Par Haas Avocats
Longtemps cantonnées à l’imaginaire de la science-fiction, les voitures autonomes appartiennent désormais au réel après des décennies de recherche et d’innovations successives.Équipées de capteurs sophistiqués, de caméras embarquées, de systèmes GPS de haute précision, de radars de courte portée et d’ordinateurs de bord capables de traiter instantanément d’immenses flux de données, elles peuvent circuler sans intervention humaine directe. Après une période de ralentissement marquée par la pandémie de Covid-19, le secteur connaît une reprise vigoureuse. Les États-Unis et la Chine dominent aujourd’hui ce marché, tandis que l’Europe accuse un certain retard technologique et commercial. Consciente à la fois des promesses et des risques que recèle une telle innovation, l’Union européenne privilégie une approche graduelle, fondée sur la sécurité juridique et la régulation préalable, plutôt que sur une course effrénée à la mise en circulation. Cette prudence n’exclut toutefois pas les avancées. Des tests grandeur nature sont sur le point d’être lancés au Luxembourg, signal fort d’une volonté européenne d’entrer dans la dynamique mondiale. Tout porte à croire que, dans les prochaines années, le marché européen de la voiture autonome connaîtra un essor progressif, sous réserve que les cadres techniques, réglementaires et éthiques soient adaptés à cette transformation profonde de la mobilité.
Les voitures autonomes sont aujourd’hui un outil présent dans de nombreux pays mais à différents niveaux. Dans la course mondiale à l’autonomie, les équipementiers se sont imposés comme acteurs incontournables : Valéo en France, Bosch et Continental en Allemagne, ou encore Mobileye en Israël. Aujourd’hui, le droit et la technique distinguent plusieurs degrés d’automatisation, allant de la simple assistance à la conduite à l’autonomie intégrale :
Ainsi se dessine une véritable gradation juridique et technologique, où chaque niveau soulève des enjeux spécifiques en matière de sécurité, de responsabilité et d’acceptabilité sociale.
Aux États-Unis, l’expérimentation grandeur nature des voitures entièrement autonomes a débuté dès 2020, dans l’État de l’Arizona, à Phoenix. Cinq ans plus tard, ces véhicules circulent désormais librement dans plusieurs grandes métropoles : San Francisco, Los Angeles, Austin, Atlanta et bien sûr Phoenix. À San Francisco, leur présence est devenue presque banale. La filiale d’Alphabet, Waymo, y revendique plus de 10 millions de courses en robots taxis depuis 2020 et dépasse, en 2025, le seuil impressionnant de 250 000 trajets payants par semaine.
Des chiffres qui relèguent ses concurrents, notamment Tesla, encore en difficulté sur le marché américain, à l’arrière-plan. Cette percée commerciale se traduit dans les parts de marché : les robots taxis détiennent désormais 27 % du secteur du VTC à San Francisco, contre 55 % pour Uber et 23 % pour Lyft. Autrement dit, plus d’un trajet sur quatre s’effectue déjà en véhicule autonome dans la ville californienne. La Chine, de son côté, a également généralisé l’usage des voitures autonomes, tout en imposant une réglementation plus stricte qu’aux États-Unis, conséquence directe des accidents recensés lors des premières expérimentations.
Ainsi, à l’échelle internationale — et tout particulièrement aux États-Unis et en Chine —, la voiture autonome n’appartient plus au registre de la science-fiction : elle s’inscrit désormais dans le quotidien des habitants et transforme les usages urbains. L’Europe, en revanche, accuse encore un retard manifeste, ses marchés n’ayant pas franchi le cap de la diffusion à grande échelle.
Alors que les véhicules autonomes circulent depuis plus de cinq ans aux États-Unis et en Chine, intégrés au quotidien de millions d’usagers, l’Europe n’en est encore qu’aux phases préliminaires d’expérimentation. Le Vieux Continent avance avec une prudence mesurée, conditionnant l’introduction de ces technologies à des protocoles stricts de tests encadrés par la présence obligatoire d’un conducteur de sécurité derrière le volant.
Ainsi, la société sino-américaine Pony.ai a annoncé, début juillet, le lancement d’essais grandeur nature dans le village luxembourgeois de Lenningen (2 000 habitants), avec l’aval des autorités locales. Quelques semaines plus tôt, en juin 2025, la startup britannique Wayve concluait un partenariat stratégique avec Uber afin de déployer, dans un premier temps à Londres, une flotte de robots taxis expérimentaux.
