Par Gérard Haas et Romain Delangle
Derrière chaque numéro inconnu, le risque est toujours le même, celui du démarchage commercial. Isolation à 1 euro, formations gratuites via le compte CPF, propositions de changement de forfait internet… les appels s’enchaînent de façon intempestive et il est bien difficile de lutter contre le phénomène.
En réaction à ce problème, l’ARCEP[1] a annoncé dans un communiqué de presse en date du 5 septembre dernier la modification du plan national de numérotation. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une démarche de modernisation du plan national de numérotation initiée en 2018 par l’Autorité et fait suite à une consultation publique menée entre le 7 décembre 2021 et le 22 février 2022.
Quel est l’impact de cette décision sur les plateformes ?
Le renforcement de la protection des utilisateurs contre les fraudes et abus
L’ARCEP expose dans son communiqué de presse que la mise à jour du plan national de numérotation a pour objectif, entre autres, de protéger les utilisateurs contre les appels et les messages non-sollicités, et il est fort probable que les changements opérés étaient essentiellement dictés par cet impératif.
Pour autant, l’objectif de lutte contre les appels indésirables n’est pas nouveau.
Bloctel : un dispositif louable mais à l’efficacité modérée
La loi du 17 mars 2014 avait déjà pris en considération la problématique des appels commerciaux indésirables en mettant en place une liste d’opposition au démarchage téléphonique appelée « Bloctel »[2]. Ce dispositif permet à toute personne d’enregistrer son numéro de téléphone sur une liste d’opposition aux sollicitations commerciales.
Les professionnels de leur côté sont contraints de s’assurer que les numéros qu’ils composent dans le cadre de leurs activités de prospection ne sont pas enregistrés sur cette liste. Une exception est toutefois prévue par le code de la consommation : le professionnel conserve la liberté de solliciter un client « dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours et ayant un rapport avec l'objet de ce contrat, y compris lorsqu'il s'agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité ».
Les professionnels contactant un consommateur au mépris de leur inscription sur la liste Bloctel s’exposent à des amendes atteignant 75.000 euros pour les personnes physiques et 375.000 euros pour les personnes morales… par appel de numéro inscrit sur la liste ! Les peines encourues sont donc particulièrement importantes.
Le contrôle du respect de la liste Bloctel incombe aux services de la DGCCRF, dont l’une des enquêtes a notamment conduit à la condamnation de l’entreprise contrôlée à une amende d’un montant de 366.930 euros.
Toutefois, en dépit des efforts de la DGCCRF, le bilan du dispositif Bloctel reste assez mitigé, tant et si bien que le législateur a été contraint de se pencher à nouveau sur le sujet en 2020.
Le renforcement de la protection des consommateurs par la loi du 24 juillet 2020
La loi du 24 juillet 2020 avait pour objectif affiché dans son intitulé « d’encadrer le démarchage téléphonique [et de] lutter contre les appels frauduleux ». Une série de dispositifs[3] est venue renforcer les obligations des professionnels parmi lesquels on peut relever :
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L’obligation de faire figurer dans les contrats de fourniture de services de communications électroniques, la faculté de l’abonné de s’inscrire sur le registre Bloctel ;
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L’obligation de l’appelant dans le cadre d’une campagne de démarchage téléphonique de se présenter de façon claire et précise et d’informer son interlocuteur de son droit de s’inscrire sur Bloctel ;
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L’interdiction du démarchage téléphonique pour la vente d’équipements ou de prestations de travaux pour des logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergies renouvelables ;
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La précision des jours et horaires au cours desquels les professionnels peuvent démarcher les consommateurs.
L’ARCEP confirme l'objectif d'encadrement du démarchage téléphonique
Finalement, la décision de l’ARCEP intervient dans la suite logique des dispositifs mis en place par le législateur, venant l’appuyer dans son objectif d’encadrement du démarchage téléphonique.
