Contrefaçon en ligne : quel tribunal compétent au sein de l'UE ?

Contrefaçon en ligne : quel tribunal compétent au sein de l'UE ?
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Par Laurent Goutorbe

A propos de CJUE, 5 septembre 2019, Aff. C-172/18

Le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut agir en contrefaçon de sa marque devant le Tribunal de l’Etat membre de l’Union Européenne dans lequel se trouvent les consommateurs (ou professionnels) visés par des publicités et des offres à la vente en ligne de produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée.

 

 

1- Les faits à l’origine du litige


En l’espèce, deux sociétés anglaises, titulaires d’une marque de l’Union Européenne, assignent en contrefaçon de cette marque une société espagnole devant les tribunaux britanniques.

Cette action visait des actes de vente en ligne de produits à des consommateurs au Royaume-Uni, puisque les requérants fournissaient des impressions d’écran du site édité par la société espagnole sur lesquelles apparaîtraient des offres à la vente de produits revêtus d’un signe identique à leur marque de l’Union européenne, avec une rubrique en langue anglaise intitulée « where to buy » (« où acheter ») renvoyant vers une liste de distributeurs dont certains sont établis au Royaume-Uni. Par ailleurs les CGV du site indiquaient accepter les commandes en provenance de tout État membre de l’Union européenne.

Le tribunal de première instance se déclare incompétent en considérant que la juridiction territorialement compétente pour connaître d’une action intentée par le titulaire d’une marque dirigée contre un tiers ayant fait usage de signes identiques ou similaires à cette marque dans des publicités et des offres à la vente sur un site Internet ou sur des plateformes de médias sociaux est celle du ressort du lieu où le tiers a pris la décision de faire ces publicités et d’offrir à la vente ces produits sur ce site ou sur ces plateformes et a pris les modalités de mise en œuvre de cette décision.

2- La question préjudicielle

La Cour d’appel estime que cette position est contraire à l’article 125 précité et décide de surseoir à statuer pour poser la question préjudicielle suivante à la CJUE :

« Lorsqu’une entreprise, établie et ayant son siège social sur le territoire d’un État membre A, a pris des mesures dans ce territoire pour faire de la publicité et offrir à la vente des produits revêtus d’un signe identique à une marque de l’Union européenne au moyen d’un site Internet visant à la fois des professionnels et des consommateurs d’un État membre B, un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre B a-t-il compétence pour statuer sur une action en contrefaçon de la marque de l’Union européenne en raison de cette publicité et de cette offre de vente des produits effectuées sur le territoire de l’État membre B ?

3- La base légale

L’article 125 du Règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, qui reprend les dispositions de l’article 97, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207-2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire, énonce que les procédures en contrefaçon « sont portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, si celui-ci n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de l’État membre sur le territoire duquel il a un établissement ».

Les procédures résultant des actions en contrefaçon et demandes indemnitaires en résultant « peuvent également être portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le fait de contrefaçon a été commis ou menace d’être commis ».

4- La solution de la CJUE

La CJUE dit pour droit que le titulaire d’une marque de l’Union européenne, qui s’estime lésé par l’usage sans son consentement, par un tiers, d’un signe identique à cette marque dans des publicités et des offres à la vente affichées par la voie électronique pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, peut introduire une action en contrefaçon contre ce tiers devant un tribunal des marques de l’Union européenne de l’État membre sur le territoire duquel se trouvent des consommateurs ou des professionnels visés par ces publicités ou ces offres à la vente, nonobstant le fait que ledit tiers a pris les décisions et les mesures en vue de cet affichage électronique dans un autre État membre.

En revanche, en cas de choix de ce tribunal celui-ci n’est compétent que pour statuer sur les seuls faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur son territoire à l’exclusion des faits de contrefaçon susceptibles d’être commis dans d’autres pays de l’Union européenne.

Le titulaire d’une marque de l’Union Européenne, plutôt que de désigner le Tribunal dans lequel le défendeur a son siège social (ou son établissement lorsqu’il n’est pas domicilié au sein de l’Union européenne) pour faire juger les actes de contrefaçon commis dans l’ensemble de l’Union européenne, peut choisir d’engager des actions en contrefaçon devant les juridictions de pays ciblés dans lesquels sont commis des actes de contrefaçon.

A ce titre, dès lors que des produits seront proposés à la vente en ligne dans tel ou tel état de l’Union européenne ou que des publicités en ligne cibleront les consommateurs ou professionnels desdits Etats, le titulaire de la marque de l’Union Européenne contrefaite pourra faire le choix d’engager des actions en contrefaçon de sa marque dans tout ou partie des Etats ainsi ciblés.

 

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Laurent GOUTORBE

Auteur Laurent GOUTORBE

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