Par Laurent GOUTORBE
Dans son ordonnance de référé rendue le 8 janvier 2020, le président du tribunal judiciaire de Paris estime que le Titulaire d’une marque qui souhaite obtenir le blocage de sites internet contrefaisants peut librement fonder son action sur l’un ou l’autre de ces textes qui ne sont ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.
1. Le cas d’espèce
Une société victime de contrefaçon de marque en ligne demande au juge des référés du tribunal judiciaire de Paris d’ordonner à des fournisseurs d’accès internet (FAI) de bloquer (rendre inaccessibles) plusieurs sites contrefaisants à leurs abonnés en se fondant sur l’article 6.I.8 de la loi pour la confiance en une économie numérique (LCEN) (référé « LCEN »).
Ce texte donne en effet la possibilité de demander en référé d’ordonner aux FAI de prendre toute mesure de nature à prévenir ou faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public.
Un des FAI conteste la recevabilité et le bienfondé de l’action en estimant que l’action aurait nécessairement due se fonder sur le référé interdiction spécifique prévu par l’article L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de marque (référé « interdiction »).
En effet, ce FAI invoque le principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale et en s’appuyant notamment sur un arrêt de la CJUE (affaire C-324/09, L’Oreal c. Ebay) qui avait jugé que les mesures de blocage prononcées par le juge saisi au fond ne peuvent l’être que sur le fondement de la directive 2004/48/CE, c’est-à-dire de la loi « spéciale ».
2. La décision
Le Président réfute l’argumentation développée par le FAI en se référant à la genèse des textes issues de deux directives européennes (directive 2000/31/CE pour le référé « LCEN » et directive 2004/48/CE pour le référé « interdiction »). En effet, il ressort des considérants 15 et 23 de la directive 2004/48/CE, il appert que les titulaires de marques peuvent, sans préjudice de toute autre procédure existante, recourir au référé « interdiction » pour obtenir toute mesure permettant de prévenir ou de mettre fin à une atteinte à leurs droits.
Le Juge des référés en déduit que ni le législateur européen, ni le législateur national n’a entendu faire du référé « interdiction » une dérogation au régime général du référé « LCEN », de sorte que le principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce.
Selon le juge des référés, les titulaires de marque qui souhaitent obtenir en référé le blocage par les FAI de sites internet portant atteinte aux droits qu’ils détiennent sur leur marque ont donc le choix de fonder leur action soit sur sur l’article 6.I.8 de la LCEN soit sur l’article L. 716-4-6 du Code de la propriété intellectuelle.
Reste à savoir si cette position sera confirmée par les juridictions d’appel et/ou la Cour de cassation en cas de saisine ultérieure.
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