Le dropshipping est-il légal ?

Le dropshipping est-il légal ?
⏱ Lecture 5 min

Par Paul BENELLI et Rachel RUIMY 

A la croisée d’une activité e-commerce et d’une place de marché, le dropshipping est une pratique de plus en plus répandue, qui connaît notamment un réel essor grâce aux réseaux sociaux[1]. Revenons sur les enjeux et les obligations légales associés à ce modèle.

1. Qu’est-ce que le dropshipping ? 


La vente à distance [2] par le biais d’un site internet peut avoir lieu dans le cadre de l’un des trois principaux modèles suivants :

  • La vente à distance « traditionnelle », c’est-à-dire par le biais d’un site e-commerce à partir duquel le cybermarchand commercialise directement ses produits au client final. Le vendeur peut digitaliser son activité via son site internet ou vendre uniquement à distance, grâce au réseau internet. Dans ce cas le e-commerçant dispose d’un stock et gère toute la transaction avec son client.
  • La place de marché par laquelle l’opérateur de plateforme en ligne[3] ne commercialise pas directement des produits. Cet acteur ne fait que référencer des vendeurs qui sont mis en relation via la plateforme avec les clients finaux. Dans ce cas, le vendeur gère la transaction avec le client final, et aura la charge de gérer la logistique y compris la livraison
  • Le dropshipping, modèle hybride où l’éditeur du site, s’il est légalement considéré comme étant le vendeur, conclut la vente avec le client final, mais délègue l’intégralité de la logistique à son fournisseur (l’emballage, l’expédition et la livraison des produits). Le dropshipper ne s’occupe que de la présentation et de la « distribution » des produits. Ainsi, le dropshipping facilite les ventes en ligne, en supprimant une étape dans la chaîne commerciale[4]: le e-commerçant vend le produit auprès d’un client, avant de se fournir auprès d’un site bon marché.

 

2. Quelles sont les obligations juridiques du dropshipper ? Quel est le cadre légal du dropshipping ?  

L’activité de dropshipping n’étant pas encadrée par des dispositions légales ou réglementaires dédiées, elle repose sur les obligations prévues pour tout professionnel qui réalise des ventes à distance.  

Ainsi, le dropshipper sera notamment tenu au respect des trois obligations principales suivantes :

- Mentions légales :

Conformément à l’article 6 de la LCEN[5], les mentions légales devront être accessibles sur le site et mentionner les informations légales relatives à l’éditeur et celles relatives à l’hébergeur. A défaut, le e-commerçant s’expose à une sanction pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende pour une personne physique et jusqu’à 375.000 euros pour une personne morale.

- Obligation d’information précontractuelle[6]:

Préalablement à la conclusion du contrat de vente, le dropshipper doit fournir aux consommateurs certaines informations[7] et notamment les caractéristiques essentielles des biens commercialisés[8]. A défaut, il s’expose à une amende administrative de 3.000 euros pour une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale[9].

- Exécution de la vente

En cas de commande passée sur son site internet, le dropshipper est responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de vente[10]. La livraison étant partie intégrante de la vente, le dropshipper sera responsable de tout dommage causé au client, en lien avec le transfert du bien, et notamment s’il ne reçoit pas sa commande, ou que les produits sont endommagés ; et ce même si la logistique a été gérée par le fournisseur et si la livraison a été assurée par un transporteur, tiers à la transaction.

A ce titre, le dropshipper ne peut en aucun cas prévoir une clause dans ses Conditions Générales de Vente qui limiterait sa responsabilité concernant la livraison des produits.

Voir ou revoir le sujet de M6 sur le Dropshipping avec les explications de Maître Paul Benelli

3. Pourquoi le dropshipping est-il parfois dit « illégal » ? 

Récemment, l’activité de dropshipping a souvent été présentée comme une « arnaque ».  Toutefois le dropshipping ne pourra être qualifié d’illégal que s’il peut être assimilé à une pratique commerciale déloyale.

Une pratique commerciale déloyale se définit comme étant contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qui altère ou est susceptible d’altérer le comportement d’achat du client normalement informé [11]  

 Les pratiques commerciales déloyales recouvrent :

  • Les pratiques commerciales agressives[12], caractérisées par des sollicitations répétées et insistantes ou par l’usage d’une contrainte qui est notamment de nature à altérer le choix du consommateur ;
  • Les pratiques commerciales trompeuses[13] .

