Appareil de contrôle automatique : un risque pour les dirigeants ?

Appareil de contrôle automatique : un risque pour les dirigeants ?
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Par Anna Tchavtchavadzé et Gérard Haas

Depuis quelques années, de plus en plus de contrôles, effectués sur les voies routières, se font au moyen d’appareils de contrôles automatiques. Du fait de ces contrôles, on obtient des images sur lesquelles on peut facilement détecter le véhicule mais sur lesquelles on n’arrive pas à déceler l’identité du conducteur. Par conséquent, en cas d’infraction, la responsabilité devient plus difficile à imputer.

 

 

L’introduction de tels appareils sur les routes a permis à certaines personnes d’éviter les sanctions applicables en étant protégées par leurs dirigeants qui ne révélaient pas leur identité.

Le législateur français s’est alors efforcé de prendre des mesures afin de sécuriser la circulation sur la route et de réduire les comportements à risques.

Il a introduit l’article L.121-6 du Code de la route selon lequel en cas d’infraction, le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour n’avoir pas satisfait à une obligation d’informer les autorités, dans un délai de quarante-cinq jours, sur l’identité et l’adresse de la personne physique conduisant le véhicule, immatriculé au nom de la société, au moment où l’infraction a été constatée par un appareil de contrôle automatique.

La mise en place d’une telle mesure permet de sanctionner le dirigeant ainsi que la société s’ils ne délivrent pas les informations nécessaires à l’incrimination du conducteur du véhicule.
Cette législation a suscité de nombreuses inquiétudes et a été suivie par une augmentation considérable du nombre de contestations des contraventions.


Dans son arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle. La cour affirme que la violation de l’article L.121-6 du Code de la route par le représentant légal d’une personne morale, propriétaire du véhicule, n’exclut pas que la responsabilité pénale de la personne morale soit également recherchée.


Il est à ce titre pertinent de s’intéresser de plus près à cette affaire :

1. Rappel du contexte

Le 25 août 2017, une Land Rover a été repérée, en situation d’excès de vitesse, par un radar automatique. Suite à l’incident, la société R., au nom de laquelle le véhicule en question était immatriculé, a reçu un avis de contravention invitant le dirigeant de la société à désigner le nom de la personne qui conduisait le véhicule au moment de la constatation de l’infraction.

Bien qu’il ait été prévenu, le dirigeant de la société n’ayant pas délivré ces informations dans le délai de quarante-cinq jours, imposé par la loi, a fait l’objet d’un nouvel avis de contravention pour non désignation de la personne conductrice du véhicule. Le manquement à cette obligation est puni par une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Toutefois, la société R. décide également de contester cette double-amende.

De ce fait, la société R. a été citée devant le tribunal de police d’Annecy, qui a décidé de la relaxer en affirmant que seul le dirigeant de la société aurait dû-être poursuivi pour ne pas avoir rempli ses obligations.

2. La décision de la Cour de cassation

Dans l’arrêt en date du 3 septembre 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule le jugement du tribunal de police. En effet, elle confirme plusieurs arrêts précédemment rendu sur le sujet, en affirmant que le manquement du dirigeant à son obligation de communication de l’identité du conducteur du véhicule au moment de la constatation de l’infraction, n’exclut pas la responsabilité pénale de la société qui en est propriétaire.

Par conséquent, la Cour de cassation admet la possibilité de se retrouver en situation de cumul de responsabilité entre un dirigeant et sa société.

a. Sur le manquement d’un dirigeant à l’obligation de délivrance d’informations sur la personne physique conductrice au moment de l’infraction

L’article L.121-6 du Code de la route sanctionne le comportement du dirigeant d’une société qui ne dénoncerait pas l’auteur d’une infraction à la circulation routière dans les quarante-cinq jours suivant la constatation de l’incident par un appareil de contrôle automatique.

En l’espèce, le dirigeant de la société R. ne remplit pas son obligation et refuse de délivrer les informations nécessaires dans le temps qui lui était imposé par la loi. Par conséquent, la cour décide de le sanctionner en raison du manquement à son obligation de délivrer l’identité et l’adresse de la personne conduisant le véhicule appartenant à la personne morale.

La société R. reçoit alors un nouvel avis de contravention qu’elle décide également de contester.

b. Sur la responsabilité pénale de la personne morale, propriétaire du véhicule à l’origine de l’infraction

Pour rappel l’article L.121-2 du Code pénal prévoit que les personnes morales, sont responsables pénalement, des infractions commises, pour leur compte et dans leur intérêt, par leurs organes ou représentants. Découle de cet article deux conditions cumulatives nécessaires pour engager la responsabilité pénale d’une personne morale.

En effet, il faut être en présence d’une infraction qui ait, de plus, été commise pour le compte de la personne morale. La première condition étant facilement établie, la seconde reste plus difficile à démontrer. L’infraction en question risque, la plupart du temps, d’être issu du seul fait de la personne physique qui conduisait le véhicule ou bien même de circonstances extérieures.

En l’espèce, rien ne prouve que l’infraction qui a été commise ait un lien direct avec la société R.

Toutefois, la Cour de cassation choisit de confirmer sa jurisprudence et d’admettre à nouveau que la responsabilité pénale d’une personne morale dont le représentant légal ne répond pas à ses obligations soit retenue.

c. Les conséquences de l’incident au regard de la relation employeur/employé

Il convient également de s’interroger sur les conséquences de cet acte au regard de la relation du dirigeant avec son employé.

En effet, une personne morale est responsable et doit assumer les conséquences financières de l’accident de son salarié si ce dernier l’a commis dans le cadre de ses fonctions.
Par ailleurs, en vertu de l’article L.121-2 du Code de la route, la société étant titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule est tenue responsable des conséquences pécuniaires de l’infraction.

Par conséquent, le salarié ne sera pas tenu d’assumer les conséquences financières de l’accident en lui-même mais il reste tout de même pénalement responsable de ses actes.
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Cette décision tend à être plus vigilant en cas d’infraction réalisée avec le véhicule d’une personne morale:

  • En cas de violation de l’obligation de délivrer l’identité et l’adresse de la personne physique conductrice au moment de l’infraction, le représentant légal de la personne morale sera puni d’une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe ;
  • Selon l’article L.131-38 du Code pénal, l’amende d’une personne morale peut être égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques ;

Nous sommes en présence d’une inflation de la responsabilité des dirigeants qui est notamment accrue par la mise en place des appareils de contrôle automatique. Par conséquent, il convient d’être vigilent car même si vous êtes dirigeant d’une société et que vous pensez protéger votre salarié, vous vous exposerez tous les deux à une sanction.

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Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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