L'actualité juridique numérique de la semaine – 10 juin 2025

L'actualité juridique numérique de la semaine – 10 juin 2025
⏱ Lecture 8 min

L’essentiel du droit du numérique de la semaine, repéré pour vous par Gérard Haas et son équipe. Voici leur sélection :

  1. Un coup de pression inefficace : à quoi jouent YouPorn et Pornhub, qui ont bloqué leurs sites en France
  2. IA : les maisons de disques en négociation avec les deux start‑up qui secouent l’industrie
  3. Apple conteste les exigences « déraisonnables » de la Commission européenne devant la justice
  4. Royaume‑Uni : Amazon s’engage à sanctionner les faux avis
  5. Une fuite de données massive expose 184 millions de mots de passe pour Google, Microsoft, Facebook et d'autres services
  6. Stablecoin : Circle lève 1 milliard de dollars pour son entrée en Bourse
  7. Violation du droit de la concurrence : l'Allemagne reproche à Amazon d'entraver la liberté de fixation des prix
  8. Les commerçants français demandent le déréférencement de Shein, Temu et AliExpress

 

Actualité 1 – Un coup de pression inefficace : à quoi jouent YouPorn et Pornhub, qui ont bloqué leurs sites en France

Le Parisien met en lumière la volte-face des plateformes YouPorn, Pornhub (éditées par Aylo) face aux nouvelles obligations françaises de vérification de l’âge des internautes, en filtrant l’accès aux utilisateurs en France pour protester contre ce qu’elles jugent être une atteinte à la vie privée.

Contexte

Depuis juillet 2020, la loi française impose une vérification robuste de l’âge pour les sites pornographiques, interdisant les simples déclarations d’honorabilité. À compter du 6 juin 2025, l’Arcom pourra contraindre les plateformes non conformes à bloquer leurs sites sans décision judiciaire. 

Résumé des faits

L’éditeur Aylo (Pornhub, RedTube, YouPorn) a bloqué l’accès à ses sites en France dès le 4 juin 2025, en remplacement de leur page d’accueil par un message dénonçant la France pour atteinte à la vie privée via des mécanismes de contrôle d’âge jugés intrusifs et peu fiables. Ces sites figurent parmi les cinq plus consultés en France et mobilisent un trafic massif fondé sur l’accès libre et gratuit monétisé par la publicité. 

Impact juridique

  • L’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) est désormais habilitée à adresser des mises en demeure et à ordonner des blocages sans passer par la justice — ce qui explique le choix du blocage dès le 4 juin pour anticiper les sanctions prévues le 6 juin.
  • Cette confrontation illustre la tension entre la protection des mineurs (objectif légal) et le respect de la vie privée (argument des opérateurs techniques).
  • Une jurisprudence nationale renforce cette dynamique : la Cour de cassation a, le 5 janvier 2023, validé que la vérification d’âge est « nécessaire, adaptée et proportionnée » pour protéger les mineurs — renforçant la légitimité des exigences gouvernementales.
  • Au niveau européen, un système de «  vérification d’âge » uniforme (via une application sécurisée) devrait être disponible dès juillet 2025, ce qui vient consolider le cadre légal et technique déjà en place en France.

Lien vers l’article sur Le Parisien.

 

Actualité 2 – IA : les maisons de disques en négociation avec les deux start‑up qui secouent l’industrie

Le média Les Échos met en lumière l’évolution des relations entre labels historiques et jeunes pousses de l’IA, passant d’attaques juridiques à des négociations pour encadrer légalement l’usage des catalogues musicaux.

Contexte

Les labels de musique (Sony, Warner, Universal) avaient initialement intenté des poursuites contre Suno et Udio, accusées d’avoir entraîné leurs IA sur des morceaux protégés sans autorisation. Jeunes pousses de l’IA générative musicale, Suno et Udio utilisent des requêtes textuelles pour produire des titres synthétiques, ce qui a déclenché une vive inquiétude dans l’industrie phonographique. 

