Par Paul BENELLI et Julie SOUSSAN
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Ces dernières années, le développement des marketplaces n’a cessé de croître. Selon la Fédération E-Commerce et Vente A Distance (FEVAD), en 2019, parmi les entreprises de 10 personnes ou plus qui vendent en ligne, 38% vendent sur les places de marché.
Ce taux monte à 47% pour les entreprises de 10 à 19 personnes.
Cet accroissement, et les pratiques commerciales « illicites » qui sont apparues, ont poussé le législateur et les autorités de contrôle à démultiplier les réglementations applicables à ces « plateformes en ligne » (Définition issue de la Loi pour une République Numérique d’Octobre 2016, reprise à l’article L.111-7 du Code de la Consommation).
L’année 2019 a de nouveau été marquée par de nombreuses évolutions impactant les Plateformes et autres marketplaces. Ainsi tout opérateur ou tout porteur de projet doit désormais nécessairement s’intéresser au cadre juridique applicable pour ne pas risquer de mettre à mal son modèle économique.
Vous souhaitez connaître le cadre juridique existant applicable aux plateformes en ligne :
En 2020, les Opérateurs de Plateforme devront particulièrement prêter attention aux éléments suivants :
C’est le changement majeur, initié depuis l’année 2016 et l’entrée en vigueur de la Loi pour une République Numérique. L’année 2020 sera marquée par une nette accentuation des obligations fiscales à la charge des opérateurs de plateformes en ligne.
Le dispositif, basé principalement sur les articles 242 bis, 256 et 283 du CGI, prévoit désormais les obligations suivantes :
d’adresser par voie électronique :
- Aux vendeurs, prestataires ou parties à l’échange un document mentionnant notamment le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l'utilisateur au cours de l'année civile précédente ;
- à l’administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les informations sont données, un document récapitulant notamment le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile précédente.
Par exception, l'opérateur de plateforme est dispensé de cette obligation lorsque :
- Le total des montants perçus par un même utilisateur n’excède pas 3.000 euros ;
--> ATTENTION : Ces premières obligations ne devront pas être prises à la légère puisque l’opérateur de plateforme qui ne remplirait pas ses obligations déclaratives s’expose à une amende de 5% des sommes non déclarées !
Par ailleurs, en matière de déclaration et de paiement de la TVA, le dispositif actuel a été renforcé afin notamment de préciser l’assujettissement des vendeurs se considérant, à tort, comme exonérés de son paiement (voir notre article sur le sujet).
Ce processus s’appliquera également à l’égard des opérateurs de plateformes en ligne référençant des vendeurs qui se soustraient aux obligations liées à la TVA, dans le cadre de l’importation de biens.
Par conséquent, tout opérateur de plateforme devra, pour 2020 :
La loi d’orientation des mobilités (la « LOM ») est entrée en vigueur le 24 décembre 2019 (suite à la censure de certains de ses articles par le Conseil constitutionnel).
Ce texte a vocation à réformer en profondeur de nombreux aspects du transport : services de mobilités, VTC, covoiturage, autopartage, trottinettes, voitures autonomes, données de transport etc.
L’objectif de cette réforme est de concilier l’amélioration des déplacements au quotidien avec l’enjeu de protection de l’environnement.
Les principales mesures de la LOM sont les suivantes :
Un arrêté devrait néanmoins fixer le seuil au-delà duquel les contributions financières reçues pourraient permettre de qualifier un « cotransporteur » de professionnel du transport public routier de marchandises.
En conclusion, tout opérateur de plateforme liée à la mobilité ou tout porteur de projet devra étudier l’impact de la LOM sur son activité, notamment dans l’hypothèse où celle-ci exigerait de lui la mise en place de chartes ou d’un portail permettant la communication de données pouvant être concernées par « l’open data ».
Le règlement européen dit « P2B » pour « Platform to Business » a été adopté par le Parlement et le Conseil Européen et entrera en application à partir du 12 juillet 2020.
Ce Règlement a vocation à instaurer un environnement économique transparent et prévisible pour les professionnels qui utilisent les services d’intermédiation en ligne pour la vente de leurs biens ou services. Il vient notamment encadrer les dispositions des contrats entre opérateurs de plateformes et les marchands qu’ils référencent.
Quatre principaux objectifs sont poursuivis par ce règlement (pour le détail des dispositions, voir notre article):
Dès 2020, les opérateurs de Plateformes devront donc veiller à revoir les contrats encadrant leurs relations avec les professionnels commercialisant leurs produits ou services via leur plateforme pour s’assurer de leur conformité au règlement européen « P2B ».
La mise en place de l’authentification forte des paiements, ou « Strong Customer Authentification (SCA) » en anglais, qui était initialement prévue pour le 14 septembre 2019, a finalement été repoussée au mois de mars 2021.
