Par Paul BENELLI et Rachel RUIMY
A la croisée d’une activité e-commerce et d’une place de marché, le dropshipping est une pratique de plus en plus répandue, qui connaît notamment un réel essor grâce aux réseaux sociaux[1]. Revenons sur les enjeux et les obligations légales associés à ce modèle.
1. Qu’est-ce que le dropshipping ?
La vente à distance [2] par le biais d’un site internet peut avoir lieu dans le cadre de l’un des trois principaux modèles suivants :
L’activité de dropshipping n’étant pas encadrée par des dispositions légales ou réglementaires dédiées, elle repose sur les obligations prévues pour tout professionnel qui réalise des ventes à distance.
Ainsi, le dropshipper sera notamment tenu au respect des trois obligations principales suivantes :
Conformément à l’article 6 de la LCEN[5], les mentions légales devront être accessibles sur le site et mentionner les informations légales relatives à l’éditeur et celles relatives à l’hébergeur. A défaut, le e-commerçant s’expose à une sanction pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende pour une personne physique et jusqu’à 375.000 euros pour une personne morale.
Préalablement à la conclusion du contrat de vente, le dropshipper doit fournir aux consommateurs certaines informations[7] et notamment les caractéristiques essentielles des biens commercialisés[8]. A défaut, il s’expose à une amende administrative de 3.000 euros pour une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale[9].
A ce titre, le dropshipper ne peut en aucun cas prévoir une clause dans ses Conditions Générales de Vente qui limiterait sa responsabilité concernant la livraison des produits.
Voir ou revoir le sujet de M6 sur le Dropshipping avec les explications de Maître Paul Benelli
Récemment, l’activité de dropshipping a souvent été présentée comme une « arnaque ». Toutefois le dropshipping ne pourra être qualifié d’illégal que s’il peut être assimilé à une pratique commerciale déloyale.
Une pratique commerciale déloyale se définit comme étant contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère ou est susceptible d’altérer le comportement d’achat du client normalement informé [11]
Cela serait le cas d’un dropshipper mettant en avant sur son site internet « ses créations » made in France, alors que ce produit est disponible sur Aliexpress par exemple.
- Le nom et l’adresse du professionnel : Le dropshipper ne fournit pas toujours ces éléments sur son site internet ;
- Les modalités de livraison et de traitement des réclamations : Le client reste généralement sans réponse du dropshipper en cas d’absence de livraison ou de marchandise endommagée ;
- L’existence du droit de rétractation et ses modalités de mise en œuvre : Le dropshipper a tendance à exclure le droit de rétractation au motif que les produits vendus seraient « soldés ». En tout état de cause, la fourniture de biens soldés ou en promotion n’est pas une exception à l’exercice du droit de rétractation par un consommateur ayant conclu un contrat de vente à distance[15].
- Les caractéristiques essentielles du produit, et notamment son origine, sa quantité, ses accessoires, ses conditions d’utilisation, ses résultats, ses propriétés etc…)
Le cas échéant, l’activité de dropshipping pourrait être considérée comme étant « illégale » et être caractérisée de pratique commerciale trompeuse, dès lors qu’elle est mise en œuvre ou qu’elle produit ses effets en France.
Etant précisé que le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique commerciale trompeuse.
Ainsi, le non-respect de la réglementation applicable par le dropshipper peut être source d’ « arnaques » mais l’activité de dropshipping ne peut être qualifiée d’illégale en tant que telle.
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[1] https://www.huffingtonpost.fr/entry/dropshipping-instagram-influenceurs-business_fr_5d4d9727e4b09e729745a4d9
[2] Pour rappel, l’article L.221-1 1° du Code de la consommation définit le contrat à distance comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat »
[3] Article L.111-7 du Code de la consommation : « Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur: 1o Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers; 2o Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ».
[4] https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/31/devenir-riche-sans-rien-faire-les-mirages-du-dropshipping-sur-internet_5495194_4408996.html
[5] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique
[6] Articles L.221-5 et L.111-1 du Code de la consommation
[7] Prix du bien, date ou délai de livraison, garanties légales, médiateur de la consommation, droit de rétractation, informations légales relatives au vendeur professionnel
[9] Article L.131-1 du Code de la consommation
[10] Sans préjudice du droit pour le dropshipper de son droit de recours contre tout tiers intervenu dans livraison (Article L.221-15 du Code de la consommation)
[11] Article L.121-1 du Code de la consommation
[12] Articles L.121-6 et L.121-7 du Code de la consommation
[13] Articles L.121-2 à L.121-4 du Code de la consommation
[14] Cf. supra : sanctionnée comme manquements à ses obligations d’information précontractuelles
[15] Les exceptions au droit de rétractation sont limitativement prévues par l’article L.221-28 du Code de la consommation
[16] Article 131-39 du Code pénal