OVH héberge un site espagnol proposant la GPA : quelle responsabilité?

OVH héberge un site espagnol proposant la GPA : quelle responsabilité?
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Par Haas Avocats

Face à des contenus illicites, les hébergeurs sont tenus à certaines obligations, notamment celles de retirer promptement tout contenu étant manifestement litigieux.

Ce caractère manifeste est d’ailleurs essentiel dans l’appréciation de l’hébergeur, lequel peut s’opposer au retrait d’un contenu si un tel caractère fait défaut.

 

Dans un arrêt confirmatif du 23 novembre 2022, la Cour de cassation condamne OVH pour avoir hébergé un site internet édité par une société espagnole, qui proposait des prestations de gestation pour autrui sur le territoire français.

La société OVH mise en demeure

La société OVH, entreprise française, hébergeait un site internet édité par la société espagnole Subrogalia qui propose son entremise entre une mère porteuse et un client désireux d’accueillir l’enfant porté par cette-dernière. Cette activité, qualifiée de gestation pour autrui (GPA), est interdite en France, et sanctionnée pénalement.

À plusieurs reprises, l’association « Juristes pour l’enfance » a mis en demeure la société OVH, en sa qualité d’hébergeur, de retirer sans délai le contenu du site internet de Subrogalia, afin qu’il ne soit plus accessible sur le territoire français.

 

Or, la société OVH considérait que ce contenu n’était pas manifestement illicite et qu’il ne lui appartenait pas de « se substituer aux autorités judiciaires afin de trancher un litige opposant l’association à la société Subrogalia ».

 

L’association a alors assigné la société OVH en tant qu’hébergeur de contenus, afin qu’il lui soit fait injonction de rendre inaccessible le site internet litigieux, en application de la l’article 6 de la Loi pour la Confiance en l’Economie Numérique (LCEN).

Caractère manifestement illicite d’un contenu proposant des prestations interdites sur le territoire français

Dans son arrêt du 13 octobre 2020, la Cour d’appel de Versailles faisait injonction à la société OVH de rendre le site litigieux inaccessible sur le territoire français, et ce, pour plusieurs raisons.

 

Selon elle, il est clair que le contenu du site est illicite au regard du droit français.

 

Rappelons en effet que le code civil prévoit en son article 16-7 que « toute convention portant sur la gestation pour autrui est nulle ». En outre, le code pénal sanctionne notamment en son article 227 – 12 « le fait d’entremettre entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître ». À travers ces articles, le recours à la GPA tombe sous le coup de la loi pénale.

 

Or, la Cour d’appel relève que les informations présentes sur le site espagnol sont accessibles en français. En outre, Subrogalia affirme travailler avec les clients de quatre pays, dont la France.

 

Il est donc clair et établi que le public français est ciblé par ce site et bénéficie même de ces services.

 

Ainsi, en permettant aux ressortissants français d’avoir accès à cette pratique considérée comme illégale au regard des dispositions du droit français précitées, la Cour d’appel retient que l’objet du site doit être considéré comme étant manifestement illicite. Violant la loi française, ce site est susceptible de causer un dommage sur le territoire français selon la Cour.

La responsabilité de l’hébergeur quant au prompt retrait des contenus manifestement illicites

Pour mémoire, les hébergeurs bénéficient d’un régime de responsabilité allégé, contrairement aux éditeurs de contenus.

 

En effet, l’article 6, I, 2 et 3 de la loi LCEN, modifié par loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, prévoit que les hébergeurs « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire [des services d’hébergement s’ils] n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».  

 

En l’espèce, l’association Juristes pour l’Enfance a mis en demeure la société de retirer le contenu du site internet litigieux à deux reprises.

 

En ne réagissant pas promptement pour rendre inaccessible le site Subrogalia en France, la Cour d’appel retient que la société OVH a manqué aux obligations prévues par l’article 6 de la LCEN.

 

La société OVH forme un pourvoi en cassation, et conteste notamment le caractère illicite du contenu du site hébergé. Selon elle, la GPA étant autorisée en Espagne et aucune activité interdite par le droit français n’étant exercée en France, l’objet du site litigieux ne peut être considéré comme illicite.

 

Cependant, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la société OVH, et reprend l’argumentation de la Cour d’appel. Elle affirme, dans son arrêt du 23 novembre 2022, que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision en considérant que la société OVH a manqué à son obligation de retirer promptement des contenus illicites portés à sa connaissance.

 

Ainsi, une telle décision semble admettre que le caractère illicite d’un contenu ne s’apprécie pas uniquement au regard de la législation du pays dans le ressort duquel le site internet est édité, mais également et surtout, à la lumière de la législation applicable au pays destinataire dudit contenu.

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