Par Gérard Haas, Marie Torelli et Irène L'Homme
De nombreux acteurs proposent des solutions de paiement fractionné ou « Buy Now Pay Later » permettant aux e-commerçants de proposer des crédits à court terme aux consommateurs, lors du paiement de leur achat sur internet.
Après avoir rappelé en mars dernier que ces acteurs devaient disposer d’un agrément, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a publié une enquête au mois de juillet, révélant la non-conformité de certaines situations dans le cadre du paiement fractionné.
Les acteurs du paiement fractionné devront donc auditer leur solution pour s’assurer de répondre aux nouvelles exigences de l’ACPR.
Qu’est-ce que le paiement fractionné ?
Le paiement fractionné est une offre de paiement différée qui permet à son bénéficiaire d’acheter immédiatement son produit (ou service), et de le payer plus tard, de manière échelonnée dans le temps, sans frais ni intérêts, ou d’un montant négligeable.
Il est également connu sous les termes de paiement en 3x ou 4x. Les conditions et modalités du paiement fractionné ont été détaillées dans un précédent article.
Concrètement, lorsque le consommateur, sur la marketplace ou sur le site e-commerce, va procéder au règlement de son achat, il verra s’afficher la possibilité de payer 3 fois avec ou sans frais. Ces frais sont alors généralement imputés au vendeur.
Doit-on disposer d’un agrément pour fournir des services de paiement fractionné ?
Le paiement fractionné est un service de crédit lorsqu’il est fourni à titre habituel et onéreux.
Ainsi, pour fournir des services de paiement fractionné, les entreprises doivent être agrées en tant qu’établissement de crédit ou société de financement ou étudier la possibilité de se prévaloir d’une exception, d’une exemption ou d’un mandat.
En outre, l’encaissement pour le compte de tiers et les services associés à l’ouverture d’un crédit (virement, utilisation d’une carte de paiement, etc.) constituent des services de paiement au sens du code monétaire et financier et ne peuvent être fournis, en principe, que par des Prestataires de Services de Paiement (PSP), agrées en tant qu’établissement de paiement (EP) ou Etablissement de monnaie électronique auprès de l’ACPR.
S’il existe des exceptions à cette règle, il est précisé qu’est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, le fait de fournir des services de paiement à titre de profession habituelle sans y avoir été habilité.
Ainsi, la fourniture de services de paiement fractionné implique une véritable cartographie des risques juridiques afin d’identifier la solution la plus sécurisante pour pouvoir fournir un tel service de manière pérenne et autonome.
Le paiement fractionné est-il soumis au code de la consommation ?
Le paiement fractionné échappe aux règles du code de la consommation lorsque :
- Le prêt porte sur un montant inférieur à 200 Euros ou supérieur à 75 000 Euros ; ou
- Le prêt est remboursé dans un délai de maximum 3 mois.
Dans tous les autres cas, il sera soumis aux dispositions contraignantes du code de la consommation (obligations d’information spécifique…).
Quelles sont les obligations du prestataire dans la mise en œuvre de sa solution de paiement fractionné ?
Dans sa revue parue le 12 juillet 2022, l’ACPR rappelle que si le paiement fractionné échappe aux dispositions applicables au crédit à la consommation, il est toutefois soumis à la règlementation relative au taux effectif global (TEG)[1] et de celle de l’usure[2], ainsi qu’aux dispositions particulières sur les contrats conclus à distance portant sur des services financiers, lors que le paiement fractionné est proposé sur internet.
Respecter la règlementation relative au TEG et à l’usure
L’enquête menée par l’ACPR a révélé que des établissement n’intégraient pas les frais de mise à disposition accélérée et optionnelle des fonds, importants au regard du montant emprunté, dans l’assiette de calcul du TEG. Or cette mise à disposition accélérée des fonds (optionnelle ou non) constitue une modalité d’exécution de l’opération de crédit.
Ainsi l’exercice de cette option et le règlement des frais associés doivent être prévus expressément au contrat et être inclus dans le TEG, qui doit lui-même respecter le taux d’usure.
Enfin, lorsque l’établissement applique des pénalités de retard, ces dernières doivent être portées à la connaissance du consommateur dans l’information précontractuelle et ne pas dépasser le taux autorisé.
Informer le consommateur avant la conclusion du contrat
Lorsque le contrat est conclu à distance, le professionnel doit fournir au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du service, ainsi qu’un certain nombre d’informations sur son identité, la date de livraison du service, etc.
Ainsi, dans le cas du paiement fractionné, l’établissement doit a minima indiquer le TEG par opération et non par tranche de montant emprunté.
En outre, l’ACPR remarque que dans certains cas, les solutions de paiement fractionnés ne font même pas l’objet d’un contrat écrit, et que certains établissements proposent des durées de remboursement supérieures à 90 jours (3 mois), tombant ainsi dans le crédit à la consommation.
Or l’établissement qui propose des crédits à titre onéreux sans être agrées comme établissement de crédit ou société de financement encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 Euros d’amende.
Le prêteur encourt en outre, pour ne pas avoir respecter le code de la consommation (lorsque le crédit est supérieur à trois mois), la déchéance des intérêts et une amende de 300 000 Euros.
Ainsi, il est recommandé aux acteurs du paiement fractionné de réaliser un audit juridique de leur parcours utilisateur et de leurs contrats afin de s’assurer d’être aligné avec les dernières recommandations de l’ACPR.
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Le cabinet HAAS-Avocats accompagne les porteurs de projet dans leurs démarches auprès de l’ACPR. Nos équipes se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans le lancement de votre solution de paiement fractionné. Pour un devis ou des renseignements complémentaires, n’hésitez pas à contacter le cabinet HAAS Avocats.
[1] Article L314-1 à L314-5 du code de la consommation
[2] Article L314-6 à L314-9 du code de la consommation