La CJUE rappelle la règlementation stricte en matière de marques géographiques

La CJUE rappelle la règlementation stricte en matière de marques géographiques
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Par Gérard Haas et Claire Benassar

Par une décision du 23 février 2022[1], le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) a confirmé une décision de l’EUIPO de refuser la demande l’enregistrement de la marque semi-figurative « ANDORRA », en raison de son caractère descriptif.

L’occasion de rappeler l’interprétation stricte de la règlementation applicable en la matière.

Le caractère descriptif d’une marque comme motif absolu de refus de son enregistrement

Conformément à l’article 7.1 c) du règlement sur la marque de l’Union européenne[2], sont refusées à l’enregistrement les marques « composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

En effet, ces signes sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits ou services visés par la demande[3].

Aussi, cette interdiction de principe poursuit un but d’intérêt général, lequel exige effectivement que de tels signes puissent être librement utilisés par tous.

L’appréciation du caractère descriptif de la marque

Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 7.1 c) susmentionné, il faut qu’il présente avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir, immédiatement et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques.

En effet, le règlement ne s’oppose pas à l’enregistrement de noms géographiques inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique. Il ne s’oppose pas non plus à l’enregistrement de noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits ou de services concernée provienne de ce lieu.

Concrètement, afin d’apprécier le caractère descriptif de la marque demandée au sens de l’article 7.1 c) du règlement, il convient de déterminer :

  • Si le terme géographique constituant la marque demandée est compris comme tel et connu par le public pertinent ;
  • Si ce terme géographique présente, actuellement, aux yeux du public pertinent, un lien avec les produits et les services revendiqués ou si un tel lien pourrait raisonnablement être établi dans l’avenir.

Le refus d’enregistrement de la marque ANDORRA

Le 5 juin 2017, le gouvernement de la Principauté d’Andorre avait déposé la demande de marque de l’Union européenne « ANDORRA » en classes 16, 34, 36, 41 et 44.

Si l’EUIPO[4] a dans un premier temps rejeté la demande de marque[5] – considérant que le terme « andorra » ne faisait que décrire l’origine géographique des produits et services visés – cette position a ensuite été réitérée par la deuxième chambre de recours de l’office[6].

En effet, celle-ci a considéré que bien que le signe comportât certains éléments figuratifs consistant en une légère stylisation du mot « andorra », celle-ci était insignifiante et ne permettait pas de surmonter son caractère descriptif. En conséquence, le public pertinent percevrait le signe comme désignant l’origine géographique des produits et services en question, ou comme le lieu où ces services seraient fournis.

Saisie par le gouvernement de la Principauté, la CJUE a dernièrement rejeté l’intégralité du recours, considérant de façon analogue à l’EUIPO que les produits et services visés par la demande (photographies, tabac, organisation de voyages, soins de beauté…) comportaient un lien suffisamment direct et concret avec la demande de marque « ANDORRA ».

En effet, la Cour a par exemple retenu que les « photographies » de la classe 16 pouvaient « inclure également des photographies de l’Andorre », ou encore que la demande de marque constituait une référence directe au « tabac » de la classe 34 en raison de la commercialisation dans des « conditions avantageuses » de ce produit en Andorre.

Il n’est pas sans rappeler qu’une marque exclusivement constituée d’un nom géographique conférerait de facto un monopole d’exploitation à son titulaire, et ce au détriment d’autres personnes, y compris celles se situant sur le même lieu géographique. En ce sens, la position de la Cour est donc sans surprise, et s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence antérieure.

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Le Cabinet HAAS Avocats est spécialisé depuis plus de vingt-cinq ans dans le droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle. Il accompagne de nombreux acteurs dans le cadre de la gestion de leurs portefeuilles de marques. Pour en savoir plus, contactez-nous ici.

[1] TUE, 23 février 2022, T-806/19

[2] Règlement (UE) n°2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, remplaçant le règlement (CE) n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire

[3] CJCE, 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C-191/01

[4] L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

[5] EUIPO, 23 février 2018

[6] EUIPO, 26 août 2019

Gérard HAAS

Auteur Gérard HAAS

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