Protection d’une indication géographique : attention au cahier des charges !

Protection d’une indication géographique : attention au cahier des charges !
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Par Gérard Haas, Claire Benassar et Théophile Tsimaratos

Dans un arrêt du 16 mars 2022[1], la Cour de cassation a confirmé l’incomplétude du cahier des charges qui associe un produit, dans sa dénomination, à une ville de France mais vise, comme zone géographique, l’ensemble du territoire national, de sorte que le produit n’est en réalité associé à aucune aire géographique déterminée.

En l’espèce, estimant que la dénomination « Savon de Marseille » était en contradiction avec la zone de protection nationale désignée dans le cahier des charges, la Cour a ainsi considéré que ce produit ne pouvait bénéficier d’une protection au titre des indications géographiques.

La protection conférée par l’indication géographique

La loi du 17 mars 2014[2] est venue créer l’« indication géographique protégeant les produits industriels et artisanaux » (IGPIA), nouvelle forme de protection territoriale permettant de distinguer l’origine géographique d’un produit ou de ses caractéristiques.

Par définition, l’indication géographique est « la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique »[3].

A l’instar des produits bénéficiant d’une AOP[4], pour pouvoir bénéficier d’une IGPIA, la dénomination du produit doit préalablement être homologuée par l’INPI qui doit notamment s’assurer du respect d’un cahier des charges[5], lequel doit préciser la délimitation de la zone géographique ou du lieu déterminé associé à l'indication géographique.

Spécialité de la cité phocéenne depuis le XIVème siècle, le « Savon de Marseille » est le premier produit artisanal à avoir fait l’objet d’une demande d’homologation auprès de l’INPI, en vue de bénéficier de la protection de l’IGPIA.

Si la dénomination du produit suggère sa fabrication dans la commune de Marseille, le cahier des charges prévoyait toutefois une confection dans l’ensemble des départements de France.

Aussi, la demande d’homologation ayant été rejetée pour incomplétude par le directeur général de l’INPI, dont la décision a été confirmée par la Cour d’appel de Paris le 21 juin 2019[6], l’association Savon de Marseille France s’est pourvue en cassation pour obtenir gain de cause.

La proximité entre la dénomination du produit et la zone géographique désignée : condition sine qua none pour accéder à la protection

Si l’association Savon de Marseille France estimait que l’article L.721-2 susmentionné n’imposait pas de proximité entre la dénomination du produit et la zone géographique visée au cahier des charges, la Cour de cassation a toutefois confirmé la décision de la Cour d’appel de Paris.

En effet, elle considère qu’un lien doit pouvoir être caractérisé entre la dénomination du produit et la zone de protection géographique désignée. Aussi, le périmètre de cette zone doit permettre de garantir que le produit concerné présente effectivement une qualité, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être essentiellement attribuées à la zone géographique ou au lieu déterminé associés à l'indication géographique.

En conséquence, la Cour a décidé que « c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'est incomplet le cahier des charges relatif à une demande de protection d'une indication d'origine visant l'ensemble du territoire national, sans délimiter une aire géographique ni un lieu déterminé associés au produit concerné, et que le directeur général de l'INPI avait pu, sans excéder ses pouvoirs, rejeter la demande d'homologation pour incomplétude ».

Le bénéfice d’une indication géographique répond ainsi à des conditions strictes, les demandeurs à l’homologation devant en tout état de cause porter une attention particulière à la rédaction et au contenu du cahier des charges adressé à l’INPI.

Cet arrêt se situe dans un courant jurisprudentiel français et européen qui a vocation à préciser les contours du régime des marques et indications géographiques, lesquelles présentent un intérêt croissant en raison notamment de leur gage de qualité. La CJUE est pour sa part effectivement récemment venue rappeler que les règles en matière de marques géographiques s’interprètent strictement.

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[1] Cass, Com., 16 Mars 2022 – n° 19-25.123

[2] LOI n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

[3] Article L.721-2 du code de la propriété intellectuelle

[4] Appellation d’origine protégée

[5] L’article L.721-2 du code de la propriété intellectuelle précise que « Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l'extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l'article L. 411-4. »

[6] CA Paris, Pôle 5, chambre 2, 22 Novembre 2019 – n° 18/15257

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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