Par Haas Avocats
Le secteur du e-commerce poursuit son développement. Au 1er trimestre 2023, le e-commerce a enregistré une croissance de 20,2% par rapport au 1er trimestre 2022 et atteint 39,2 milliards d’euros, soit 6,5 milliards de plus que l’an dernier.Le nombre de transactions s’élève à 577 millions contre 529 millions au 1er trimestre 2022[1].
Les opérations promotionnelles qui participent pleinement à l’essor du e-commerce ont entraîné certains abus, en raison notamment de l’absence de caractère temporaire de celles-ci et/ou de l’absence de caractère réellement « promotionnel » de l’opération. Des pratiques commerciales trompeuses sont ainsi régulièrement caractérisées à ce titre à l’encontre des cybermarchands.
La Directive européenne « OMNIBUS » 2019/2161 du 27 novembre 2019, transposée en droit français par l’Ordonnance 2021-1734 du 22 décembre 2022, a ainsi renforcé les règles applicables aux annonces de réduction de prix afin que les consommateurs bénéficient d’une meilleure protection face aux arnaques sur internet.
Ainsi, si en tant que vendeur professionnel, vous souhaitez annoncer la baisse du prix d’un produit, il convient d’afficher le prix de référence du produit en question.
Toutefois malgré un renforcement de la législation applicable, L’UFC-Que-Choisir a récemment déposé plainte contre huit grands acteurs du e-commerce : Amazon, ASOS, Cdiscount, E. Leclerc, la Redoute, Rue du Commerce, Veepee et Zalando pour pratiques commerciales trompeuses.
En totale contradiction avec la règlementation applicable, ces vendeurs professionnels proposeraient aux consommateurs des réductions « gonflées » pour améliorer leur rentabilité. Comment ? En affichant des réductions de prix qui ne seraient pas basées sur le prix de référence, défini par la directive OMNIBUS et par le Code de la consommation, mais sur un prix de comparaison dont les méthodes de calcul seraient quasi-invérifiables.
Les annonces de réduction de prix, une pratique commerciale encadrée par la Directive OMNIBUS
Jusqu’en 2015, l’arrêté du 31 décembre 2008[2] relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur encadrait les réductions de prix. Selon ce texte, le prix de référence correspondait au « prix le plus bas effectivement pratiqué par le vendeur professionnel au cours des 30 derniers jours précédant l’ouverture de la promotion ». Sous l’empire de cet ancien texte, le vendeur était libre d’utiliser comme prix de référence : le prix conseillé par le fabriquant ou l’importateur du produit ou le prix maximum.
Par une décision en date du 10 juillet 2014[3], la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a sanctionné la Belgique au motif que sa législation était trop restrictive concernant la définition du prix de référence et ce notamment par rapport aux règles édictées par la Directive européenne du 11 mai 2005[4] relative aux pratiques commerciales déloyales.
Ainsi le législateur français a réagi en abrogeant l’arrêté du 31 décembre 2008 et en publiant l’arrêté du 11 mars 2015 qui ne fait que préciser que toute annonce de réduction de prix était désormais considérée comme licite sous réserve qu’elle ne constituait pas une pratique commerciale déloyale. Le cybermarchand devait ainsi seulement être en mesure de justifier de la réalité du prix de référence.
Or, cette souplesse juridique donnera lieu à de nombreuses dérives puisque dans la majorité des cas il était très difficile, voire impossible d’identifier l’origine du prix de référence.
Dans ce contexte, la directive OMNIBUS a introduit de nouvelles dispositions au sein du Code de la consommation.
Le nouvel article L112-1-1 du code de la consommation prévoit désormais que toute annonce de réduction de prix doit indiquer le prix de référence c’est-à-dire le prix antérieur pratiqué par le professionnel avant l’application de la réduction de prix, et plus précisément le prix le plus bas pratiqué par le professionnel à l’égard de tous les consommateurs au cours des 30 derniers jours précédant la réduction. Par exception, si le professionnel a appliqué des réductions de prix successives sur une période déterminée, le prix antérieur est celui pratiqué avant l’application de la première réduction de prix.
L’affichage de la réduction du prix par le professionnel peut prendre la forme d’un pourcentage
(ex : -20 %), d’un prix barré (ex : 100 € 150 €), ou encore d’une valeur absolue (ex : 20 € de réduction)[5].
