Par Paul Benelli et Virgile Servant Volquin
Fin 2020, la CJUE jugeait la réglementation française en matière d’encadrement des locations courte-durée conforme au droit européen. Nous vous détaillions les circonstances dans lesquelles a été rendu l’arrêt ici.
Cette décision était très attendue car en dépendait l’issue de plusieurs centaines de litiges entre des bailleurs et la ville de Paris, au niveau national. En outre, la ville a également assigné Airbnb en justice début 2019 et a requis 12.5 millions d’euros d’amende, soit 12.500 euros par annonce illégale.
Le jugement a été rendu le 1er juillet 2021. L’amende a été réduite à 8.000 euros par annonce illégale, mais le juge a, par sa décision, souscrit à l’argumentation selon laquelle Airbnb a failli à ses obligations.
A l’heure où de nombreux français s’apprêtent à mettre leur appartement en location sous forme de « meublé de tourisme », nous faisons le point sur cette actualité :
Résumé de l’arrêt
L’affaire en question opposait la ville de Paris à la direction Europe du géant américain de la location de courte durée, Airbnb Ireland.
D’un côté, la mairie de Paris reprochait à la plateforme de permettre la publication d’annonces illégales, car dépourvues d’un numéro d’enregistrement obligatoire depuis 2017.
De l’autre côté, Airbnb se prévalait de son statut d’opérateur de plateforme pour renier sa responsabilité liée aux manquements de ses utilisateurs loueurs sur l’application.
En principe, les opérateurs de plateformes ne sont pas responsables des manquements de leurs utilisateurs aux obligations légales.
Du point de vue de la transaction qu’ils permettent, les opérateurs de plateformes sont en principe des courtiers, qui mettent en relation des personnes désireuses de conclure une convention.
Du point de vue du contenu présent sur la plateforme, ils sont supposés être simplement hébergeurs.
En conséquence, les opérateurs sont en principe tenus :
- De mettre à disposition aux vendeurs l’espace nécessaire pour faire apparaître les mentions légales (D.111-9 Code de la consommation).
- De retirer les annonces illégales de manière réactive après signalement par une tierce partie. C’est à cette obligation qu’avait manqué Alibaba au début de l’année dernière, du fait de la présence de contrefaçons sur la plateforme.
Le statut d’hébergeur ou d’éditeur de contenus a de grandes conséquences sur le régime de responsabilité auquel est soumis la plateforme. Il vous appartient donc de déterminer le statut applicable à votre plateforme en vue de prévenir des manquements.
Cependant, il existe des dispositions spécifiques aux meublés de tourisme
Selon l’article L324-2-1 du code de tourisme :
- « Toute personne qui prête son concours contre rémunération par la mise à disposition d'une plateforme numérique, à la mise en location d'un meublé de tourisme informe le loueur des obligations de déclaration ou d'autorisation préalable».
Le non-respect de cette obligation a permis au Tribunal Judiciaire de sanctionner Airbnb sur la base de l’absence des mentions légales obligatoires sur plus de 1.000 annonces, à hauteur de 8.000 euros par manquement (limite de 12.500 euros par annonce illégale)
Un progrès pour la mise en œuvre de la législation « Anti-Airbnb »
Cette décision constitue une véritable avancée dans le sens de l’effectivité de la réglementation « Anti-Airbnb ». Il s’agit d’un panel de textes et de dispositions légales qui définissent le régime applicable aux locations touristiques de courte durée. Or, il était en pratique peu appliqué, et les sanctions étaient quasiment inexistantes. Pour rappel, les règles sont les suivantes depuis 2017 :
Le principe
Toute personne peut louer librement sa résidence principale, dans une limite de 120 jours par an (soit 4 mois), sans démarches.
Deux exceptions
- Le nombre d’habitants : pour les communes où la population dépasse 200.000 habitants, il faut obtenir un numéro d’enregistrement auprès de la mairie[1] après une déclaration.
- Le critère de la résidence secondaire : pour mettre en location un bien occupé moins de 4 mois par an sur une commune de plus de 200.000 habitants, il appartient au loueur de faire une demande d’autorisation préalable de changement d’usage du bien auprès de la mairie en plus de la déclaration d’enregistrement, la location de courte durée n’étant pas considérée comme de la location d’habitation mais comme une location de tourisme.
- A Paris et dans quelques grandes villes seulement, cette obligation est assortie d’un mécanisme de compensation: pour voir sa demande d’autorisation de changement d’usage être acceptée, le propriétaire doit acheter un bien à usage commercial dans le même arrondissement et le transformer en espace habitable, pour conserver le nombre de logements habitables.
- La demande d’autorisation préalable est normalement réservée aux communes de plus de 200.000 habitants et aux communes de la petite couronne parisienne[2] mais les mairies des plus petites villes (> 50.000 habitants) peuvent également imposer un tel régime d’autorisation si les circonstances le nécessitent.[3]
Les obligations qui vous incombent pour vous mettre en conformité
Le non-respect de ces dispositions vous expose à des amendes allant jusqu’à 10.000 euros en tant que loueur et 50.000 euros en tant que plateforme.
Dès lors, il vous appartient de respecter une obligation de coopération :
La plateforme doit veiller :
- A ce que le local ne soit pas loué plus de 120 jours par an, lorsqu’il s’agit d’une résidence principale, en procédant au décompte des jours pour chaque utilisateur.
- Transmettre les informations relatives au nombre de jours de location d’un local à la demande de la mairie.
- S’assurer qu’il est impossible de publier une annonce sans numéro d’enregistrement.
Le loueur doit :
- Communiquer la preuve du nombre de jours de location de son local à la demande de la mairie sous un délai d’un mois.
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[1] Article L324-1-1 du code du tourisme
[2] Article L631-7 du code de la construction et de l’habitation
[3] Article L631-9 code de la construction et de l’habitation