Visites et saisies par une autorité de la concurrence : quel contrôle ?

Visites et saisies par une autorité de la concurrence : quel contrôle ?
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Par Haas Avocats

En Lituanie - comme en France par ailleurs – les autorités de concurrence disposent d’importants pouvoirs d’enquêtes, parmi lesquels des pouvoirs de visite et de saisie.

 

Ces prérogatives doivent être exercées sans qu’aucune atteinte disproportionnée ne soit portée aux droits et libertés fondamentales des citoyens.

Dans un arrêt du 4 avril 2023, la Cour Européenne des Droits de l’Homme donne des précisions sur l’encadrement qui peut être fait de ces pouvoirs, à la suite d’une requête déposée par une société lituanienne à l’encontre de l’autorité de la concurrence lituanienne.

C’est l’occasion de faire un rappel des principes applicables dans le cadre des opérations de visite et de saisie des autorités de concurrence.

La société UAB Kesko Senukai Lithuania contrôlé par  l'autorité de concurrence Lituanienne

La société UAB Kesko Senukai Lithuania est soupçonnée d’entente sur les prix de vente avec quatre autres entreprises.

Pour cette raison, l’autorité de concurrence lituanienne procéda à la visite de son siège social, visite durant laquelle :

  • des ordinateurs et un téléphone furent examinés ;
  • des données furent copiées ;
  • 400 pages de documents furent saisies.

La société conteste cette visite et l’ensemble des saisies effectuées, qui, selon elle, ne seraient pas toutes pertinentes pour l’enquête.

En complément, elle ajoute que la procédure de la visite aurait violé certains droits de ses employés, ces-derniers n’ayant pas été informés de leurs droits d’une part, et d’autre part, empêchés de passer des appels téléphoniques pendant la première heure des opérations.

Pour ces raisons, elle déposa une plainte auprès de l’autorité de la concurrence, laquelle fut rejetée.

La société a alors saisi les juridictions internes d’un recours contre cette décision, mais ces dernières refusèrent de l’examiner, considérant qu’une décision ne produisant pas de conséquence juridique ne pouvait faire l’objet d’une procédure administrative.

La société Kesko Senukai Lithuania décida alors de saisir le CEDH.

L’absence de contrôle systématique des visites et saisies

Rappelons que l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme consacre le droit au respect de la vie privée. A ce titre, la Cour rappelle que le domicile et la correspondance de l’entreprise bénéficient d’une protection au titre de cet article.

La société requérante argue un écart entre les garanties prévues dans les textes concernant le cadre d’une opération de visite et les modalités de réalisation de ladite visite. Selon elle, et conformément au droit à la vie privée, il est nécessaire d’opérer un contrôle a posteriori pour que cet écart soit sanctionné.

Selon la Cour, l’article 8 ne peut être interprété comme exigeant un contrôle juridictionnel a posteriori pour toutes les affaires donnant lieu à une perquisition ou saisie menée dans les locaux d’une entreprise.

Il en découle que la simple absence d’un tel contrôle ne peut emporter, à elle seule, la violation de l’article 8.

L’absence de contrôle juridictionnel ou la suppression de garanties effectives contre l’arbitraire et les abus

Précisons que, dans les faits d’espèce, la société requérante ne remettait pas en cause le cadre juridique lituanien des saisies et visites.

Elle allègue néanmoins que l’autorité de la concurrence aurait outrepassé son mandat en :

  • Saisissant une trop grande quantité d’informations au regard de l’objectif de la mesure, et,
  • Privant ses employés de certains de leurs droits.

En défense, l’autorité de la concurrence lituanienne ne contestait pas les faits relatifs aux saisies et aux privations de droits, mais arguait de leur légalité.

La société lituanienne avait donc un intérêt légitime à obtenir l’examen par les juridictions internes de la conformité des actes des agents au regard de l’article 8. La Cour précise que l’obligation imposée par l’autorité de la concurrence à la société de justifier de l’exclusion de chaque document était disproportionnée.

La Cour conclut que l’absence de contrôle juridictionnel remet en cause les garanties effectives contre l’arbitraire et les abus.

Ainsi, bien que l’obligation de procéder, de façon systématique, à un contrôle des visites et saisies de l’autorité de la concurrence ne soit pas établie, il est nécessaire de permettre la contestation de ces mesures. A défaut, une atteinte aux garanties juridiques contre l’arbitraire et les abus risque d’être retenue.

 

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