La loi du 15 novembre 2021 a confié à l’ARCEP le soin de préciser les numéros pouvant être utilisés par les systèmes automatisés d’appels et d’envois de messages. Le nouveau plan national de numérotation se présentera donc en 2023 de la façon suivante :
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Les numéros en « 06 » et « 07 » seront réservés aux seules communications interpersonnelles ;
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Les numéros de « 01 » à « 05 » seront les numéros géographiques, interdits sauf dans de rares exceptions aux systèmes automatisés ;
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Les numéros en « 09 » seront attribués aux plateformes.
Les numéros en « 09 » pourront donc être utilisés par les plateformes dans le cadre de l’ensemble de leurs échanges avec leurs clients ou prospects, que ces communications soient vocales ou par messages, ou encore pour des mises en relation éphémères (livreurs de colis, chauffeurs VTC…).
Cette nouvelle répartition de la numérotation téléphonique ne dispense pas pour autant les professionnels de leurs obligations légales en matière de démarchage, et notamment de l’encadrement de ces activités prévu par le code de la consommation.
Quant aux particuliers qui disposaient d’une ligne fixe en « 09 », ils pourront bien évidemment la conserver en 2023, au risque que leurs correspondants ne décrochent pas leur combiné dans le doute de tomber sur un démarcheur…
La lutte contre les abus téléphoniques pour accompagner l'innovation et prévenir une pénurie de numéros
Cette décision de l’ARCEP n’a pas pour unique motivation la lutte contre les fraudes et abus téléphoniques. Elle affirme en effet vouloir « accompagner l’innovation et les nouveaux usages ».
Le constat d'un épuisement progressif de numéros mobiles
En réalité, l’Autorité a fait le constat de l’épuisement progressif des numéros mobiles disponibles. Déjà en 1996, France Télécom - alors en charge du plan de numérotation national - avait anticipé le risque de pénurie de ressources en allongeant les numéros mobiles de 8 à 10 chiffres, permettant ainsi la création de 400 millions de numéros supplémentaires. L’entreprise pensait alors pouvoir écarter tout risque de pénurie jusqu’en 2050…
C’était sans compter sur le développement phénoménal de nouveaux acteurs économiques, les plateformes. Ces sociétés sont constamment en demande de ressources en numérotation dans le cadre de leurs activités, et ont fait ressurgir bien plus tôt que prévu la crainte d’une pénurie de numéros à 10 chiffres. Dans sa décision, l’ARCEP indique que « le taux d’attribution des numéros mobiles est […] de plus de 60 % en outremer (dont 79 % à La Réunion) et 90 % en métropole ».
L'optimisation de la gestion des ressources en numérotation
En réservant les numéros en « 09 » aux plateformes, l’Autorité repousse donc une nouvelle fois la menace d’un épuisement de numéros. Cette décision s’accompagne d’une série de mesures visant à optimiser la gestion des ressources en numérotation, parmi lesquelles on peut relever :
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La rationalisation des ressources. Jusqu’à présent, l’ARCEP attribuait les ressources par tranches de 10.000 numéros. Certains opérateurs n’utilisaient pas l’ensemble des numéros qui leurs étaient attribués engendrant une sous-utilisation des ressources. A compter du 1er juillet 2023 les ressources en numérotations seront attribuées par granularité de 1.000 numéros.
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La durée d’utilisation minimale des numéros. Ces dernières années, les numéros « temporaires » d’une durée d’utilisation ne dépassant généralement pas 10 minutes se sont multipliés. Cette pratique a conduit à une augmentation de l’utilisation des ressources en numérotation. Dorénavant, les numéros devront être utilisées par l’utilisateur final pour une durée minimale de 72 heures. Par dérogation toutefois et afin d’encourager l’innovation, l’Autorité précise que cette règle ne s’appliquera pas « aux numéros polyvalents utilisables pour les échanges avec les plateformes techniques».
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Le Cabinet HAAS Avocats accompagne de nombreuses plateformes dans le cadre de relations B2C ou B2B et a à cet égard développé une réelle expertise juridique. Ainsi, si vous souhaitez avoir plus d’informations ou être accompagnés dans vos démarches, contactez-nous ici.
[1] Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse
[2] Article L.223-1 et suivants du code de la consommation
[3] Voir sur le sujet notre article « Démarchage téléphonique et appels frauduleux : une protection renforcée des consommateurs ».