de motif pouvant interdire l’utilisation de la fleur de chanvre dans les procédés de fabrication des produits à base de CBD ;
  • Enfin, au nom du libre-échange, elle affirme la légalité de la commercialisation du CBD[5] légalement produit dans un autre Etat membre lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité.

Autrement dit, la décision de la CJUE clarifie et autorise l’exploitation de produits à base de CBD tirés de la totalité de la plante.

En principe, l’Arrêté de 1990 devrait, donc, faire l’objet d’une révision car il est en contradiction avec les conclusions de l’arrêt Kannavape. Par ailleurs, un projet de réforme de l’arrêté est en cours d’élaboration et, selon la MILDECA[6], « l’arrêté définitif sera publié fin 2021 / début 2022 ».

L'apport du rapport d'étape parlementaire 

Soulignons qu’une mission parlementaire d’information commune sur l’impact et les différents usages du cannabis a rendu, en février 2021, un rapport d’étape sur le « chanvre bien être » qui propose un changement radical de la règlementation française en matière de CBD.

Observons que ce rapport formule les propositions suivantes pour faciliter le développement de la filière française et les investissements des différents acteurs dans le marché du CBD.

Il invite donc à :

  • Réformer l’Arrêté de 1990 en incluant les fleurs de chanvre ;

  • Placer les fleurs de CBD sous le statut juridique de « produit à fumer à base de plantes autres que le tabac » ;

  • Renoncer au maintien du seuil de 0 % de THC dans les produits.

La jurisprudence française au secours de la fleur de chanvre

Dans la continuité de la décision Kannavape, la Cour de cassation a rendu deux arrêts[7] importants pour la commercialisation de la fleur de CBD.

  • Dans son arrêt du 15 juin 2021, la Cour de cassation a considéré que l’interdiction, même provisoire, de la commercialisation de produits contenant du CBD ne pouvait être ordonnée en l’absence de preuve que les produits en cause entraient dans la catégorie des produits stupéfiants ;

  • En outre, dans son arrêt du 23 juin 2021, la Cour de cassation a estimé que les juges du fond n’avaient pas recherché comme cela leur était demandé si les fleurs de CBD découvertes dans le magasin tenu par le prévenu était fabriqué légalement dans un autre Etat de l’UE.

En conclusion, même si la culture de fleur de CBD n’est toujours pas légale en France il semble que les obstacles pour la commercialisation de la fleur de CBD soient levés dès lors qu’elle reprend les critères exigés par les différentes décisions rendues à ce jour.

Le marché porteur

Désormais, rien ne s’oppose à la commercialisation de la fleur de CBD. C’est la raison pour laquelle on voit fleurir nombre de boutiques proposant la commercialisation de produits à base de CBD et notamment de fleurs de CBD (substances dont ses promoteurs prêtent de multiples vertus).

En effet, ce marché particulièrement attractif permet l’exploitation du CBD sous des formes diverses et variées : produits cosmétiques, alimentaires, liquide de cigarette électronique, infusions, etc.

Cette ouverture estivale du marché de la fleur de CBD, accordée par la haute juridiction, va vraisemblablement contribuer à rassurer et encourager les acteurs du marché jusqu’alors réticents.

Quid de la publicité sur le CBD ?

Certes, si la commercialisation est autorisée, encore faut-il respecter les règles de publicité en la matière. Celle-ci étant particulièrement règlementée.

A titre d’exemple, la MILDECA[8] précise que :

  • L’étiquetage et la publicité sur les produits contenant du CBD, n'étant pas des médicaments au sens de la réglementation française ne peuvent pas promouvoir les vertus thérapeutiques des produits associés ;

  • Les publicités pour les produits contenant du CBD ne doivent pas créer de confusion avec le cannabis et donc promouvoir le cannabis. Cette pratique est susceptible de constituer l'infraction pénale d'incitation à l'usage de stupéfiants.

Une résistance gouvernementale sur la fleur

La MILDECA a publié, le 21 juillet 2021, un communiqué dans lequel elle notifie le projet de nouvel Arrêté prenant en compte les changements afférant au marché du CBD.

Elle énonce notamment que le taux de THC requis dans les produits finis ne sera plus, semble-t ’il, de 0%. En effet, il est indiqué que « les extraits de chanvre, ainsi que les produits qui les intègrent, doivent avoir une teneur en THC qui n’est pas supérieure à 0,2%. A défaut, ils relèvent de la politique pénale de lutte contre les stupéfiants. »

Ce serait, en effet, une très bonne nouvelle pour les acteurs du marché en raison du coût important d’annihilation du THC à 0% dans les extraits de CBD.

Il faudra, en revanche accorder une attention toute particulière à la version finale de l’arrêté dans la mesure où le projet d’Arrêté du 20 juillet 2021, prévoit que « les fleurs et les feuilles des variétés mentionnées au I ne peuvent être récoltées, importées ou utilisées que pour la production industrielle d’extraits de chanvre. Sont notamment interdites la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation ».

En conséquence, la fleur de CBD : C’est Bien Disponible ? Débat à suivre.

 

Frise chronologique des grands événements du CBD :

 

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[1] Un cannabinoïde présent dans le cannabis qui serait dépourvu d’effet psychotrope.

[2] Delta-9-tétrahydrocannabinol.

[3] Liste des variétés de Cannabis Sativa L figurant à l’article 2 de l’Arrêté de 1990.

[4] Question portant sur la conformité de la règlementation française au droit européen limitant la culture et la commercialisation du chanvre aux seules fibres et graines

[5] C’est-à-dire le CBD présent dans les produits à base de CBD, en l’espèce il s’agissait de liquide d’e-cigarette

[6] Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues Et les Conduits Addictives

[7] Chambre criminelle de la Cour de cassation le 15 juin 2021 n°18-86.932 et Chambre criminelle de la Cour de cassation le 23 Juin 2021 n°20-84.212

[8] Cannabidiol (CBD) le point sur la législation, 24/11/2020, MILDECA

 

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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