NFT et contrefaçon : Retour sur l’affaire MétaBirkin

NFT et contrefaçon : Retour sur l’affaire MétaBirkin
⏱ Lecture 4 min

Par Haas Avocats

Se prononçant pour la première fois sur la contrefaçon d’une marque reproduite sous forme de NFT, un tribunal newyorkais a condamné l’artiste Mason Rothschild à verser la somme de 133 000 dollars de dommages et intérêts à la maison Hermès dans le cadre de l’affaire MetaBirkin.

Pour en savoir plus sur les NFT, nous vous invitons à lire notre précédent article sur le sujet.

La Metabirkin, création de l'artiste Mason Rothschild

Début 2021, l’artiste Mason Rothschild a créé une série d’images, sous forme de NFT, baptisée MetaBirkin et composée de 100 NFT, lesquels représentent une centaine d’interprétations en fourrure du sac Birkin vendu par la maison Hermès. La série est mise en vente par l’artiste dans le métavers.

La société Hermès a assigné l’artiste le 14 janvier 2022 devant le tribunal fédéral de New York.

 

Elle sollicitait la cessation des agissements litigieux en demandant l’arrêt du projet de l’artiste, la récupération du nom de domaine, ainsi que le versement des dommages et intérêts liés à la vente de ces NFT.

 

C’est au début du mois de février 2023 que le tribunal newyorkais s’est prononcé sur la contrefaçon de marque et les NFT pour énoncer que la reproduction non autorisée ne pouvait être fondée par la liberté d’expression de l’artiste.

La reproduction illégale d’une marque ne relève pas de la liberté d’expression

L’artiste présente ses créations comme un hommage rendu au sac Birkin et à la maison Hermès, et invoque également le premier amendement de la Constitution des Etats Unis.

Un amendement protecteur de la liberté d’expression

Faisant partie des dix amendements ratifiés en 1791 des Bill of Rights (ou Déclarations des droits), le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique protège la liberté d’expression.

 

Se fondant sur le fait que la liberté d’expression ne saurait être limitée par aucune loi, l’artiste Mason Rothschild développe son argumentation autour de sa liberté d’expression à représenter et faire un hommage au sac iconique de Hermès.

Le NFT n’est pas une œuvre mais un produit de consommation

Profitant de la renommée de ce sac, l’artiste se fonde sur la liberté d’expression, pour justifier la reproduction et l’exploitation de ces sacs, et revendique l’idée selon laquelle il aurait voulu procéder à un hommage au sac Birkin dans le cadre d’une expérience artistique.

 

Prenant l’exemple de l’œuvre d’Andy Warhol[1] à propos des boîtes de soupe Campbell, Mason Rothschild estime, à tort selon le tribunal, que cette reproduction n’est que l’émanation de sa liberté d’expression.

 

Mason Rothschild soutient avoir lui-même créé des œuvres d’art sous forme de NFT.

 

Le tribunal américain rejette néanmoins cette argumentation en statuant, conformément à ce qui est revendiqué par Hermès, que les NFT revendiqués par l’artiste ne pouvaient être qualifiés d’œuvre d’art et devaient être considérés comme des produits de consommation.

 

Ces NFT s’apparentant à des produits de consommation, ils sont de ce fait soumis à la réglementation applicable aux marques.

 

Le tribunal estime ainsi que la reproduction d’une marque sans autorisation ne relève pas de la liberté d’expression et doit être qualifiée de contrefaçon.

 

La délimitation de la notion de contrefaçon de marques

L’importance de cette décision réside dans le fait qu’elle apporte un début de solution quant à la délimitation des droits de propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de NFT.

 

Pour rappel, la contrefaçon de marque est le fait de reproduire, imiter ou de façon plus générale utiliser totalement ou en partie une marque sans l’autorisation de son titulaire.

 

En effet, la marque Birkin détenue par Hermès visait seulement des produits corporels et non des produits virtuels ou numériques, lesquels sont visés par des classes différentes selon la classification de Nice applicable au droit des marques.

