Marques : La CJUE clarifie les règles de refus d’enregistrement

Marques : La CJUE clarifie les règles de refus d’enregistrement
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Par Haas Avocats

L’arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (« CJUE ») le 23 janvier 2025 dans l'affaire C-93/23P[1] soulève des questions relatives à la hiérarchie des motifs absolus de refus à l’enregistrement de marque et à l'exigence de représentation des signes en droit des marques.

La Cour vient réexaminer les interrogations liées à la distinctivité et à la représentation des signes pouvant faire l’objet d’un enregistrement à titre de marque, au regard du Règlement sur la Marque de l'Union européenne[2] (« RMUE »).

Rappel des faits : Le rejet de l'enregistrement d'une marque tactile de position

L'affaire concernait une « marque tactile de position » déposée afin de désigner des « éléments sanitaires à insérer, notamment régulateur de jet et formateurs de jet ». Tout d’abord, l'examinateur avait rejeté la demande d'enregistrement de cette marque, arguant que le signe n’était pas représenté de manière suffisamment claire et précise[3]. Par ailleurs, la chambre de recours de l'EUIPO avait confirmé cette décision considérant, en sus du manque de représentation claire et précise du signe, que la marque était également dépourvue de caractère distinctif[4].

Néanmoins, le Tribunal de l'Union européenne (« Tribunal de l’UE ») a annulé cette décision, estimant qu’il était nécessaire d'examiner, en premier lieu, la question de la représentation du signe, avant d'aborder la question relative à sa distinctivité.

L'EUIPO a donc formé un pourvoi, afin de contester l’analyse retenue par le Tribunal de l’Union européenne.

Interprétation du RMUE par la CJUE : l'ordre d'examen des motifs de refus d'enregistrement d'une marque

La Cour de justice de l’Union européenne s’est penchée sur l'interprétation des articles 4 et 7 du RMUE, en s’interrogeant sur l’existence d’une hiérarchie entre les motifs de refus de l'enregistrement d'une marque.

La Cour déclare que la chambre de recours dispose d’un choix dans l’analyse de l'un ou l’autre des motifs, sans qu'une erreur de droit soit pour autant commise. En effet, dès lors qu’un signe ne peut être représenté conformément à l'article 4 du RMUE, il n'est pas nécessaire d'examiner sa distinctivité. A l’inverse, dès lors qu’un signe est dépourvu de caractère distinctif, il n'est pas utile d'examiner sa représentation graphique.

La Cour vient également affirmer que les termes « signe » et « marque » prévus à l’article 7, § 1 du RMUE doivent être considérés comme interchangeables. Cela permet alors à l'EUIPO d'aborder directement la question de la distinctivité sans nécessairement passer par une analyse de la représentation.

La Cour estime donc que la question de la représentation d'un signe n'est pas une condition préalable à l'examen de la distinctivité et que les motifs de refus relatifs à la représentation et à la distinctivité peuvent être examinés de façon indépendante.

La décision de la CJUE sur l'ordre d'examen des motifs de refus : les implications en droit des marques

La CJUE considère donc qu'il n'existe pas d’ordre de priorité entre les motifs de refus relatifs à la représentation et à la distinctivité. Les autorités compétentes peuvent donc librement choisir l'ordre de leur analyse. LA CJUE juge donc que le Tribunal de l’UE a ainsi commis une erreur de droit en déterminant un ordre dans l’examen des motifs de refus à l’enregistrement d’un signe à titre de marque, alors que rien dans les textes n’impose qu’un quelconque ordre doive être respecté dans le cadre de l’examen des motifs absolus de refus.

Par ailleurs, la Cour a estimé que le Tribunal de l’UE a excédé ses compétences car en inversant l’ordre d’examen des motifs absolus retenu par la Chambre des recours, il a pris l’initiative d’apprécier pour la première fois le motif de refus tenant à l’absence de représentation graphique du signe, alors que la Chambre des recours n’avait pas apprécié ce critère de validité de la marque. La Cour juge ainsi que cela « excluait que le Tribunal puisse contrôler l’appréciation portée par celle-ci et que, par conséquent, il puisse valablement réformer la décision litigieuse à cet égard. En effet, cette réformation de la décision litigieuse revenait pour le Tribunal à apprécier pour la première fois des faits ou des éléments de preuve que la chambre de recours n’avait pas examinés ».

Cette décision de la CJUE est donc une décision pragmatique visant à simplifier la procédure d'examen des marques, en laissant le choix aux examinateurs et à la chambre des recours d’examiner les motifs de refus à l’enregistrement d’un signe dont l’enregistrement à titre de marque comme bon leur semble et dans l’ordre qu’ils jugent le plus pertinent.

 

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[1] CJUE 23 janvier 2025, EUIPO c/ Neoperl AG, aff. C-93/23P

[2] Règlement (UE) 2017/1001

[3] Article 4 du RMUE

[4] Article 7, § 1, b), du RMUE

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