Référencement sur Internet : attention à la contrefaçon de marque !

Référencement sur Internet : attention à la contrefaçon de marque !
⏱ Lecture 4 min

Par Claire Benassar

Face à l’apogée du e-commerce, celui-ci ayant en un an enregistré une croissance de +11,8% par rapport au 1er trimestre 2021[1], nombreuses sont les stratégies et pratiques mises en place par les commerçants pour maximiser la visibilité de leurs plateformes et attirer les consommateurs.

Le géant américain Amazon en a toutefois récemment fait les frais. Par une décision du 10 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a condamné la société en raison des actes de contrefaçon de la marque CARRE BLANC résultant de ses pratiques de référencement naturel et payant.

La société CARRE BLANC EXPANSION estimait effectivement que les pratiques de la marketplace étaient constitutives, d’une part, de contrefaçon de sa marque, et, d’autre part, d’actes de concurrence déloyale.

Si elle a été déboutée par la juridiction sur ce dernier point, faute d’apporter la preuve de son préjudice économique, les juges ont sanctionné les pratiques de référencement mises en œuvre par Amazon au titre de la contrefaçon.

 Ainsi, dans quelle mesure le référencement en ligne pourra-t-il être considéré comme un acte de contrefaçon ?

La nécessaire caractérisation d’un usage à titre de marque

Le tribunal a relevé que les pages litigieuses de la plateforme Amazon mentionnaient, tant dans leur adresse URL que dans leur titre et les méta-tags associés, ou encore dans leur description, les termes « Carré » et « Blanc » en combinaison.

Le référencement naturel et payant utilisé par Amazon

A cet égard, si les méta-tags – lesquels ont pour but d’optimiser le référencement naturel sur les moteurs de recherche, ne sont pas immédiatement visibles pour l’internaute sur la page de résultats – c’est en revanche le cas du titre, de l’adresse URL, et de la description de la page.

Néanmoins, comme il a été rappelé par le tribunal, encore faut-il que l’usage du signe dans les titres, URL et descriptions litigieux soit fait à titre de marque.

Aussi, si Amazon avançait que les termes « Carré » et « Blanc » étaient utilisés dans leur sens générique et usuel, les juges ont estimé que ces adjectifs n’avaient pas lieu d’être pour la majorité des produits concernés, et que rien ne venait « justifier le choix d’une première lettre majuscule pour chacun des termes "Carré" et "Blanc", ni leur présentation immédiatement accolés ».

Amazon a contrefait la marque " Carré Blanc"

La juridiction a suivi le même raisonnement s’agissant de l’achat des mots-clés "carré" et "blanc", voire d’un mot-clé unique "carré blanc", par la défenderesse sur les moteurs de recherche, dès lors que ces mots-clés apparaissent en en-tête des annonces affichées sur les résultats de recherche.

Cette affaire n’est ainsi pas sans rappeler la décision de la cour d’appel de Paris du 5 mars 2019, laquelle avait condamné la société Rue du commerce en raison des actes de contrefaçon de la marque CARRE BLANC commis au moyen du référencement naturel opéré sur sa plateforme.

Dans cette affaire, la cour avait estimé de façon similaire que les termes "carré" et "blanc" n’étaient en aucun cas utilisés en tant qu’adjectifs pour décrire un produit, puisqu’ils étaient généralement placés devant le nom désignant l’article recherché, qu’ils n’étaient pas accordés au nom de l’article car utilisés au masculin lorsque le nom de l’article était féminin, ou parce que l’article était rarement de forme carrée.

Amazon condamné pour contrefaçon de marque en raison de ses pratiques de référencement 

Néanmoins, la société Amazon soutenait à juste titre qu’un tel usage à titre de marque n’est pas pour autant interdit dans la mesure où il s’agit de promouvoir d’authentiques produits de la marque CARRE BLANC.

Toutefois, en l’espèce, les procès-verbaux de constat produits par la demanderesse établissaient l’absence de produit authentique sur les pages accessibles sur la plateforme, de nature à tromper les internautes d’attention moyenne, ceux-ci pouvant être amenés à croire que les produits proposés à la vente étaient d’authentiques produits CARRE BLANC.

Le tribunal judiciaire de Paris en a conclu que le recours à la marque de la demanderesse dans le titre, l’URL, et la description des pages litigieuses avait « permis d’accroître le référencement naturel de ces pages dont le trafic induit, en remontant leur apparition dans les résultats de recherche, alors même qu’aucun produit authentique n’y était proposé », cette pratique étant ainsi prohibée et sanctionnée sur le fondement de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle[2].

Il en est de même s’agissant du référencement payant, le tribunal précisant qu’il est indifférent que l’internaute ait pu se méprendre sur le fait que le site accessible via les annonces publiées sur les moteurs de recherche était celui de la défenderesse et non celui de la société CARRE BLANC EXPANSION, puisqu’il était en tout état de cause erronément amené à croire qu’il pourrait se procurer des produits authentiques « CARRE BLANC » sur la plateforme Amazon.

D’autant plus que la jurisprudence était d’ores et déjà venue préciser que l’utilisation d’une marque comme méta-tag pouvait être constitutive de contrefaçon, toute forme d’utilisation d’un signe distinctif sur un site internet pouvant effectivement constituer un acte d’usage contrefaisant de marque, quand bien même le signe ne serait pas visible pour l’internaute[3].

Dans ces conditions, l’usage de la marque étant susceptible de porter atteinte à l’une de ses fonctions, dont la fonction essentielle d’indication d’origine qui garantit la provenance du produit, il pourra légitimement être interdit par le titulaire de la marque dont il est question.

Cette décision s’inscrivant ainsi dans la lignée de la jurisprudence dernièrement rendue en la matière, il ne pourra qu’être conseillé aux e-commerçants et marketplaces de prêter une attention particulière au référencement de leur plateforme et des produits qu’ils proposent à la vente.

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs dans le cadre de la gestion de leurs portefeuilles de marques et gère notamment les contentieux judiciaires et extrajudiciaires en matière de marques. Pour en savoir plus, contactez-nous ici

 

[1] Communiqué de presse de la Fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD) du 19 mai 2022

[2] « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».

[3] CA Paris, Pôle 5, 19 mars 2014, n°2012/18656

Claire Benassar

Auteur Claire Benassar

Suivez-nous sur Linkedin