L’année 2020 devra donc être consacrée à la mise en place d’un système d’authentification reposant sur l’utilisation d’au moins deux éléments appartenant aux catégories suivantes :
Pour se conformer à ces nouvelles obligations qui pourront impacter les transactions opérées via la plateforme et donc, in fine, le flux d’affaires de la plateforme, les opérateurs devront rester attentifs aux évolutions réglementaires en la matière.
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a pour mission principale d’assurer la protection économique des consommateurs.
A ce titre, elle mène des contrôles pour vérifier la bonne application de la réglementation et la loyauté des pratiques commerciales, comme elle a pu le faire en fin d’année 2019 sur les plateformes de vente de produits cosmétiques et de jouets.
Pour l’exercice de cette mission, la DGCCRF a procédé, en 2019, à de nombreux contrôles d’Opérateurs de Plateformes afin de mieux protéger les consommateurs.
En 2019, la DGCCRF a notamment transmis à l’autorité judiciaire les conclusions de ses investigations concernant le site vente-privée.com. Il était reproché à l’entreprise d’avoir cherché à donner à ses clients l’illusion de faire une bonne affaire en mettant en place différentes stratégies frauduleuses visant à construire un « prix de référence » fictif.
D’autres Plateformes ont été contrôlées et se sont vues reprocher notamment l’absence d’espace dédié permettant aux professionnels proposant leurs produits ou services via une place de marché, de respecter leur obligation d’information précontractuelle concernant les contrats de vente conclus à distance.
Par ailleurs, le 2 septembre 2019, le Tribunal de commerce de Paris saisi à la suite d’une enquête réalisée par la DGCCRF, a infligé une amende de 4 millions d’euros à Amazon en raison du déséquilibre significatif existant dans les relations contractuelles avec les tiers vendeurs. En effet, Amazon avait notamment la possibilité de modifier ses conditions commerciales de manière unilatérale et de fermer le compte d’un vendeur sans motif ni préavis.
Il apparaît donc que l’année 2020 risque d’être marquée par des contrôles de la DGCCRF de plus en plus fréquents.
Les opérateurs de plateformes en ligne devraient donc mener de manière préventive sur leurs plateformes des audits en prévision d’éventuels contrôles de la DGCCRF.
En effet ces contrôles, au-delà des sanctions financières prévues, ont un effet particulièrement néfaste sur l’image des plateformes concernées comme on a pu le voir récemment suite aux sanctions prononcées à l’encontre de 19 sites e-commerce.
L’année 2019 a également été marquée par de nombreuses décisions rendues au sujet de l’activité des Plateformes en ligne.
Le 28 juin 2019, le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est positionné sur le point de savoir qui, du vendeur ou de l’opérateur de plateforme, serait considéré comme responsable juridiquement en cas de commercialisation d’un produit contrefaisant par l’intermédiaire d’une place de marché. En l’espèce la société Cdiscount avait été accusée de contrefaçon par la société Jansport Apparel Corp (JAC) exploitante de la marque de sacs à dos Eastpak, au motif qu’elle avait commercialisé via sa marketplace des sacs manifestement contrefaisants en provenance de Chine.
Après une étude du fonctionnement de la Plateforme, le Tribunal de Grande Instance de Paris a finalement considéré que Cdiscount se contentait, en tant qu’opérateur de plateforme en ligne, d’endosser un rôle de prestataire technique, automatique et passif et qu’à ce titre Cdiscount, en tant que simple hébergeur, ne devait pas être considérée comme responsable des produits contrefaisants commercialisés sur sa Plateforme.
Cette décision va à l’encontre de celle rendue le 21 Novembre 2017 dans une affaire similaire opposant la marketplace Alibaba à la société LAFUMA, le TGI de Paris ayant considéré qu’Alibaba était, elle, éditeur (et donc responsable) compte tenu de son immixtion dans les transactions réalisées par son intermédiaire.
L’année 2020 devrait donc être source de nouveaux arrêts, précisant les décisions de première instance des tribunaux de grande instance pour ainsi préciser la responsabilité des opérateurs de plateformes par rapport aux transactions réalisées par leur intermédiaire.
Tout opérateur de plateforme référençant des prestataires de services indépendants (VTC, cosmétique, service à la personne, livraison) devra rester particulièrement attentif à la fois au règlement européen « P2B » et aux décisions des Conseils des Prud’hommes qui continuent, invariablement, à prononcer des requalifications du contrat entre opérateur et prestataire de services en contrat de travail (voir notre article sur le sujet).
Tout opérateur de plateforme dédiée à des prestations de services devra impérativement veiller à limiter le risque de requalification de ses contrats avec les prestataires indépendants en contrat de travail, une telle requalification pouvant avoir de graves conséquences financières et remettre à mal tout un modèle économique.
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