La mention de la fonction d’un produit cosmétique sur l’emballage

La mention de la fonction d’un produit cosmétique sur l’emballage
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Par Gérard Haas et Noa Setti

Dans un but de protection de la santé humaine, la mention de la fonction d’un produit cosmétique, devant figurer sur son récipient et son emballage, doit clairement informer le consommateur sur l’usage et le mode d’utilisation de ce produit.

Tel est l’apport principal de la décision du 17 décembre 2020[1], par laquelle la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur l’interprétation du paragraphe 1, sous f), et du paragraphe 2 de l’article 19 du règlement (CE) n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil en date du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques[2].

Le premier de ces textes prévoit que les produits cosmétiques ne sont mis à disposition sur le marché que si leur récipient et emballage portent en caractères indélébiles, facilement lisibles et visibles la mention de la fonction du produit cosmétique, sauf si cela ressort clairement de sa présentation.

Aux termes du second, lorsqu’il est impossible pour des raisons pratiques de faire figurer sur l’étiquetage les précautions particulières d’emploi et la liste des ingrédients, ces indications doivent figurer sur une notice, étiquette, bande ou carte jointe au produit, et sauf impossibilité pratique, il est fait référence à ces informations par une indication abrégée ou un symbole spécifique figurant sur le récipient ou l’emballage selon l’indication visée.


Par cette décision, la CJUE offre donc des précisions importantes quant aux règles spécifiques à l’étiquetage des produits cosmétiques voulues par le règlement n°1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009.

1. Les faits et la procédure

Les 28 et 29 janvier 2016, le propriétaire d’un institut de beauté en Pologne a acheté auprès d’un distributeur, des produits cosmétiques provenant d’un fabricant américain.

L’acheteur avait au préalable bénéficié d’une formation dispensée par le représentant commercial de ce distributeur, portant sur les produits que ce dernier commercialisait.

Lors de cette formation, l’étiquetage et les propriétés des produits lui avaient été présentés. Un document annexe, rédigé en polonais, lui était également transmis à cette fin.

Enfin, le représentant du distributeur avait informé le futur acquéreur que l’emballage des produits ne comportait pas d’informations en polonais relatives à leur action, mais que figurait le symbole d’une main avec un livre ouvert, renvoyant à un catalogue informatif rédigé dans cette langue.

A la suite de cette formation, divers produits cosmétiques et catalogues d’entreprise avaient donc été achetés. Sur l’emballage des produits figurait le symbole mentionné, renvoyant au catalogue.

Or, l’acheteur a résilié le contrat de vente pour vice de la chose vendue, faisant notamment valoir que :

  • L’emballage ne contenant pas d’information en polonais sur la fonction du produit, il ne permettait pas de l’identifier ni d’en connaître les effets, ces caractéristiques ne ressortant pas clairement de la présentation.
  • Les informations requises par la loi, en langue polonaise, n’avaient été insérées que dans le catalogue, qui n’était pas lié au produit.

C’est ainsi que l’acquéreur a saisi un tribunal polonais d’une action visant au remboursement des frais d’achat de ces produits.

La juridiction a rejeté le recours, en prenant en considération plusieurs facteurs : le demandeur n’a pas démontré qu’il ignorait que les produits litigieux étaient dépourvus d’indication en polonais ; il n’avait jamais fait état de vices de la marchandise lors de sa collaboration antérieure avec le vendeur ; et il existait bien un symbole sur l’emballage qui renvoyait à des informations jointes.

Le demandeur a interjeté appel de ce jugement, en contestant notamment l’affirmation par les juges du fait que le catalogue auquel le symbole renvoyait constituait un étiquetage correct des produits. Pour l’appelant, il n’avait pas été établi qu’il était impossible de faire figurer les informations requises sur les produits en cause.

C’est dans ces conditions que le tribunal saisi a décidé de surseoir à statuer, et de poser deux questions préjudicielles à la CJUE, destinées à l’interprétation des deux dispositions de l’article 19 du règlement n°1223/2009 précédemment citées.

2. La portée de la décision

Sur la première question préjudicielle :

La question est de savoir si l’expression « fonction du produit cosmétique » comprend uniquement les fonctions essentielles du produit au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), soit nettoyer, soigner et protéger (maintenir en bon état), parfumer, embellir (modifier l’aspect), ou également des fonctions plus détaillées qui permettent d’identifier les propriétés spécifiques du produit.

Il s’agit donc d’un problème d’interprétation des termes « fonction du produit cosmétique ».

Or, cette expression n’est pas définie ni reprise dans le règlement n°1223/2009. Toutefois, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de ce texte, un produit cosmétique doit avoir pour but exclusif ou principal de nettoyer, de parfumer, de modifier l’aspect, de protéger ou de maintenir en bon état l’une des parties du corps énumérées dans ladite disposition ou de corriger les odeurs corporelles.

La CJUE précise que le règlement a pour vocation d’harmoniser les règles en vigueur dans l’UE pour établir un marché intérieur des produits cosmétiques, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé humaine. Or, conformément à l’article 3, premier alinéa, sous a) et b), un produit cosmétique est sûr pour la santé humaine lorsqu’il est utilisé « dans des conditions d’utilisation normales ou raisonnablement prévisibles », compte tenu notamment des éléments relatifs à sa présentation et son étiquetage.

Dès lors, l’expression « fonction du produit cosmétique » ne saurait se limiter aux fonctions essentielles, et doit être de nature à « clairement informer le consommateur de l’usage et du mode d’utilisation du produit », afin de lui permettre de l’utiliser de manière appropriée et ce, dans le but d’assurer la protection de la santé humaine.

Partant, les informations devant être présentées dans ce cadre doivent être appréciées au cas par cas, au regard des caractéristiques et propriétés de chaque produit, en tenant compte de l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

Sur la seconde question préjudicielle :

Il s’agit ici de déterminer si, en cas d’impossibilité d’ordre pratique de faire figurer sur l’étiquetage du produit cosmétique les mentions relatives aux précautions particulières d’emploi et à ses ingrédients, ces informations peuvent se trouver dans un catalogue d’entreprise qui présente également d’autres produits, si sur l’emballage ou le récipient du produit est apposé le symbole prévu par le règlement.

Pour la CJUE, la disposition litigieuse instaurant un régime dérogatoire au régime général d’étiquetage, elle est d’interprétation stricte.

Ainsi, le renvoi à « un catalogue d’entreprise séparé présentant plusieurs produits », qui n’est donc pas joint au(x) seuls produit(s) spécifique(s) en cause, n’apparaît pas conforme au règlement.

Concernant la notion d’ « impossibilité », la Cour précise qu’elle fait référence à une donnée de fait sur laquelle celui qui l’invoque n’a pas de prise. Dès lors, le fait que les produits soient importés et la nécessité d’effectuer une traduction, un ré-étiquetage et/ou un remballage, ne caractérisent pas une impossibilité pratique. Il en va de même concernant le fait que l’étiquetage incombait à un tiers au contrat de vente (le fabricant).

Par cette décision, la CJUE souligne donc la primordialité de l’objectif de protection de la santé humaine affirmée par le règlement (CE) n°1223/2009 du 30 novembre 2009 – et l’importance de l’information du consommateur sur les fonctions du produit cosmétique qui en découle.

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[1] CJUE, n° C-667/19, Arrêt de la Cour, A.M. contre E.M, 17 décembre 2020

[2] JO 2009, L 342, p. 59

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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