Les pratiques anticoncurrentielles les plus fréquentes dans l’économie numérique

Les pratiques anticoncurrentielles les plus fréquentes dans l’économie numérique
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Par Haas Avocats

L’essor des plateformes numériques a profondément modifié les mécanismes de concurrence. La concentration du marché, les effets de réseau et l’exploitation des données ont donné naissance à de nouvelles pratiques susceptibles de restreindre la concurrence. Face à ces évolutions, le droit encadre les comportements des entreprises afin de prévenir les distorsions et de garantir un fonctionnement équilibré des marchés.

Les règles applicables en la matière reposent sur des principes établis par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la réglementation sectorielle et la jurisprudence. L’identification des pratiques anticoncurrentielles les plus répandues dans l’économie numérique permet d’en mesurer les implications juridiques et d’anticiper les risques pour les acteurs concernés.

Les pratiques anticoncurrentielles les plus répandues dans l’économie numérique

Les stratégies mises en œuvre par certains opérateurs du numérique pour renforcer leur position sur le marché peuvent, dans certains cas, entrer en contradiction avec les exigences du droit de la concurrence. Plusieurs types de pratiques sont régulièrement sanctionnés par les autorités de régulation.

Prix de revente imposés

L’imposition d’un prix de revente minimal ou fixe à des distributeurs restreint leur liberté tarifaire et fausse la concurrence entre les revendeurs. Cette pratique est prohibée par l’article 101 du TFUE, qui interdit les accords ayant pour objet ou effet de restreindre la concurrence.

Exemple jurisprudentiel : La Commission européenne a sanctionné Apple et plusieurs distributeurs (affaire RPM, 2020) pour avoir imposé des prix fixes sur les produits de la marque, empêchant ainsi la concurrence entre revendeurs en ligne.

Abus de position dominante

L’exploitation d’une position dominante devient problématique lorsqu’elle empêche ou restreint le développement d’une concurrence effective. L’article 102 du TFUE prohibe toute pratique abusive d’une entreprise occupant une position prépondérante sur un marché donné.

Exemple jurisprudentiel : Dans l’affaire Google Shopping (T-612/17, 2021), la Commission européenne a condamné Google pour avoir favorisé son propre service de comparaison de prix au détriment des concurrents, faussant ainsi le fonctionnement du marché.

Ententes et cartels

Les accords conclus entre entreprises concurrentes dans le but de fixer les prix, de répartir les marchés ou de limiter la production sont strictement encadrés. Ces pratiques sont contraires aux principes de concurrence libre et non faussée définis par l’article 101 du TFUE et peuvent donner lieu à des sanctions financières significatives.

Exemple jurisprudentiel : L’affaire Qualcomm (T-235/18, 2022) illustre ces mécanismes. La société a été condamnée pour avoir conclu des accords d’exclusivité avec Apple afin d’évincer ses concurrents du marché des puces électroniques.

Clauses restrictives dans les contrats

Les contrats commerciaux incluent parfois des clauses limitant indûment la capacité des partenaires commerciaux à collaborer avec d’autres acteurs du marché. Certaines restrictions peuvent être considérées comme abusives si elles conduisent à verrouiller l’accès au marché ou à renforcer artificiellement une position dominante.

L’encadrement des clauses d’exclusivité et de non-concurrence repose sur le Règlement (UE) n° 330/2010 relatif aux restrictions verticales, qui fixe les conditions dans lesquelles de telles clauses sont admissibles.

Exemple jurisprudentiel : L’affaire Intel (C-413/14 P, 2017) a mis en évidence l’impact des rabais d’exclusivité sur la concurrence. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé que ces pratiques peuvent être qualifiées d’abusives lorsqu’elles empêchent l’entrée d’acteurs concurrents sur le marché.

Auto-préférence et éviction des concurrents

Certaines plateformes utilisent leur pouvoir de marché pour favoriser leurs propres services ou produits au détriment des entreprises tierces. L’article 102 du TFUE interdit ces pratiques lorsqu’elles restreignent la concurrence de manière injustifiée.

L’adoption du Digital Markets Act (DMA, Règlement (UE) 2022/1925) impose désormais aux "gatekeepers" (grands acteurs du numérique) des obligations visant à prévenir ces abus.

Exemple jurisprudentiel : L’affaire Google Android (T-604/18, 2022) a conduit à une sanction pour l’imposition de restrictions contractuelles aux fabricants de smartphones, limitant ainsi l’accès des concurrents aux marchés des applications mobiles.

Comment éviter ces pratiques et rester en conformité ?

Les entreprises opérant dans l’économie numérique doivent mettre en place des mécanismes de prévention afin d’assurer le respect des règles de concurrence. Plusieurs mesures peuvent être adoptées pour limiter les risques.

Sensibilisation interne

Une formation des équipes commerciales et juridiques permet d’anticiper les risques liés aux stratégies commerciales mises en œuvre. L’identification des clauses sensibles et la maîtrise des règles applicables sont essentielles pour prévenir les infractions.

Audit régulier des contrats

L’examen périodique des accords contractuels permet d’identifier les clauses potentiellement problématiques et d’assurer leur conformité avec les règles en vigueur. Une vigilance particulière doit être portée aux restrictions de distribution, aux clauses d’exclusivité et aux mécanismes de fixation des prix.

Surveillance des marchés

Le suivi des évolutions jurisprudentielles et réglementaires permet d’adapter les pratiques en fonction des décisions rendues par les autorités de concurrence. Une veille juridique active est nécessaire pour anticiper les changements et ajuster les stratégies commerciales en conséquence.

Consultation d’experts

Le recours à des spécialistes du droit de la concurrence est un moyen efficace de sécuriser les pratiques commerciales. Une assistance juridique permet de prévenir les contentieux et de garantir une mise en conformité proactive avec les exigences du droit de l’Union européenne et des régulations nationales.

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L’économie numérique présente des spécificités qui nécessitent une vigilance accrue en matière de droit de la concurrence. La réglementation vise à garantir un environnement équilibré, en limitant les comportements susceptibles d’entraver le jeu concurrentiel.

Les entreprises doivent intégrer ces exigences dans leur stratégie afin d’éviter les sanctions, dont les conséquences financières et réputationnelles peuvent être considérables. Une approche rigoureuse, combinant formation interne, audits réguliers et accompagnement juridique, constitue une démarche essentielle pour assurer la conformité et préserver un positionnement compétitif durable.

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Le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne les acteurs du numérique face à leurs problématiques diverses en la matière, aussi bien en précontentieux qu’en contentieux. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici

 

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