Dans certains cas, et sous réserve d’une analyse au cas par cas, l’activité de dropshipping pourrait être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, notamment :

  • Si une confusion est créée avec un autre bien, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif 
  • En cas de fourniture d’informations ou d’allégations fausses ou de nature à induire en erreur telles que l’origine et les propriétés du produit :

Cela serait le cas d’un dropshipper mettant en avant sur son site internet « ses créations » made in France, alors que ce produit est disponible sur Aliexpress par exemple.

  • En cas d’omission[14] ou de dissimulation des informations essentielles et des qualités substantielles telles que :

- Le nom et l’adresse du professionnel : Le dropshipper ne fournit pas toujours ces éléments sur son site internet ; 

- Les modalités de livraison et de traitement des réclamations : Le client reste généralement sans réponse du dropshipper en cas d’absence de livraison ou de marchandise endommagée ; 

- L’existence du droit de rétractation et ses modalités de mise en œuvre : Le dropshipper a tendance à exclure le droit de rétractation au motif que les produits vendus seraient « soldés ». En tout état de cause, la fourniture de biens soldés ou en promotion n’est pas une exception à l’exercice du droit de rétractation par un consommateur ayant conclu un contrat de vente à distance[15].

- Les caractéristiques essentielles du produit, et notamment son origine, sa quantité, ses accessoires, ses conditions d’utilisation, ses résultats, ses propriétés etc…)

 

Le cas échéant, l’activité de dropshipping pourrait être considérée comme étant « illégale » et être caractérisée de pratique commerciale trompeuse, dès lors qu’elle est mise en œuvre ou qu’elle produit ses effets en France.

 

A ce titre, le dropshipper s’expose aux sanctions suivantes :

  • Une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende pour une personne physique ou de 1.500.000 euros pour une personne morale,

Etant précisé que le montant de l’amende peut être porté à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique commerciale trompeuse.

  • Les peines complémentaires[16] pourront également être prononcées (à titre d’exemple, interdiction d’exercice et/ou de de diriger une société, affichage ou diffusion de la décision prononcée etc…)

 

Ainsi, le non-respect de la réglementation applicable par le dropshipper peut être source d’ « arnaques » mais l’activité de dropshipping ne peut être qualifiée d’illégale en tant que telle.          

 

****

Le Cabinet HAAS Avocats accompagne de nombreux fournisseurs de services d’intermédiation en ligne dans le cadre de son pôle dédié aux marketplaces et autres plateformes numériques.

Vous êtes un e-commerçant et vous vous interrogez sur la mise en œuvre de vos obligations légales ? Le Cabinet HAAS Avocats est à votre disposition pour vous accompagner dans votre activité. Pour plus d’informations ou demande de rendez-vous, Contactez-nous ici

 

 

[1] https://www.huffingtonpost.fr/entry/dropshipping-instagram-influenceurs-business_fr_5d4d9727e4b09e729745a4d9

[2] Pour rappel, l’article L.221-1 1° du Code de la consommation définit le contrat à distance comme « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat »

[3] Article L.111-7 du Code de la consommation : « Est qualifiée d'opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur: 1o Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers; 2o Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service ».

[4] https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/31/devenir-riche-sans-rien-faire-les-mirages-du-dropshipping-sur-internet_5495194_4408996.html

[5] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique

[6] Articles L.221-5 et L.111-1 du Code de la consommation

[7] Prix du bien, date ou délai de livraison, garanties légales, médiateur de la consommation, droit de rétractation, informations légales relatives au vendeur professionnel

[9] Article L.131-1 du Code de la consommation

[10] Sans préjudice du droit pour le dropshipper de son droit de recours contre tout tiers intervenu dans livraison (Article L.221-15 du Code de la consommation)

[11] Article L.121-1 du Code de la consommation

[12] Articles L.121-6 et L.121-7 du Code de la consommation

[13] Articles L.121-2 à L.121-4 du Code de la consommation

[14] Cf. supra : sanctionnée comme manquements à ses obligations d’information précontractuelles

[15] Les exceptions au droit de rétractation sont limitativement prévues par l’article L.221-28 du Code de la consommation

[16] Article 131-39 du Code pénal

Paul Benelli

Auteur Paul Benelli

Suivez-nous sur Linkedin