La protection des marques en droit français

Pour apprécier en droit français dans quel cadre la marque est protégée contre l’usage d’un signe identique ou similaire, il est nécessaire de connaitre le principe de spécialité.

Le principe de spécialité

Ce principe implique qu’une marque enregistrée ne produit ses effets que pour les produits/ services visés dans le(s) libellé(s) qu’elle désigne lors de son l’enregistrement, et ne peut être protégée que contre des marques identiques ou similaires visant des produits/services identiques ou considérés comme similaires.

 

Ainsi par exemple, en enregistrant une marque uniquement en classe 9, la marque ne pourra être protégée que contre des marques identiques et similaires à celle que j’ai déposée couvrant des produits/services identiques et similaires en classe 9.

L’exception au principe de spécialité

Lorsqu’on est en présence d’une marque notoire ou de renommée, ce principe de spécialité n’est plus applicable.

 

Ainsi, à condition de pouvoir démontrer la renommée ou la notoriété de cette marque ; la marque pourra être invoquée à l’encontre de toute autre marque identique ou similaire visant des produits/services identiques et/ou similaires peu importe la classe concernée.

 

En appliquant ce principe à l’affaire MétaBirkin, la marque Hermès étant une marque de renommée elle devrait pouvoir être protégée contre une marque identique ou similaire visant des produits identiques ou similaires.

La protection des marques en droit américain

En droit américain, le propriétaire d’une marque dispose d’un droit exclusif sur celle-ci dans la mesure où la contrefaçon est punie par le Trademark Act (Loi Lanham).

 

Mason de Rothschild est ainsi condamné pour contrefaçon de marque.

 

Le tribunal se prononce également sur les chefs d’accusation de dilution et de cybersquatting invoqués par Hermès pour encore une fois donner raison à la partie requérante.

 

L’artiste Mason Rothschild est condamné à verser au requérant la somme de 110 000 dollars au titre de la violation des droits de propriété intellectuelle d’Hermès et de 23 000 dollars pour cybersquatting.

Quel est l’impact de la décision ?

Cette condamnation bien que très attendue ne résout pas pour autant toutes les problématiques en matière de droits des marques et NFT.

Une solution à limiter

L’attente d’une décision française ou européenne 

La première chose est de retenir que cette décision est issue d’un tribunal new yorkais et non d’un tribunal français. Bien que nous donnant un aperçu de ce qui pourrait être réalisé en France et sur le territoire européen, il demeure tout de même encore un flou juridique sur la question.

L’attente d’une décision relative à une marque non renommée

Au-delà de cet aspect territorial, la décision est également à prendre avec des pincettes en ce sens qu’elle concerne une marque de renommée issue d’une maison de luxe mondialement connue.

Quelles solutions adopter pour se protéger des NFT contrefaisants ?

Les entreprises doivent procéder à l’enregistrement de leurs marques dans des classes couvrant les produits/services dans le monde virtuel. A ce titre, la classification de Nice doit elle-même évoluer afin d’intégrer ces nouveaux « produits » numériques sous forme de NFT.

 

La maison Hermès elle-même a récemment fait le choix de procéder à l’enregistrement de sa marque à l’USPTO pour des produits et services virtuels pour s’assurer contre la contrefaçon de marques concernant des NFT, cryptomonnaies, jeux en ligne ou encore métavers.

 

***

Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs dans le cadre de la gestion de leurs portefeuilles de marques et gère notamment les contentieux judiciaires et extrajudiciaires en matière de marques. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.

 

[1] Dont le respect des droits de propriété intellectuelle est d’ailleurs actuellement en discussion à la suite de l’affaire l’opposant à Prince (Affaire Prince/ Andy Warhol devant la cour suprême des Etats Unis)

Haas Avocats

Auteur Haas Avocats

Suivez-nous sur Linkedin