Par Gérard Haas, Marie Torelli, Irène L'Homme et Sara Bakli
Le métavers offre de nombreuses perspectives aux utilisateurs dans des secteurs très variés comme le monde de l’entreprise, le jeu vidéo, le tourisme, la formation, le sport, etc. (Quelques exemples ici).
Cet univers autrefois fictif, dérivant de la célèbre dystopie de Neal Stephenson1, promet aujourd’hui une perspective économique majeure : un espace numérique de vente en ligne de contenus et produits numériques.
Concrètement, il est désormais possible de se balader dans des villes (Decentraland, The Sandbox ou Meta) et d’y faire son shopping, habiller son avatar grâce à des « skins », ou encore consommer un NFT Starbucks.
Pour mettre toutes les chances de leur côté, trois erreurs pour votre projet métavers devront être évitées :
Le Métavers s’est attiré les faveurs du e-commerce, offrant tout à la fois de nouveaux consommateurs et de nouvelles possibilités de distribution :
Cette expérience de vente passera par l’achat d’un espace dans le métavers pour y installer une boutique virtuelle.
Encadré par le code de la consommation, le commerce en ligne suppose le respect d’obligations renforcées à l’égard des consommateurs (CGV, modalités de vérification de la commande, droit de rétractation, obligations d’information, garantie légale de conformité des biens, des contenus et services numériques…).
En effet, lorsque le méta-commerce vise des consommateurs résidant en France, le droit applicable sera le droit de la consommation français.
Le contrat de vente conclu entre le professionnel et le consommateur sur le métavers recevra la qualification de contrat conclu à distance (Art. L221-1 du Code de la consommation).
En conséquence, le vendeur professionnel sera tenu :
Les meta-commerçants devront par ailleurs se conformer aux obligations imposées par la Directive Omnibus, notamment en cas de conclusion de contrats de fourniture de contenus numériques sans support matériel (achat d’un vêtement dans une boutique virtuelle) en organisant le droit de rétractation.
En principe, le consommateur dispose d’un délai de 14 jours à compter de l’achat du contenu numérique pour se rétracter.
Toutefois, le code de la consommation prévoit un certain nombre d’exceptions à l’exercice de ce droit, et dispose notamment qu’il peut être écarté pour les contrats de :
Et si le contrat soumet le consommateur à une obligation de payer, lorsque :
Si cette information n’est pas fournie, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial. Le manquement à cette obligation d’information est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros2.
Par ailleurs, le vendeur devra être particulièrement vigilant lors de la rédaction de Conditions Générales de Vente (« CGV ») portant sur des NFTs. En effet, le code de la consommation impose de transmettre au consommateur un certain nombre d’informations sur le bien « de manière lisible et compréhensible ».
Cette information porte en particulier sur les caractéristiques essentielles du « service numérique ou du contenu numérique3 » et doit contenir :
Ces caractéristiques essentielles portent notamment sur l’étendue des droits cédés avec le NFT, tels que les droits de propriété intellectuelle sur l’image ou l’objet représenté, le droit de revente ou le droit de suite.
En effet, les CGV devront détailler :
Les « wearables » (vêtements, chaussures…) crées et vendus dans le métavers, constituent dans certains cas la reproduction pixelisée de produits du monde réel et constituent ainsi de réels jumeaux numériques.
Les entreprises devront être particulièrement vigilantes à la reproduction de leurs marques.
L’affaire des « MetaBirkins » illustre les possibles dérives associées à la vente sur le métavers. Un artiste avait produit et vendu des NFTs reproduisant numériquement le sac emblématique de la maison Hermès, générant l’équivalent en cryptomonnaies de quelques milliers d’euros4.
Ainsi, les vendeurs de contenus numériques sur le metavers devront veiller au respect des droits de propriété intellectuelle et industrielle des tiers.
En droit des marques, la contrefaçon sera constituée par l’usage d’un contenu reproduisant de façon identique ou similaire, par le biais d’un produit numérique estampillé, une marque dont l’enregistrement a été étendu aux classes 9, 35 et 41 visant des produits et services virtuels5.
Il en va différemment des marques notoires, dont le seul usage non autorisé sur le métavers suffira à engager la responsabilité civile de son auteur6.
Quant au droit d’auteur, la contrefaçon sera sanctionnée par « toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit7 » dans le métavers.
Cela inclut bien entendu la vente d’un contenu numérique pour lequel le meta-commerçant n’a pas obtenu de droits.
La contrefaçon sera sanctionnée d’une amende pouvant atteindre 300 000 euros et jusqu’à trois ans d’emprisonnement8.
Le métavers suscite de nombreuses inquiétudes en matière de protection des données personnelles.
Le meta-commerce permet aux entreprises de collecter de nombreuses catégories de données personnelles concernant les meta-acheteurs.
En effet ces nouvelles catégories de données sont particulièrement personnelles (expressions faciales, gestes, regards, réactions, échanges, comportement etc.) et permettront de mieux comprendre la personne concernée et ainsi de la cibler de façon bien plus précise.
La protection des données à caractère personnel sur le métavers est susceptible de se heurter au champ d’application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) dès lors que les utilisateurs résident sur le territoire de l’Union européenne.
Les méta-vendeurs devront en outre respecter le principe de minimisation des données9 et s’assurer de ne collecter que les données « adéquates, pertinentes et limitées » pour la réalisation du service en réalité virtuelle (données de facturation…).
A ce titre, les vendeurs devront veiller à ne pas collecter les données correspondant à la localisation des utilisateurs sur le métavers, à leurs échanges ou à leur comportement, sauf lorsque la collecte de ces données est nécessaire au regard de l’objectif poursuivi.
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Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de vingt-cinq ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans le lancement de leurs activités dans le métavers ainsi que dans de nombreux domaines du droit.
Il dispose d’un cabinet entièrement dédié à la concurrence numérique ayant vocation à accompagner ses clients dans la sécurisation de leurs activités au regard de règles juridiques en mutation et en cours de construction.
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[1] Le terme ayant pour la première fois été utilisé dans le roman « Snow Crash », 1992.
[2] Article L.242-13 du code de la consommation
[3] Seront également communiqués : le prix, la date et le délai de livraison, l’identité du professionnel, les garanties et la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
[4] Le groupe Hermès a intenté une action contre un Mason Rothschild, artiste ayant vendu aux enchères 100 « MetaBirkins », pour un prix unitaire d’environ 50 000 dollars.
[5] Article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle.
[6] Article L713-5 du Code de la propriété intellectuelle.
[7] Article L335-3 du Code de la propriété intellectuelle.
[8] Article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle.
[9] Article 5.1.c du RGPD.