Apple sanctionnée : abus de position dominante via le dispositif ATT

Apple sanctionnée : abus de position dominante via le dispositif ATT
⏱ Lecture 3 min

Par Haas Avocats

L'affaire qui a conduit l'Autorité de la concurrence à infliger une amende de 150 millions d'euros à Apple le 28 mars 2025 met en lumière l'interaction complexe entre les préoccupations relatives à la protection des données personnelles et les principes de concurrence sur le marché numérique.

À travers cette décision, l'Autorité ne se contente pas de juger la légalité d'une politique de transparence, mais va bien au-delà, en soulignant l'impact économique que de telles pratiques peuvent avoir sur la diversité des acteurs du marché.

Le dispositif ATT : un objectif louable mais des modalités abusives

Le dispositif App Tracking Transparency (ATT), mis en place par Apple en avril 2021, avait pour objectif d'améliorer la confidentialité des utilisateurs en les obligeant à donner leur consentement avant toute collecte de données pour des fins publicitaires.

Cependant, l'Autorité a constaté que, si l'objectif de protection des données était légitime, la mise en œuvre concrète du dispositif ne respectait ni le principe de nécessité ni celui de proportionnalité, fondamentaux en droit de la concurrence.

Apple, en tant qu'acteur dominant sur le marché des systèmes d'exploitation mobiles, dispose d’une position dominante qu'elle ne peut utiliser de manière à fausser la concurrence.

Or, l’Autorité de la concurrence a considéré que le dispositif ATT avait été mis en place de manière à avantager les propres applications d'Apple tout en imposant des contraintes excessives aux éditeurs tiers. Cette asymétrie de traitement, où Apple ne demandait pas un consentement identique pour ses propres applications, a constitué un abus de position dominante.

Dispositif ATT : un frein majeur pour les petits éditeurs d’apps

L'une des conséquences les plus notables de l'implémentation de l'ATT est l'impact direct qu'elle a eu sur les plus petits éditeurs d'applications. Contrairement aux grandes plateformes verticalement intégrées, telles que Meta ou Google, ces derniers n'ont pas les moyens de constituer un écosystème de données propriétaires. Leur dépendance à la collecte de données tierces pour le ciblage publicitaire en fait des cibles privilégiées des effets pervers du dispositif ATT.

En limitant l’accès à ces données, Apple a considérablement freiné les possibilités de ciblage publicitaire pour ces acteurs, renforçant ainsi l’écart concurrentiel entre les grands acteurs et les plus petits et mettant in fine leur viabilité économique en péril.

Une complexité excessive : l'impact sur les utilisateurs et leur consentement

L'Autorité a souligné que la sollicitation multiple du consentement – une première fenêtre pour accepter le suivi, suivie d'une deuxième pour refuser – était inutilement complexe et nuisait à l'expérience utilisateur. Selon la législation européenne, en particulier le RGPD, le consentement des utilisateurs doit être obtenu de manière éclairée. En imposant une double validation pour l’acceptation d’un suivi publicitaire, Apple a non seulement rendu l'expérience utilisateur plus compliquée, mais a également créé des conditions dans lesquelles le consentement des utilisateurs ne pouvait être considéré comme pleinement libre et éclairé.

Convergence entre protection des données et droit de la concurrence

Cette décision met également en exergue une convergence de plus en plus manifeste entre les objectifs de la protection des données personnelles et ceux de la concurrence.

L’Autorité a collaboré étroitement avec la CNIL, qui a fourni des avis précieux concernant l’impact du dispositif ATT sur la conformité avec la législation relative à la protection des données personnelles. L'analyse conjointe a permis de montrer qu’il était possible d’ajuster les modalités de l’ATT sans compromettre sa finalité de protection de la vie privée, tout en garantissant un consentement valide et une concurrence équitable.

En particulier, la CNIL a recommandé des modifications marginales du dispositif ATT, telles que l’amélioration du paramétrage des fenêtres de consentement, afin d'éviter des complications inutiles pour les utilisateurs tout en préservant la protection de leurs données. Ces ajustements auraient permis à Apple de concilier les exigences de la protection des données avec les règles de concurrence, sans pénaliser injustement les petits acteurs du marché et les consommateurs.

 ***

L'amende prononcée contre Apple illustre l'engagement de l'Autorité de la concurrence à maintenir cet équilibre délicat. Dans un marché de plus en plus dominé par quelques grandes plateformes, cette décision envoie un message fort : la transparence en matière de protection des données personnelles doit être mise en œuvre de manière juste et proportionnée, sans fausser la libre concurrence.

Cette affaire confirme une fois de plus que le droit de la concurrence et la protection des données personnelles ne sont pas antagonistes, mais qu’ils convergent vers un objectif commun : celui d’un monde numérique plus responsable.

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne les acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.

 

Haas Avocats

Auteur Haas Avocats

Suivez-nous sur Linkedin