Par Amanda Dubarry et Gaspard de Laubier
Les consommateurs européens devraient bientôt pouvoir se réunir afin d’exercer une action de groupe à l’encontre des entreprises peu respectueuses de leurs droits.
Pour rappel, l’action de groupe (aussi connue sous son appellation anglo-saxonne « class action ») est une procédure judiciaire permettant à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’une entreprise, de se regrouper et d’agir en justice.
Si cette procédure existait déjà dans certains pays européens, elle ne faisait néanmoins pas l’objet d’une harmonisation à l’échelle de l’Union européenne.
Or, les négociateurs du Parlement européen et du Conseil, réunis le 22 juin dernier, sont parvenus à un accord sur les premières règles relatives à un recours collectif européen. Ces règles devraient être réunies au sein de la directive « relative aux actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs », encore au stade de proposition à l’heure actuelle.
1. Une initiative récente
Si les « class actions » sont désormais monnaie courante aux États-Unis il n’en est rien en Europe où ce mécanisme est encore peu utilisé.
Selon le Parlement européen, « l’absence de mécanisme de recours collectif à l’échelle de l’UE revêt une importance pratique particulière pour la protection des consommateurs, comme le montrent certains cas concrets, notamment celui des émissions des moteurs diesel »[1]. En effet, l’affaire Volkswagen - ou « diesel gate » - a mis en exergue la nécessité de mettre en place ce type de recours afin d’alléger les procédures et de garantir les mêmes droits en la matière dans l’ensemble de l’Union européenne.
« L’affaire Volkswagen » désigne le scandale dont avait été à l’origine le constructeur automobile en 2015 après avoir équipé près de 11 millions de véhicules en Europe avec un logiciel minimisant les émissions de gaz à effet de serre pour passer les tests d’homologation. |
Si cette affaire a fait l’objet de plaintes dans différents pays européens (dont une action de groupe en France), aucune possibilité de recours collectif au niveau de l’Union Européenne n’est à ce jour possible.
Or, les procédures n’étant pas harmonisées au sein de l’Union européenne, certains consommateurs rencontrent plus de difficultés que d’autres dans l’exercice de leurs droits.
Afin de contenir cette situation inégalitaire, la Commission européenne a souhaité intervenir en élaborant la proposition du texte de la directive relative aux actions représentatives dans le domaine de la protection des intérêts collectifs des consommateurs en avril 2018, devant obliger à terme l’ensemble des entités européennes à se doter d’un mécanisme d’action de groupe.
2. De nouveaux droits à disposition des consommateurs
La proposition de directive prévoit de nouvelles prérogatives pour les consommateurs afin de mieux protéger leurs intérêts.
À l’échelle nationale, les États membres devront ainsi se doter d’au moins une procédure d’action représentative pour les mesures d’injonction et de réparation à la disposition des consommateurs. Ainsi, des associations qualifiées pourront représenter les consommateurs victimes d’un préjudice de la part d’un professionnel et obtenir leur indemnisation sous certaines conditions.
Pour rappel, cette possibilité existe déjà en France depuis 2014, avec l’adoption de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, aussi appelée « Loi Hamon ». L’action de groupe est depuis codifiée aux articles L.623-1 et suivants du Code de la consommation et permet de saisir une association agréée pour demander réparation de son préjudice quant aux litiges en droit de la consommation et droit de la concurrence. |
À l’échelle européenne, deux consommateurs situés dans des pays différents de l’UE pourront saisir une entité qualifiée afin de les représenter et d’engager une action de groupe devant une juridiction d’un État membre de l’Union européenne.
Les règles de procédure seront donc harmonisées pour la désignation des associations qualifiées ainsi que pour les règles de procédure des actions transnationales.
Deux garde-fous ont toutefois été instaurés afin d’éviter toute dérive :
- afin d’éviter que les actions de groupe ne deviennent une activité lucrative, seule des associations à but non lucratif pourront représenter les consommateurs. Par ailleurs, leurs sources de financement devront être transparentes afin d’empêcher qu'elles n'agissent pour le compte d'un concurrent du professionnel mis en cause.
- l’équilibre entre l’accès à la justice des consommateurs et la protection des entreprises contre les recours abusifs doit également être assuré par un principe de ‘‘perdant payeur’’, garantissant que la partie perdante rembourse les frais de procédure de l’autre partie.
Enfin, Le champ de ce recours collectif comprendra des domaines aussi variés que la protection des données à caractère personnel, les services financiers, le tourisme, l’énergie, les communications électroniques, l’environnement et la santé, ainsi que les droits des passagers aériens et ferroviaires, auxquels s’ajoutent les normes préexistantes de protection des consommateurs.
Cette directive doit encore être adoptée par les institutions européennes avant d’entrer en vigueur et d’être transposée en droit interne par les États-membres de l’UE. Vous pouvez néanmoins d’ores et déjà vous renseigner davantage sur les actions de groupe en poursuivant votre lecture ici : Comment se défendre face à une action de groupe ?
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[1] Parlement européen, Document de base législatif, 2018/0089(COD) - 11/04/2018