En tant qu’e-commerçant, il est important de maîtriser ces nouvelles règles applicables depuis le 28 mai 2022 afin de vérifier qu’elles sont effectivement mises en œuvre sur votre site internet.
La confusion entre les notions de « prix de référence » et « prix de comparaison » : une pratique commerciale trompeuse
Certains professionnels peuvent entretenir une confusion entre le prix de référence, défini par le nouvel article L.112-1-1 du code de la consommation, et le prix de comparaison.
En principe, l’utilisation d’un prix de comparaison vise à effectuer une comparaison entre deux prix à titre purement indicatif, mais il ne s’agit en aucun cas d’une réduction pratiquée par le vendeur.
Pour éviter toute confusion dans l’esprit du consommateur, la Commission européenne rappelle que le vendeur doit faire attention à ce que le consommateur moyen ne perçoive pas cette comparaison comme une réduction de prix. Il doit informer clairement le consommateur du caractère comparatif des prix affichés et non du caractère promotionnel.
A défaut, si l’annonce d’un prix de comparaison manque de clarté et est susceptible de créer l’impression d’une réduction de prix dans l’esprit du consommateur, cette pratique peut constituer une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article L.121-2 du code de la consommation.
C’est notamment le cas lorsque le vendeur affiche à côté du prix réduit, un prix de comparaison qui peut prendre la forme de divers intitulés tels que : « prix de vente conseillé » ou « PVC », « à l’origine », « ancien prix », « prix moyen constaté sur notre Marketplace » etc.
En indiquant un prix de comparaison à la place du prix de référence, le vendeur pourrait « gonfler » la réduction du prix puisqu’il se base sur un prix totalement fictif pour créer l’illusion d’une forte réduction pour le consommateur.
La plainte déposée par l’UFC-Que-Choisir pour pratique commerciale trompeuse
Selon l’article L.121-2, 2°, c du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur le caractère promotionnel du prix, notamment les réductions de prix.
L’UFC-Que-Choisir s’est récemment penchée sur les pratiques des principaux vendeurs en ligne du marché français et a identifié des pratiques douteuses de la part de 8 grands acteurs du e-commerce : Amazon, ASOS, Cdiscount, E. Leclerc, la Redoute, Rue du Commerce, Veepee et Zalando.
Sur un échantillon de 6.586 annonces diffusées par ces acteurs, il apparait que 96.6 % des annonces affichent, à côté du nouveau prix, un prix de comparaison plutôt que le prix de référence.
C’est notamment le cas, par exemple, lorsqu’Amazon affiche un ordinateur portable au prix de
195,49 € avec la mention accolée « Ancien : 229.99 € ». Il s’agit en réalité d’un prix de comparaison, et non du prix de référence pratiqué par le vendeur dans les 30 jours précédant son annonce.
Selon l’UFC-Que-Choisir il s’agit d’une pratique commerciale trompeuse.
Face à ce constat alarmant, l’association de consommateurs a porté plainte auprès du Procureur de la République de Paris contre ces 8 sites pour pratiques commerciales trompeuses.
En parallèle, elle a saisi la Commission européenne pour l’alerter sur les dérives des professionnels dans ce secteur.
Pour rappel, une pratique commerciale trompeuse est susceptible d’être punie de deux ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende, le montant de l’amende pouvant être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, ou 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit[6].
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En tant qu’e-commerçant, il est nécessaire de vérifier régulièrement que vos pratiques sont conformes à la (nouvelle) réglementation applicable. Vos opérations promotionnelles, qui se distinguent des périodes de soldes, doivent impérativement être préparées à la lumière du nouvel article L.112-1-1 du Code de la consommation.
L’audit juridique de votre site e-commerce constitue ainsi un outil pertinent pour le professionnel qui souhaite poursuivre sereinement le développement de son activité digitale.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il assiste et défend les personnes physiques et morales dans le cadre de contentieux judiciaires et extrajudiciaires. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.
[1] Communiqué de presse de la FEVAD 25 mai 2023
[2] Arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l'égard du consommateur
[3] CJUE, 3ème chambre, 10 juillet 2014, Commission européenne contre le Royaume de Belgique, affaire C-421/12
[4] Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005
[5] FAQ de la MEDEF du 31 mai 2022 concernant les conditions d’application de l’article L112-1-1 du code de la consommation
[6] Article L.132-2 du code de la consommation