Par Gérard Haas et Kate Jarrard
Les projets de réforme de l’action de groupe ont le vent en poupe depuis plusieurs mois.
Le 15 septembre 2020, la proposition de loi n°3329 pour un nouveau régime de l’action de groupe a été déposée à l’Assemblée nationale. Celle-ci vise à créer un nouveau cadre juridique commun à l’ensemble des actions de groupe.
Deux mois plus tard, le 25 novembre, le Parlement européen a adopté la version finale d’une proposition de directive visant à instaurer un régime de « class action » en matière de protection des consommateurs.
C’est donc l’occasion de présenter ces différents régimes, à l’aune des règles applicables à l’action de groupe actuelle.
L’action de groupe est une procédure qui permet à plusieurs personnes, placées dans une situation similaire et qui subissent un dommage dont la cause est commune, de saisir les tribunaux de manière collective, pour faire cesser un manquement ou obtenir réparation d’un préjudice.
Initialement déployée en matière de consommation via la loi Hamon, l’action a été étendue à divers secteurs.
A ce jour, une action de groupe peut être formée dans les domaines suivants :
Si ces actions répondent à un besoin commun, elles sont néanmoins soumises à des règles strictes, tantôt communes, tantôt spécifiques.
De manière générale, seules les associations agréées, ou dans certains cas les syndicats, dont l’objet statutaire porte sur les intérêts défendus, peuvent exercer cette action.
A cela s’ajoutent des durées d’existence ou des agréments distincts selon la matière.
- A titre d’illustration, l’action de groupe en matière de protection des données est l’apanage des associations de protection de la vie privée et des données personnelles existant depuis au moins 5 ans.De plus, tandis que l’action ouverte aux consommateurs ne peut porter que sur la réparation d’un préjudice, les autres actions peuvent également être exercées en vue de la cessation d’un manquement.
Enfin, le préjudice pouvant être indemnisé (matériel, corporel, moral) dépendra de l’objet de l’action.
Par exemple, les victimes peuvent prétendre à une réparation suite à dommage matériel ou moral, tandis que ce dernier doit être corporel en matière de santé, ou simplement matériel s’agissant du droit de la consommation.
En fin de compte, depuis leur création en 2014, seule une vingtaine d’actions ont été formées.
Ce faible nombre peut notamment s’expliquer par cette segmentation du régime, la nature du préjudice indemnisable ou encore la rigueur et la complexité de sa procédure, qui diminuent l’accessibilité de la justice.
Face à ce manque de succès, les députés se sont donnés comme objectifs d’unifier et de simplifier le régime.
Tout en supprimant les régimes spécifiques actuels des différents codes, un nouveau livre serait introduit au sein d’un seul et même texte, le code civil, lequel viserait à créer un cadre juridique commun aux actions de groupe.
Cette dernière se verrait alors définie comme suit :
« Lorsque plusieurs personnes physiques ou plusieurs personnes morales, à l’exclusion de l’État, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur. »
Elle pourrait être exercée en vue soit de faire cesser un manquement, soit d’obtenir réparation du préjudice subi, soit de ces deux fins (art. 2279).
Dans ce cadre, les associations compétentes seraient plus nombreuses, puisque pourront exercer l’action :
- Les associations agréées;
- Les associations régulièrement constituées depuis au moins deux ans dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte,
- Les associations composées d’au moins 50 personnes physiques,
- Les associations composées d’au moins 10 entreprises constituées sous la forme de personnes morales ayant au moins deux ans d’existence,
- Les associations composées d’au moins 5 collectivités territoriales,
- Les syndicats représentatifs professionnels ou de magistrats, en matière de protection des données personnelles ou de lutte contre les discriminations ( 2279-1)
Le nouveau cadre élargirait également l’indemnisation à l’ensemble des préjudices subis, ce quelle qu’en soit leur nature (article 2279).
Aussi, lorsque l’action tend à la cessation d’un manquement, le juge de la mise en état aurait la possibilité d’ordonner au défendeur de faire cesser le manquement constaté, sous astreinte (art. 2279-4).
De plus, le défendeur pourrait désormais se voir condamner aux sanctions suivantes :
- Une amende civile pouvant aller jusqu’à 50 000 euros si celui-ci fait, de manière dilatoire ou abusive, obstacle à un accord ( 2279-12),A noter que son montant pourra atteindre le quintuple du profit réalisé s’il s’agit d’une personne physique, ou 5% du chiffre d’affaires le plus élevé réalisé en France au cours d’un des trois exercices clos précédant la faute d’une entreprise.
Les mesures de publicité actuelles destinées à informer les personnes susceptibles d’appartenir au groupe ne peuvent être ordonnées et mises en œuvre par le juge que lorsque la décision n’est plus susceptible de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation.
Pour pallier cette insuffisance, les associations demanderesses pourraient désormais faire connaître par voie de publicité l’action engagée afin d’en informer les personnes susceptibles d’être concernées (art. 2279-3).
Un registre public des actions de groupe en cours tenu par le Conseil national des barreaux verrait également le jour (art. 2279-17).
Enfin, afin de concentrer ces procédures au sein de juridictions adéquatement parées à traiter ce nouveau contentieux, des tribunaux judiciaires spécifiques seraient désignés au sein d’un nouvel article L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire.
De son côté, l’Union européenne a pour projet d’imposer aux États membres de mettre en place un système d'actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs en cas d'infraction au droit de l'Union.
Neuf pays de l’UE se verront ainsi obligés de créer un tel mécanisme de recours collectif, et les consommateurs français bénéficieront d’une action complémentaire transnationale en cas de litige face à une entreprise.
La directive a vocation à couvrir de nombreux domaines tels que la protection des données, les services financiers, les voyages et le tourisme, l’énergie, les télécommunications et l’environnement.
Cette liste pourra s’allonger chaque fois qu’un nouvel instrument européen sera pertinent pour la protection des intérêts communs des consommateurs.
Pour plus d’informations, consultez notre article dédié.
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