Ce contraste avec la dynamique américaine ou chinoise s’explique : la régulation européenne, plus tatillonne, conjuguée à une aversion culturelle au risque, freine l’essor de la conduite autonome. À cela s’ajoute une demande encore embryonnaire. Stellantis reconnaît avoir conçu un modèle de voiture autonome, mais renonce à sa commercialisation, faute de perspectives économiques : l’investissement nécessaire dépasse de loin l’intérêt manifesté par les consommateurs. Les constructeurs demeurent toutefois en embuscade. Volkswagen, en partenariat avec la société israélienne Mobileye, apparaît comme l’acteur le plus avancé en matière de conduite automatisée, mais n’envisage pas de déploiement commercial avant fin 2026, mais une adaptation des cadres législatifs nationaux et européens s’avérera nécessaire.
En France, l’exemple le plus visible reste le partenariat entre Renault et le groupe chinois WeRide, consistant à mettre en circulation des navettes autonomes à l’occasion de Roland-Garros : un trajet limité à moins de trois kilomètres et à une vitesse réduite, bien éloigné de l’effervescence californienne. Les voitures autonomes sont certes autorisées, mais extrêmement encadrées.
En définitive, les voitures autonomes peinent encore à s’ancrer dans les habitudes européennes. Leur avenir dépendra de la levée de deux freins majeurs : la barrière psychologique (appréhension face aux risques d’accident et au manque de fiabilité perçu) et la barrière économique (des tarifs encore dissuasifs, excluant la majorité des consommateurs). L’Europe, fidèle à sa tradition de prudence réglementaire, avance pas à pas. Mais si les obstacles juridiques et culturels venaient à s’estomper, le marché pourrait connaître, dès la fin de la décennie, une accélération décisive.
L’essor de la conduite autonome suscite autant d’espérances que d’interrogations. Comme toute innovation de rupture, elle se présente à la fois comme une opportunité technologique majeure et un défi sociétal et juridique.
Le Parlement européen souligne que la généralisation des véhicules autonomes pourrait constituer un levier décisif pour améliorer la sécurité routière. Près de 95 % des accidents actuels résultent d’erreurs humaines, alors même que, sur des millions d’heures de circulation en phase d’essai, ces véhicules n’ont enregistré qu’un nombre marginal d’incidents. Outre la sécurité, la conduite automatisée contribuerait à fluidifier le trafic, limitant les embouteillages et, par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. Un autre bénéfice attendu concerne l’inclusion sociale : ces véhicules offriraient une solution de mobilité à des publics jusqu’ici fragilisés — personnes âgées, à mobilité réduite ou en situation de handicap. Enfin, sur le plan économique, l’émergence d’un marché de l’automobile autonome pourrait générer de nouveaux emplois et accroître la compétitivité des entreprises. L’automatisation, en permettant un fonctionnement continu des véhicules sans la nécessité de rémunérer un chauffeur ou en le rémunérant moins, offrirait également une optimisation des coûts d’exploitation pour les opérateurs de transport.
Cette innovation n’est pas exempte d’écueils. Elle risque d’accentuer les inégalités entre États, certains pays n’ayant pas les ressources financières ou technologiques pour développer ces infrastructures. Sur le plan social, l’augmentation du nombre de véhicules automatisés pourrait entraîner une restructuration des primes d’assurance : les conducteurs choisissant de conserver une conduite manuelle, jugée plus risquée, pourraient se voir imposer des cotisations plus élevées. S’ajoutent des défis considérables :
La voiture autonome apparaît ainsi comme une promesse technologique capable de transformer radicalement nos modes de déplacement. Mais son intégration en Europe passera par la résolution de verrous juridiques, économiques et culturels qui, pour l’heure, ralentissent sa progression.
Alors que l’usage des véhicules autonomes s’est banalisé dans plusieurs pays, l’Union européenne adopte une démarche plus lente et plus circonspecte, privilégiant avant tout la mise en place d’un cadre réglementaire robuste et sécurisé pour ses citoyens. L’ambition européenne ne se limite d’ailleurs pas à l’automobile : elle s’étend à l’ensemble des modes de transport autonomes, qu’ils soient routiers, ferroviaires, maritimes ou aériens.
Ce retard relatif par rapport aux États-Unis et à la Chine n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence d’une stratégie assumée : l’innovation, certes, mais dans le respect préalable de la sécurité et du droit. Pendant que les Etats Unis et la Chine accélèrent leurs expérimentations, certains experts anticipent déjà le déploiement de flottes de robots taxis dans 40 à 80 villes américaines et chinoises d’ici à 2035.
Face à cette avance, une interrogation demeure : où se situera l’Union européenne dans ce paysage mondial à l’horizon 2035 ? Sa prudence réglementaire sera-t-elle un atout, garantissant la confiance des usagers, ou un frein, l’excluant d’une compétition technologique déjà engagée ?
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