Résumé des faits

Après avoir longtemps bataillé en justice, les trois majors (Sony, Warner Music Group, Universal Music Group) changent de tactique : elles entrent désormais en négociation avec Suno et Udio pour établir des accords. Les discussions visent à créer des licences autorisant l’accès des IA aux bases musicales, en échange d’une rémunération financière pour les ayants droit. 

Impact juridique

  • Le virage stratégique, de l’assignation à l’ouverture de négociations, marque une transition vers un modèle contributif : intégrer les IA dans un cadre juridique clair, avec licences, traçabilité et rémunération.
  • Cette démarche préfigure la construction d’un précédent dans le droit d’auteur appliqué à l’IA générative. Elle pourrait influencer la régulation européenne, notamment via les débats autour de la directive DSA et les propositions visant à rémunérer automatiquement les ayants droit.

 Lien vers l’article sur Les Echos. (Abonnement requis)

 

Actualité 3 – Apple conteste les exigences « déraisonnables » de la Commission européenne devant la justice

Le média Euractiv rapporte qu’Apple engage une bataille juridique en contestant les obligations d’interopérabilité imposées par l’Union européenne au titre du Digital Markets Act (DMA), accusations qu’elle juge excessives et nuisibles à l’innovation.

Contexte

Le DMA, en vigueur depuis mars 2024, oblige les grandes plateformes qualifiées de « gatekeepers » (comme Apple) à assurer une interopérabilité avec des services concurrents – smartphones, écouteurs, casques VR, etc. La Commission européenne a formalisé ces exigences pour répondre aux préoccupations concernant l’ouverture concurrentielle et l’accès aux données des utilisateurs.

Résumé des faits

Apple a saisi le Tribunal de l’UE pour contester le caractère « déraisonnable, coûteux et étouffant pour l’innovation » des exigences d’interopérabilité imposées. Le litige juridique pourrait durer plusieurs années, mais Apple doit respecter les dispositions du DMA en attendant la décision finale.

Impact juridique

  • Cette procédure judiciaire marque un affrontement direct entre la Commission et un géant technologique, mettant en jeu l’application concrète du DMA en Europe.
  • Le tribunal devra évaluer si les exigences d’interopérabilité sont proportionnées et conformes aux droits fondamentaux tels que la confidentialité et la sécurité.
  • Le résultat pourrait établir un précédent pour d’autres obligations DMA, influencer les protections de données et définir les limites d’intervention des régulateurs sur les architectures techniques propriétaires.
  • En cas de victoire d’Apple, la Commission pourrait devoir modifier ses exigences et adapter ses futures régulations, tandis qu’un rejet affirmerait la robustesse de son cadre légal.

Lien vers l’article sur Euractiv.

 

Actualité 4 – Royaume‑Uni : Amazon s’engage à sanctionner les faux avis

Le média BFMTV rapporte que la plateforme Amazon s’aligne sur les exigences de l’autorité britannique de la concurrence (CMA), en promettant de renforcer ses dispositifs pour identifier, supprimer et sanctionner les faux avis.

Contexte

Depuis 2020, la CMA enquête sur Amazon pour non-respect présumé des droits des consommateurs, notamment son inaction face aux faux avis sur sa plateforme. Le phénomène des faux avis touche massivement les consommateurs : environ 90 % d’entre eux se réfèrent aux avis en ligne avant d’acheter et ceux-ci influencent près de 23 milliards £ par an au Royaume-Uni.

Résumé des faits

  • Amazon s’est engagé auprès de la CMA à mettre en place des “processus robustes” pour détecter et supprimer rapidement les faux avis, et à sanctionner les entreprises en cause, y compris en les excluant de la plateforme.
  • En 2024, l’entreprise affirme avoir bloqué proactivement plus de 275 millions de faux avis dans le monde, et que plus de 99 % de ses produits au Royaume‑Uni comportent uniquement des retours authentiques
  • Le groupe va aussi simplifier les signalements de faux avis pour les utilisateurs et entreprises, mobiliser humains et IA pour la détection, et suspendre les comptes fraudeurs.

