Par Eve Renaud-Chouraqui
On vous en parle depuis longtemps, les choses se précisent... Thierry Breton et Margrethe Vestager dévoileront (enfin) le 15 décembre prochain les tant attendus Digital Services Act (DSA) et Digital Market Act (DMA).
Ces deux règlements, d’application directe, ont vocation à remettre de l’ordre dans ce que Thierry Breton a qualifié de « far west » numérique :
- le DSA sera applicable à tout intermédiaire en ligne et visera à imposer de nouvelles obligations et responsabilités par rapport aux contenus qu’il héberge;
- le DMA viendra, quant à lui, cibler les comportements économiques des acteurs systémiques du numérique et les abus et dérives constatées à l’encontre de leurs concurrents et de leurs clients.
C’est l’occasion de faire un zoom sur ces deux règlements, sur la base des informations qui ont, pour l’heure, pu circuler.
1. Qu'est-ce que le DSA, le Digital Services Act ?
La régulation des contenus illicites et haineux est, en l’état actuel de la réglementation, rendue délicate, car basée sur un système de code de conduite volontaire avec les différents réseaux sociaux.
Le DSA vise à changer de prisme de régulation en renforçant la responsabilité des intermédiaires dans la lutte contre les contenus illicites.
Selon Thierry Breton, la pandémie mondiale a eu pour effet de renforcer les Big Techs, y compris concernant l’information dans un secteur sensible comme la santé.
Dans ce cadre, il serait exclu :
- une intervention en amont sur les publications, pour des raisons évidentes de lourdeur et de difficulté de mise en œuvre ;
- de revenir sur la qualification d’hébergeur établie par la Directive e-commerce (excluant la responsabilité de l’hébergeur sur les contenus illicites, sous réserve que son activité consiste bien en une activité de stockage de contenus).
Il serait envisagé :
- de fixer des obligations de moyen et de résultat aux plateformes et un renvoi aux législations sectorielles (nationales ou européennes) pour la définition du contenu considéré comme illégal ;
- une possibilité ouverte aux autorités des Etats membres et de la Commission d’auditer les acteurs, pour vérifier qu’ils ont réellement affecté des moyens dans l’assistance dans la lutte contre les contenus illicites ;
- une obligation de transparence à destination des plateformes, afin que les consommateurs soient en mesure d’identifier et de comprendre pourquoi des contenus qu’ils n’ont pas sollicités leur sont présentés ;
- une obligation pour chaque plateforme agissant sur le marché intérieur d’avoir un représentant légal en Europe;
- la mise en place d’une procédure de signalement des contenus illégaux et la possible création d’intermédiaires pouvant déclencher des procédures accélérées concernant certains contenus ;
- la désignation, par chaque Etat membre, d’une autorité de coordination pour la mise en œuvre du DSA.
2. Qu'est-ce que le DMA, le Digital Market Act ?
Le DMA a pour objectif de doter les Etats membres de pouvoirs d’intervention préventifs et instantanés, afin d’agir efficacement sur les plateformes numériques structurantes, agissant comme « gatekeepers ».
Le constat actuel :
- ces plateformes verrouillent les écosystèmes qu’elles exploitent et empêchent les tiers de d’entrer sur leurs marchés pour les concurrencer et les consommateurs de passer d’un écosystème à un autre ;
- les abus et dérives découlant des pratiques mises en œuvre par ces plateformes sont difficilement sanctionnables par les autorités de concurrence, lesquelles ;
- interviennent lorsque la distorsion de concurrence est intervenue et a déjà provoqué des effets irrémédiables;
- prononcent des sanctions qui n’aboutissent pas à une cessation de la pratique incriminée.
Dans ce contexte, le DSA envisagerait de :
- qualifier les plateformes numériques structurantes, via une liste préétablie mais également une série de critères dans un objectif d’évolution des pratiques et d’apparition de nouvelles plateformes.
Pourraient être pris en compte les éléments suivants :
- la taille de la plateforme (notamment au regard du nombre de ses utilisateurs),
- la nécessité ou non pour le consommateur d’utiliser les services de la plateforme (disposant de peu de moyens lui permettant de passer d’un écosystème à l’autre),
- le pouvoir de marché détenu et la durée de détention de ce pouvoir de marché,
- l’intervention de la plateforme sur un ensemble de services constituant un écosystème complet.
- établir pour ces plateformes une régulation ex ante, basée sur une liste d’interdictions et d’obligations spécifiques.
Au sein de ces interdictions sont notamment envisagées :
- l’interdiction de faire jouer une auto-préférence, c’est-à-dire la mise en avant de ses propres services par rapport aux services de tiers utilisant les services de la plateformes ;
- l’interdiction d’utiliser les données non publiques des partenaires commerciaux pour leur faire concurrence au sein de la plateforme.
L’enjeu de ces nouvelles règles tiendra dans la proportionnalité des sanctions.
En effet, le règlement vise à rétablir une concurrence saine et effective entre les différents acteurs du marché. Il ne doit pas non plus aboutir à une dégradation de la concurrence qui pourrait avoir des effets négatifs sur le consommateur et l’innovation.
Selon Thierry Breton, les sanctions seront graduées et proportionnées.
Elles s’étendraient de l’amende à la possible séparation structurelle sur le marché européen entre les différentes activités des plateformes. Ainsi, la sanction du démantèlement n’apparait pas exclue.
Nous serons enfin fixés sur les outils déployés par ces deux règlements structurants le 15 décembre …. Une date attendue par de nombreux acteurs au regard des potentiels effets transformateurs que pourraient contenir ces deux règlements sur le paysage concurrentiel et les outils de régulation.
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