Les « petites » acquisitions des GAFAM examinées par la FTC

Les « petites » acquisitions des GAFAM examinées par la FTC
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Par Eve Renaud-Chouraqui et Celine Rodier 

Tel qu’elle l’avait annoncé en février 2020, la Federal Trade Commission (FTC), Commission fédérale du commerce en charge du contrôle des pratiques anti-trust aux Etats-Unis, a investigué sur les acquisitions réalisées par les GAFAM au cours de ces dix dernières années.

Le résultat de son étude a été publié le 15 septembre 2021 au sein du rapport intitulé « Non-HSR Reported Acquisitions by Select Technology Platforms, 2010–2019: An FTC Study ».

L’impact des « small acquisitions »

Depuis 2015, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, ont réalisé, chacun et en moyenne, environ 70 rachats de sociétés par an.

Si certains rachats avaient été médiatisés, d’autres acquisitions, plus discrètes, ont été réalisées par les GAFAM et ont participé à la consolidation de leur pouvoir de marché. Ce sont précisément ces « petites » acquisitions qui sont visées dans le rapport.

De quoi parle-t-on ?

Des rachats d’entreprises dont le montant ne dépasse pas les seuils exigés par la règlementation antitrust américaine de 1976 (The Hart–Scott–Rodino Antitrust Improvements Act) pour faire l’objet d’un dépôt, suivi d’un examen par la FTC ou le Département de la justice (DOJ). Ces seuils correspondent à la valeur de la transaction, et, dans certains cas, à la taille des entreprises.

Ces acquisitions (pour lesquelles les GAFAM n’avaient aucune obligation de déclaration) sont passées sous les radars de contrôle.

Pour les identifier, la FTC avait exigé d’Alphabet (maison mère de Google), Apple, Facebook, Amazon et Microsoft la transmission des informations sur toutes les acquisitions effectuées entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019.

L’objectif ? Démontrer que ces « petites » acquisitions devaient être étudiées (voire prises en compte) pour comprendre et appréhender la stratégie de développement et anticiper l’entrée sur de nouveaux marchés.

Les contours de la stratégie d’acquisition des GAFAM

Au total, 616 transactions, évaluées en moyenne à 1 million de dollars chacune, ont été scrutées par la Federal Trade Commission.

Relevons que 94 d’entre elles n’avaient pas été déclarées, alors qu’elles dépassaient le seuil fixé par la législation américaine.

Nombre total de transactions par an entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019


Source : Non-HSR Reported Acquisitions by Select Technology Platforms, 2010–2019: An FTC Study (p.12) 

Précisons que le terme « acquisitions » désigne tant les rachats d'entreprises ou de start-up, que les prises de participations majoritaires, minoritaires et les acquisitions de brevets.

D’après ce rapport, les trois opérations les plus récurrentes sont :

  • Les acquisitions d'actifs;
  • Les prises de contrôle (changement d'actionnaire dominant) ;
  • Les « hiring events » (cas où l'entreprise a embauché au moins 25% des salariés non-commerciaux d'une autre entreprise).

Le rapport permet de mettre en lumière les voies de contournement utilisées par les GAFAM pour limiter les effets de la législation anti-trust.

Lina Khan, Présidente de la FTC, a souligné que les GAFAM disposent de « ressources extraordinaires » leur permettant d’échapper « en grande partie » au champ d’action de l’autorité.

« Chaque fusion, prise indépendamment des autres, peut sembler relativement insignifiante, mais l’impact total de centaines de petites acquisitions peut conduire à la création d’un monopole monstrueux », a ajouté Rebecca Slaughter, membre de l’autorité. 

La Federal Trade Commission souligne également les moyens légaux (contractuels) mis en œuvre par les GAFAM pour se soustraire aux contrôles des autorités, tels que la multiplication des clauses de non-concurrences pour les employés d’entreprises absorbées.

Vers une prise de conscience américaine de la nécessité de réviser la législation antitrust américaine ?

Ce rapport va dans le sens d’une nécessité d’adaptation et de révision de la loi antitrust américaine, laquelle n’aurait plus l’impact souhaité pour réguler les GAFAM.

La situation économique actuelle, les modèles économiques et les stratégies d’expansion diffèrent de celles qui existaient lors de son adoption en 1976.

L’idée selon laquelle de « petites acquisitions » n’auraient que peu d’effet pour perturber un marché est plus discutable aujourd’hui.

Ce rapport nourrit également les rumeurs de démantèlement des GAFAMS aux Etats-Unis.

Et en Europe, quid de la concurrence ?

Le monopole des GAFAM menace également le libre jeu de la concurrence en Europe, mais surtout la souveraineté européenne.

Les appels à la régulation pleuvent également. Le projet de règlement Digital Markets Act, présenté par la Commission européenne le 15 décembre 2020, vise à réguler les plateformes « gatekeeper » (dont les GAFAM remplissent les critères de qualification proposés) en leur imposant des obligations spécifiques permettant un contrôle amont de leurs agissements[1].

Sur le contrôle des concentrations, le projet de règlement prévoit, en son article 13, que le gatekeeper a obligation d’informer la Commission de tout projet de concentration impliquant un autre fournisseur de services de plateformes essentiels ou de tous autres services fournis dans le secteur du numérique.

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Fort d’une expérience dans le domaine du digital, des nouvelles technologies, du droit de la concurrence et de la régulation économique, le Cabinet HAAS Avocats est naturellement à votre entière écoute pour toutes problématiques que vous pourriez rencontrer.

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[1] Précisons que le projet de règlement est actuellement en débat devant le Parlement européen.

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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