Par Haas Avocats
Dans une décision rendue le 13 novembre 2024[1], le Tribunal de l’Union européenne saisi d'un recours en nullité d'une marque figurative constituée d'un ovale bleu et jaune, a fait droit aux demandes présentées par la Compagnie financière de participation, déclarant que la forme du signe en cause ne permettait pas au public pertinent d'identifier l'origine commerciale des fruits frais désignés par la marque.
L’absence de caractère distinctif du signe
La distinctivité d’un signe s’entend de sa capacité à remplir la fonction essentielle d’une marque, à savoir indiquer au consommateur d’attention moyenne l’origine commerciale des produit(s) et/ou service(s) et les distinguer de ceux des concurrents[2].
Le 13 novembre 2024, le Tribunal de l’Union européenne a considéré que ni la forme ni le schéma de couleurs bleue et jaune de la marque ne lui conféraient un caractère distinctif.
Une forme géographique excessivement simple
L’instance européenne a estimé que la forme de la marque correspondait à une simple figure géométrique, sans aucune caractéristique facilement et directement mémorisable. De plus, elle a considéré que l’utilisation d’étiquettes de forme ovale dans le secteur des bananes sont courantes, puisque facilement apposables sur des fruits incurvés.
Le Tribunal en déduit que la forme du signe n’attire pas l’attention du public ni ne permet l’identification de l’origine commerciale des fruits frais que la marque désigne.
Une combinaison de couleurs non spécifique
Le Tribunal relève par ailleurs que la combinaison de couleurs primaires (bleue et jaune) est habituelle et fréquente dans la commercialisation et la publicité de fruits frais. Ainsi, l’usage de ces deux coloris ne rend pas la marque particulièrement caractéristique et ne serait donc pas susceptible d’individualiser les produits commercialisés par Chiquita Brands.
Le Tribunal de l’Union européenne considère alors que Chiquita Brands ne démontre pas l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de sa marque. Cela ne lui permet donc pas de revendiquer une identification de l’origine commerciale des produits en cause.
La preuve de l’acquisition de la distinctivité par l’usage
Le titulaire de la marque contestée peut rapporter, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, la preuve de l’acquisition de la distinctivité par l’usage. En effet, un signe enregistré en méconnaissance de l’exigence de distinctivité peut échapper à la nullité en cas d’acquisition du caractère distinctif après son enregistrement pour les produits ou les services pour lesquels il est enregistré[3]. Différents éléments peuvent alors être étudiés (part de marché détenue par la marque, intensité, étendue géographique, durée de l’usage de la marque, etc.) pour démontrer cette acquisition de la distinctivité par l’usage[4].
En l’espèce, la majorité des preuves présentées par Chiquita Brands ne concerne que quatre Etats membres de l’Union européenne. L’entreprise soutient que le signe avait bien acquis un caractère distinctif par l’usage, en justifiant cet argument sur une étude de marché ne visant que quatre Etats membres, sans établir pour autant que l’ensemble des Etats membres devaient être traités comme un seul et unique marché.
Chiquita Brands n’est donc pas parvenue à établir que la situation du marché des fruits frais dans les quatre Etats membres de l’Union européenne aurait été identique dans l’ensemble des Etats membres.
Cette affaire s’inscrit dans une approche plus restrictive de la jurisprudence européenne en droit des marques. Les juges européens se montrent désormais plus stricts quant à l’enregistrement de marques basées uniquement sur des formes ou des couleurs[5].
Une décision aux impacts marketing
La décision du Tribunal de l’Union européenne marque également un virage dans la stratégie marketing de Chiquita Brands, contrainte de repenser sa communication visuelle sur le marché européen.
Chiquita Brands sera donc potentiellement amenée à modifier son emballage au niveau européen.
Cette affaire rappelle que la protection des marques n’est jamais acquise et que les entreprises doivent continuellement adapter leurs stratégies aux évolutions juridiques.
Dans une société où les consommateurs sont plus scrupuleux quant à l’origine et à la qualité des produits, les marques devront donc accroître leurs efforts afin de trouver de nouvelles manières de façonner leur identité et leurs valeurs, au-delà des simples éléments visuels. Les entreprises seront donc amenées à être plus créatives et innovantes dans la conception de leurs marques afin d’obtenir une protection juridique au sein de l’Union européenne.
Pour conclure, il est important de s’assurer que sa marque se distingue des éléments couramment utilisés au cœur de son secteur d’activités en privilégiant des signes visuels, des schémas de couleurs ou des combinaisons qui attirent l’attention du public et permettent d’associer facilement et immédiatement les produits et/ou services que l’entreprise offre.
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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs dans le cadre de la gestion de leurs portefeuilles de marques et gère notamment les contentieux judiciaires et extrajudiciaires en matière de contrefaçon. Pour en savoir plus, contactez-nous ici.
[1] TUE, 13 novembre 2024 aff. 426/23 Chiquita Brands c/ EUIPO.
[2] Article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle.
[3] Règlement 2017/1001 du 14 juin 2017, art. 59-2.
[4] TUE, 21 avril 2015 aff. 360/12.
[5] CJUE, n° T-375/21, Demande du Tribunal, Leinfelder Uhren München/EUIPO, 2 juillet 2021.