Plainte contre WhatsApp concernant sa politique de partage des données

Plainte contre WhatsApp concernant sa politique de partage des données
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Par Gérard Haas et Eve Renaud-Chouraqui

Le Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC) a déposé le 12 juillet 2021 une plainte auprès de la Commission européenne au sujet de la nouvelle politique de confidentialité de WhatsApp.

La Directrice générale du BEUC a déclaré :

« WhatsApp bombarde les utilisateurs depuis des mois de messages contextuels agressifs et persistants pour les forcer à accepter ses nouvelles conditions d'utilisation et sa politique de confidentialité. Ils ont dit aux utilisateurs que leur accès à leur application sera coupé s'ils n'acceptent pas les nouvelles conditions. Pourtant, les consommateurs ne savent pas ce qu'ils acceptent réellement. WhatsApp a été délibérément vague à ce sujet et les consommateurs seraient exposés à un traitement de données de grande envergure sans consentement valide. C'est pourquoi nous appelons les autorités à prendre des mesures rapides contre WhatsApp pour s'assurer qu'il respecte les droits des consommateurs »

La mise de à jour de la politique de confidentialité de whatsApp 

Cette plainte suit une importante vague de protestation intervenue dès l’annonce par Whatsapp de la mise à jour de sa politique de confidentialité, repoussée une première fois suite à la levée de boucliers des utilisateurs et des associations de consommateurs.

Selon Whatsapp, la mise à jour aurait pour seule et unique fin de faciliter la communication entre les entreprises et les consommateurs.

Les consommateurs et associations de protection des consommateurs y perçoivent, quant à eux, une communication ayant pour seule finalité la communication de leurs informations personnelles à d’autres réseaux sociaux du groupe, et notamment Facebook.           

Quels sont les enjeux ?

Selon le BEUC, Whatsapp dispose de 2 millions d’utilisateurs actifs et gère l’envoi de 100 milliards de messages par jour.

Au niveau européen, les chiffres attestent également de l’influence de Whatsapp sur nos échanges quotidiens :

  • 48 millions d’utilisateurs en Allemagne ;
  • 35 millions d’utilisateurs en Italie ;
  • 33 millions d’utilisateurs en Espagne ;
  • 30 millions d’utilisateurs au Royaume-Uni ;
  • 21 millions d’utilisateurs en France;
  • 12,4 millions en Hollande et 4,8 millions en Roumanie.

Rappelons enfin que Whatsapp a été racheté par Facebook en 2014 pour la modique somme d’environ 22 milliards de dollars.

Qu’est-ce qui est reproché à Whatsapp ?

Le BEUC lui reproche :

  • Des notifications persistantes, récurrentes et intrusives afin d’obtenir l’acceptation par les utilisateurs de la mise à jour de la politique de confidentialité.

Ces notifications exerceraient une pression indue et porteraient atteinte à leur liberté de choix.

Le BEUC précise qu’un utilisateur aurait reçu pas moins de 28 notifications (3 en mai, 19 en juin et 7 en juillet, étant précisé que celles-ci allaient du 1er juillet au 8 juillet 2021..).

Ces notifications persistantes et agressives contreviendraient à la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs et à ses articles :

  • 8, selon lequel « une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et par conséquence, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement »;
  • 9, selon lequel : « afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération : (a) le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ; (b) le recours à la menace physique ou verbale ; (c) l’exploitation en connaissance de cause par le professionnel de tout malheur ou circonstance d’une particulière gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer sa décision, à l’égard du produit ; (d) tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; (e) toute menace d’action alors que cette action n’est pas légalement possible ».
Sont notamment considérées comme des pratiques commerciales réputées trompeuses le fait de :
  • « se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance (..) ;
  • « donner l’impression qu’il ne pourra pas quitter les lieux avant qu’un contrat n’ait été conclu ».
  • L’opacité des nouvelles conditions, notamment concernant la nature des changements et l’incidence de ceux-ci sur leur vie privée.

Selon le BEUC, cette ambiguïté constituerait une violation du droit de la consommation de l’UE, lequel oblige les entreprises à utiliser des clauses contractuelles et des communications commerciales claires et transparentes. Les dispositions méconnues seraient les suivantes :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut (..) ».

« Une pratique commerciale est déloyale si (a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et (b) si elle altère ou est susceptible d’altérer le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs » (art.5.2).

« Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses, et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement : (…) (b) les caractéristiques principales du produit (…), (c) l’étendue des engagements du professionnel, la motivation de la pratique commerciale (…) » (art.6).

L’attitude dénoncée serait, selon le BEUC, d’autant plus grave qu’elle vise à contraindre les utilisateurs à accepter une politique de confidentialité, actuellement examinée par les autorités européennes de protection des données au regard du RGPD.

Pour cette raison, le BEUC exhorte également le réseau européen en charge de la protection de consommateurs et celui des autorités en charge de la protection des données à travailler en étroite collaboration.

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Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département dédié à l’analyse des pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence mises en œuvre dans le domaine du digital (analyse d’impact, actions de remédiation, gestion des risques, assistance devant l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF et représentation devant les juridictions judiciaires).

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Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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