 

Impact juridique

  • Les engagements d’Amazon répondent aux exigences du droit de la consommation au Royaume‑Uni, qui interdit les pratiques trompeuses, notamment la diffusion de faux avis ;
  • La coordination avec des acteurs comme Google, également sous pression pour la même question, signale une phase marquée par une responsabilisation croissante des plateformes en ligne vis‑à‑vis des contenus utilisateurs .
  • Ce cas pourrait servir de précédent en Europe et inspirer des mesures similaires, renforçant la fiabilité des avis en ligne comme condition clé de la protection des consommateurs.

 Lien vers l’article sur BFM.

 

Actualité 5 – Une fuite de données massive expose 184 millions de mots de passe pour Google, Microsoft, Facebook et d'autres services

Le média ZDNet signale une profonde faille de sécurité : une base de 47 Go contenant plus de 184 millions de mots de passe en clair a été rendue accessible publiquement.

Contexte

Les cybercriminels utilisent massivement des malwares de type “infostealer” pour collecter des identifiants, mot de passe et sessions depuis les navigateurs, emails ou applis – un phénomène en forte progression avec l’essor du "Malware-as-a-Service".

Résumé des faits

En mai 2025, le chercheur Jeremiah Fowler découvre une base de données de 47,42 Go non protégée, contenant 184 162 718 identifiants associés à des mots de passe en clair. Les données incluent des comptes Google, Microsoft, Facebook, Instagram, Netflix, PayPal, ainsi que des portails gouvernementaux de 29 pays.

Impact juridique

  • Cette fuite met en lumière la violation des obligations liées au RGPD, notamment l’obligation de sécurisation des données personnelles “par défaut et dès la conception” (articles 5 et 32) – pouvant entraîner des sanction financières sévères.
  • La présence dans la fuite d’identifiants liés à des services gouvernementaux suggère un risque pour la sécurité nationale, ce qui peut déclencher des enquêtes des autorités nationales de protection des données et de cyberdéfense.
  • Les entreprises affectées (Google, Microsoft, Facebook, etc.) pourraient être tenues responsables si les fuites résultent d’un défaut de sécurité de leurs systèmes, même si le vol est indirect : elles doivent informer les utilisateurs concernés en vertu de l’article 33 du RGPD.
  • Cet incident renforce la pression réglementaire pour imposer des mesures techniques plus robustes (chiffrement, authentification forte) et encourager les signalements proactifs par les hébergeurs d’infrastructures cloud ou partagées.

Lien vers l’article sur ZD Net.

 

Actualité 6 – Stablecoin : Circle lève 1 milliard de dollars pour son entrée en Bourse

Le média Les Échos annonce l'opération de financement de Circle, via une introduction en Bourse, comme un jalon stratégique pour l'industrie des stablecoins, renforçant leur crédibilité sur les marchés financiers .

Contexte

  • Circle, émetteur de l’USDC, est le deuxième émetteur mondial de stablecoins en dollar (après Tether) .
  • Les stablecoins gagnent en adoption dans la finance traditionnelle, attirant l’attention des investisseurs institutionnels et des régulateurs .

Résumé des faits

  • Circle a fixé le prix de ses actions à 31 $ lors de son IPO, au-dessus de la fourchette initiale de 24‑26 $, grâce à une forte demande .
  • L'entreprise a vendu environ 34 millions d’actions, levant au total environ 1,05 milliard de dollars (chiffre arrondi à 1 milliard dans Les Échos), avec une valorisation d’environ 6,9 milliards de dollars .
  • Les actions seront négociées à la Bourse de New York sous le symbole CRCL .
  • L’USDC est largement utilisé dans l’écosystème crypto — DeFi, paiements transfrontaliers, plateformes comme PayPal, Visa ou Mastercard — et représente l’un des stablecoins les plus réglementés (agrément MiCA aux États‑Unis).

Impact juridique

  • L’entrée en Bourse oblige Circle à respecter des standards accrus de transparence financière et de conformité (reporting, audits, contrôles), ce qui rassure les régulateurs et investisseurs .
  • L’opération intervient alors que les stablecoins sont de plus en plus encadrés par des régulations, notamment le règlement MiCA en Europe et des projets de loi américains (ex. Clarity for Payment Stablecoins Act), visant à renforcer la sécurité, la solvabilité et la stabilité des émetteurs .
  • En se conformant dès l’IPO, Circle anticipe les obligations futures liées aux réserves adossées, au reporting réglementaire et à la protection des consommateurs, posant un précédent pour d’autres émetteurs de stablecoins .

