Atteinte à la réputation commerciale en ligne : Comment réparer le préjudice ?

Atteinte à la réputation commerciale en ligne : Comment réparer le préjudice ?
⏱ Lecture 3 min

Par Gérard Haas, Charlotte Paillet et Margaux Laurent

A l’heure d’internet, l’accessibilité de propos diffamants ou dénigrants sur tout le globe terrestre peut entrainer une atteinte forte à la vie privée d’une personne physique ou à la réputation commerciale d’une personne morale.

Se pose alors la question de la possibilité d’obtenir réparation d’un tel préjudice lorsque celui-ci a des répercussions dans plusieurs pays différents.

La jurisprudence française et européenne reconnaît à cet égard que l’atteinte à la réputation commerciale d’une société dans un Etat Membre de l’Union Européenne est de nature à admettre la compétence territoriale d’une juridiction étrangère en cas de dommage en ligne (CJUE 17-10-2017 aff. 194/16).

En effet, la réputation commerciale constitue un critère d’intérêt capable de permettre à une personne morale de faire le lien entre le fait dommageable et le lieu où celui-ci est intervenu.

La problématique de la réparation d’un dommage subi en ligne

Dans tous domaines, la question de la réparation du préjudice issu d’agissements répréhensibles est toujours un sujet d’inquiétude pour les victimes, qu’elles soient physiques ou morales.

Particulièrement dans le cadre des dommages causés via la Toile, les personnes concernées, pour pouvoir saisir une juridiction compétente, doivent être en mesure d’établir « le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » (article 7 al. 2 du Règlement n°1215/2012 dit « Bruxelles I bis » du 12 décembre 2012).

A titre d’exemple, le dénigrement est une pratique déloyale pouvant être subie en ligne. Sanctionné par l’article 1240 du Code Civil, le dénigrement consiste en une atteinte à l’image de marque ou d’un produit identifiable par des propos de nature à jeter le discrédit, sans base factuelle.

Dès lors, les personnes morales victimes d’une telle pratique ont besoin de savoir si elles peuvent engager une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat Membre sur le territoire duquel le contenu en ligne litigieux est accessible ou l’a été afin d’obtenir réparation du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat Membre de la juridiction saisie.

La réponse est oui grâce à la reconnaissance de l’atteinte à la réputation commerciale comme critère de rattachement.

La réputation commerciale d’une société : centre d’intérêt d’une société au sein d’un Etat Membre

Les personnes morales disposent d’un droit à la protection de leurs noms, de leur domicile, de leurs correspondances, de leur honneur et de leur réputation (Cass. 1ère civ., 30 mai 2006, n°04-17.102).

Ainsi, les personnes morales ont le droit de défendre toute atteinte qui est causée à leur réputation commerciale au titre de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 14 octobre 2008, aff. 78060/01, Petrina c/ Roumanie).

Grâce à la jurisprudence, la réputation commerciale d’une société est reconnue comme le centre d’intérêt d’une personne morale au sein d’un Etat Membre, de nature à admettre la compétence territoriale d’une juridiction étrangère en cas de dommage en ligne.

Une telle reconnaissance représente un enjeu de taille puisqu’il entraine la possibilité pour les personnes morales de demander la réparation du préjudice qu’elles ont subi dans (presque) tous les Etats membres où les propos dénigrants ont été accessibles.

Les conditions de la réparation du préjudice pour atteinte à la réputation commerciale établie

L’action d’une personne morale victime d’une atteinte à sa réputation commerciale sur Internet, notamment en raison d’un dénigrement, ne suit pas les mêmes règles de compétence territoriale selon son objectif.

D’une part, si elle souhaite faire cesser l’atteinte, la demande en rectification des données et en suppression des commentaires qui portent atteinte à un individu ne peut pas être formée devant les juridictions de chaque Etat Membre sur le territoire duquel les informations publiées sur Internet sont ou étaient accessibles. Une telle règle se justifie notamment par la portée universelle de la demande de suppression de contenu en ligne.

D’autre part, si elle souhaite obtenir des dommages et intérêts, la Cour de Justice, dans un arrêt eDate Advertising,[1] estime que la victime a le choix entre : 

  • Demander réparation de l’intégralité de son préjudice au lieu d’établissement de l’émetteur de contenus litigieux ou au lieu de ses intérêts principaux.
  • Demander dans chaque Etat Membre où les contenus sont accessibles, la réparation du préjudice causé dans cet Etat.

Il convient de préciser que ces deux recours peuvent être engagés parallèlement.[2]

Par conséquent, dans le cas où la société souhaite obtenir réparation de son préjudice, l’existence de la réputation commerciale d’une personne morale dans un pays ne suffit pas, à elle seule, à justifier la saisine d’une juridiction dans un Etat Membre de l’Union Européenne.

Pour obtenir réparation de son préjudice, la personne morale devra en effet être capable de :

  • démontrer le degré de réputation commerciale de sa société dans l’Etat Membre en question, et
  • de mesurer l’ampleur du préjudice au sein de cet Etat Membre.

Pour ce faire, peuvent notamment se poser les questions suivantes : cette réputation commerciale est-elle établie dans l’Etat Membre visé ? la société exerce-t-elle dans cet Etat Membre la majorité de ses activités économiques ?

Ainsi, tout dommage subi en ligne et qui porterait atteinte à la réputation commerciale d’une société pourra permettre la réparation du préjudice dans tous les Etats Membres où elle peut démontrer l’atteinte à sa réputation.

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de 25 ans dans le droit des nouvelles technologies, dont notamment la e-reputation. Le cabinet HAAS Avocats se tient à vos côtés pour vous accompagner dans la défense de votre réputation .Contactez-nous ici

 

[1] CJUE, 25 octobre 2011, aff. C-509/09

[2] CJUE 21 déc. 2021, aff. C-251/20

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

Suivez-nous sur Linkedin