Par Gérard Haas et Eve Renaud-Chouraqui
Le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord politique provisoire sur le projet de règlement « Digital Market Act » (DMA), présenté en décembre 2020 par la Commission européenne.
Cet accord constitue une nouvelle étape dans l’adoption et l’entrée en vigueur (a priori en 2023) de ce texte, présenté comme la nouvelle arme européenne dans la régulation des grandes plateformes en ligne.
Le rapporteur de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, Andreas Schwarb, a déclaré :
« Cet accord inaugure une nouvelle ère en matière de règlementation des technologies dans le monde. La législation sur les marchés numériques met fin à la dominance toujours plus grande des grandes entreprises technologiques. Désormais, elles devront démontrer qu’elles permettent l’expression de la libre concurrence sur le net. Les nouvelles règles aideront à renforcer ce principe de base. L’Europe garantit ainsi plus de concurrence, d’innovation et de choix pour les utilisateurs.
Avec cette loi, l’Europe fixe les normes relatives au fonctionnement futur de l’économie numérique. Il appartient désormais à la Commission européenne de mettre en œuvre rapidement ces nouvelles règles.
Le Parlement européen a permis de garantir que la législation produise immédiatement des résultats tangibles : les consommateurs auront le choix d’utiliser les principaux services des grandes entreprises technologiques tels que les moteurs de recherche ou les messageries, et ce, sans perdre le contrôle sur les données personnelles.
En outre, la législation évite toute forme de réglementation excessive pour les petites entreprises. Les développeurs d’applications bénéficieront de nouvelles opportunités, les PME auront un meilleur accès aux données pertinentes pour les entreprises et le marché de la publicité en ligne deviendra plus équitable ».
C’est l’occasion de faire un état des lieux du contenu de ce règlement, qui impactera significativement le fonctionnement des marchés à l’avenir.
La qualification de « gatekeeper » nécessitera la réunion des conditions suivantes :
Ainsi, la plateforme doit, dans les 3 dernières années :
De plus, la plateforme doit contrôler un ou plusieurs services dans au moins 3 Etats membres. Ces services sont ceux des places de marché et des boutiques d’application, des moteurs de recherche, des réseaux sociaux, des services cloud, des services de publicités, assistants vocaux ou navigateurs web.
La Commission européenne sera la seule instance chargée de l’application du règlement, avec l’assistance d’un comité consultatif et d’un groupe de haut niveau.
Les autorités de concurrence nationales auront un rôle à jouer en conservant la possibilité d’ouvrir des enquêtes sur des suspicions d’infraction et de transmettre ses conclusions à la Commission européenne.
Certaines pratiques seront désormais expressément interdites :
Ces obligations sont le résultat de comportements mis en œuvre par de très grosses plateformes, sous le coup d’enquêtes d’autorités de concurrence nationales ou de la Commission européenne.
L’irrespect des interdictions posées expose les plateformes à une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial total.
En cas de récidive, l’amende peut monter jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires mondial.
Enfin, le non-respect systématique des obligations posées par le DMA (entendu comme le non-respect des règles au moins 3 fois en 8 ans) peut aboutir à une enquête de marché et à l’imposition de mesures correctives comportementales ou structurelles.
Si le règlement vise prioritairement les GAFAM, il est susceptible d’impacter également d’autres grosses plateformes comme Booking ou TikTok.
Un équilibre semble avoir été trouvé pour ne pas pénaliser les licornes ou entreprises de la tech et les libérer de leur emprise des GAFAM afin de démultiplier leurs capacités concurrentielles et innovantes.
***
Le Cabinet HAAS Avocats, fort de son expertise depuis plus de vingt-cinq ans en matière de nouvelles technologies, accompagne ses clients dans différents domaines du droit.
Il dispose d’un cabinet entièrement dédié à la concurrence numérique ayant vocation à accompagner ses clients dans la sécurisation de leurs activités au regard de règles juridiques en mutation et en cours de construction.
N’hésitez pas à faire appel à nos experts pour vous conseiller. Pour en savoir plus, contactez-nous ici.
[1] Cette interdiction n’est pas sans rappeler la levée de bouclier contre Facebook qui voulait croiser les données des utilisateurs de ses réseaux sociaux avec ceux des utilisateurs de sa messagerie sécurisée
[2] Cette interdiction est le miroir de certaines pratiques récurrentes constatées qui ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes par diverses autorités de concurrence
[3] Au cœur de cette obligation, se cristallise un long débat autour du « verrouillage » d’accès par Apple concernant un de ses éléments technologiques clé : la puce NFC, permettant de payer en magasin en utilisant son smartphone comme carte de paiement.
Cette puce, réservée à la solution de paiement d’Apple (Apple Pay), n’était pas accessible aux autres applications de paiement.