Lien vers l’article sur Les Echos. (Abonnement requis)

 

Actualité 7 – Violation du droit de la concurrence : l'Allemagne reproche à Amazon d'entraver la liberté de fixation des prix

Le média BFMTV met en lumière l’accusation portée par l’Office fédéral des cartels allemand (BKA) contre Amazon, qu’il suspecte de manipuler la tarification des vendeurs tiers via des algorithmes opaques, compromettant la concurrence sur sa plateforme.

Contexte

Amazon domine le marché de l’e‑commerce en Allemagne, représentant environ 60 % du chiffre d’affaires des ventes en ligne de biens, plaçant la plateforme en situation de position dominante. Les pratiques tarifaires sont particulièrement sensibles en contexte de concurrence, où les vendeurs tiers doivent avoir la liberté de fixer leurs propres prix.

Résumé des faits

Le BKA reproche à Amazon d’utiliser des algorithmes pour imposer des plafonds tarifaires « dynamiques » aux vendeurs tiers, restreignant leur liberté de fixation des prix. Ces plafonds opaques entraînent des conséquences concrètes : déréférencement, relégation dans les résultats de recherche ou exclusion de la « Buy Box » si les prix dépassent certains seuils. Le BKA a ouvert une procédure, donnant à Amazon un délai non précisé pour répondre ; il pourrait ensuite demander la suspension ou la modification de ces pratiques.

Impact juridique

  • Selon le droit de la concurrence allemand, toute interférence de la plateforme dominante dans la fixation des prix des vendeurs tiers constitue une restriction de la concurrence abusive. L’Office fédéral des cartels peut donc engager des procédures et infliger des sanctions.
  • Si Amazon ne se conforme pas aux demandes du BKA, l’autorité pourrait imposer une suspension de ces mécanismes algorithmiques et émettre des amendes.
  • Le résultat de l’enquête et des éventuelles sanctions pourrait fixer un précédent influent, tant pour la régulation de la concurrence numérique que pour le contrôle des pratiques tarifaires automatisées par des géants du web.

Lien vers l’article sur la source.

 

Actualité 8 – Les commerçants français demandent le déréférencement de Shein, Temu et AliExpress

Le média France Info rapporte que les principales fédérations du commerce, soutenues par 230 enseignes, ont adressé une lettre ouverte au gouvernement pour exiger le déréférencement immédiat de ces plateformes.

Contexte

À l’heure de l’examen d’une proposition de loi "anti‑fast fashion" au Sénat (déjà adoptée à l’Assemblée en mars 2024), les commerçants cherchent des mesures fortes contre les plateformes asiatiques. Ils s’alarment de la montée fulgurante de l’ultra‑fast fashion, accusée de promouvoir la surconsommation, polluer, et pratiquer une concurrence déloyale.

Résumé des faits

Une lettre ouverte du Conseil du Commerce de France (CdCF) et de la Confédération des Commerces de France (CCF), signée par 14 autres fédérations et près de 230 enseignes, demande à la DGCCRF le déréférencement de Shein, Temu et AliExpress.

Impact juridique

  • Le Code de la consommation permet à la DGCCRF de bloquer ou d’ordonner le déréférencement d’un site en cas de manquements graves et persistants.
  • Les fédérations citent un précédent : en 2021, la plateforme Wish avait été déréférencée via les mêmes dispositions.

Lien vers l’article sur France Info.

 

À très vite pour une nouvelle dose d’actu juridique numérique !

***

Si vous souhaitez bénéficier d’un accompagnement personnalisé : le cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans en droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs du numérique dans le cadre de leurs problématiques judiciaires et extrajudiciaires relatives au droit de la protection des données. Dans un monde incertain, choisissez de vous faire accompagner par un cabinet d’avocats fiables. Pour nous contacter, cliquez ici.

Haas Avocats

Auteur Haas Avocats

Suivez-nous sur Linkedin