Par Gérard Haas et Guillaume Guegan
Les actes de pédopornographies sont en constante augmentation que ce soit en France ou dans le monde de sorte que la lutte contre cette délinquance constitue une priorité de nos autorités.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
En 2021, la France représenterait à elle seule 6,12% de la totalité des contenus à caractère pédopornographique signalés en Europe la même année. 928.278 URLs ont été dénoncés en France et 82% de ces derniers étaient inconnus en 2021 alors qu’en 2020 ce taux n’était « que » de 39 %. S’agissant des victimes de pédocriminalité, 81% étaient des enfants de moins de 13 ans et 96,35 % d’entre elles étaient des filles.
Mais comment lutter contre ce fléau ? Que doit-on sanctionner ? Quelles mesures peut-on prendre pour lutter contre ces actes sans risquer une intrusion dans la privée des individus ?
Qu’est-ce que la pédopornographie ?
Les actes de pédopornographie peuvent recouvrir une nature extrêmement variée comme l’indique la définition harmonisée de la pédopornographie posée par la décision-cadre 2004/68/JAI de l’Union européenne du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Aux termes de l’article 1 de la décision précitée, la pédopornographie peut être définie comme :
« tout matériel pornographique représentant de manière visuelle :
- un enfant réel participant à un comportement sexuellement explicite ou s'y livrant, y compris l'exhibition lascive des parties génitales ou de la région pubienne d'un enfant, ou
- une personne réelle qui paraît être un enfant participant ou se livrant au comportement visé au point, ou
- des images réalistes d'un enfant qui n'existe pas participant ou se livrant au comportement visé au point . »
Qu’est-ce que l’infraction de pédopornographie ?
La cause racine de la multiplication des contenus pédopornographique est en partie liée au développement du réseau Internet et de ses dérivés (réseaux sociaux, jeux vidéos, Dark Web,…) lequel par ses caractéristiques (international, anonyme, facile d’utilisation), permet aux délinquants de produire, partager, diffuser en direct des vidéos d’enfants (voire de bébés) victimes d’abus et même d’entrer directement en contact avec eux afin d’obtenir des faveurs sexuelles ou des clichés pédopornographiques (le « Grooming »[1]). Autant d’infractions que les droits français et européen sanctionnent mais qui restent difficiles à prouver.
Quels actes les droits français et européen sanctionnent-ils ?
Le régime juridique français attaché à la pédopornographie résulte de la transposition de nombreux textes français mais également européens. Parmi ces derniers, on y trouve notamment la décision-cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, la directive 2011/93/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie, la loi n°2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France ou encore la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.
Le législateur français est ainsi venu sanctionner :
- la fixation, l’enregistrement, la diffusion, l’offre ou la transmission de l’image à caractère pédopornographique, par une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros (Article 227-23 Code pénal) ;
- la consultation, la détention ou l’acquisition d’images à caractère pédopornographique, par une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros (Article 227-23 alinéa 4 Code pénal) ;
- la fabrication, le transfert ou la diffusion de message à caractère violent ou pornographique à l’encontre d’un mineur, par une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (Article 227-24 Code pénal).
- la corruption de mineur, par une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (Article 227-22 Code pénal) ;
- les propositions sexuelles faites à un mineur, par une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende (Article 227-22-1 Code pénal).
Par ce corpus législatif, les services spécialisés qu’ils soient de la gendarmerie[2] ou de la police[3], disposent ainsi des armes juridiques pour lutter contre la pédocriminalité. On peut d’ailleurs également relever la participation active de TRACFIN qui procède chaque année à de nombreux signalements.
Comment prouver un acte de pédopornographie ?
La recherche de la preuve numérique reste par nature compliquée à recueillir du fait de ses caractéristiques (volatile, fragile et difficile à localiser) et ce a fortiori sur le Dark Web. La procédure pénale s’est donc dotée dès 2007 d’une nouvelle technique d’enquête : « l’enquête sous pseudonyme » afin de permettre aux enquêteurs d’« infiltrer » le réseau internet et d’accomplir des actes en masquant leur identité[4].
Bien entendu, les enquêteurs se doivent de respecter le principe de la loyauté de la preuve au risque, dans le cas contraire, que les preuves ainsi collectées ne soient irrecevables. La recherche et l’établissement de la vérité sont une vraie croisade dans laquelle la technologie s’avère cependant être une alliée précieuse. L’utilisation du logiciel « Child protection system » qui permet de surveiller les pédocriminels en ligne[5], n’est donc pas de trop.
Comment lutter contre la pédopornographie ?
Il ressort des textes législatifs français et européen un régime juridique et probatoire qui vise autant à protéger les enfants victimes, qu’à faciliter les poursuites contre les auteurs d’infraction ou encore à prévenir la récidive ou le passage à l’acte. Pour autant, force est de constater que le taux d’infractions ne cesse de croître année après année. Alors comment lutter contre la pédopornographie ?
La nécessaire responsabilisation des fournisseurs de services en ligne
Une solution pour lutter contre la pédopornographie pourrait résider dans la responsabilisation des fournisseurs de services en ligne à qui il incomberait de détecter, signaler et retirer les images pédopornographiques. Cette hypothèse très largement défendue par la Commission de l’Union européenne fait cependant l’objet de plusieurs contestations de la part des associations de protection des données personnelles. Ces dernières arguent notamment du fait qu’un tel projet aurait pour conséquence d’obliger lesdits services à surveiller le contenu crypté ce qui aurait pour conséquences de créer de nouvelles vulnérabilités ou opportunités qu’elles soient techniques ou politiques.
Il est certain que couplée aux obligations découlant de la loi sur les marchés numériques (DMA) du 14 septembre 2022 et de la loi sur les services numériques (DS1) - qui réglementeront, en partie, l'accès des plateformes numériques aux données personnelles et leur utilisation, une telle obligation de modération des contenus ne serait pas sans poser de difficultés. Toutefois, attendre la dénonciation d’un contenu aux autorités, n’est-ce pas laisser le temps pour un public éventuellement mineur de le consulter ?
La sensibilisation du public et le renforcement du contrôle parental
Quoi qu’il en soit, ces contenus restent faciles d’accès pour un mineur. Les parents doivent avoir conscience de cette réalité, mais également des moyens qui sont mis à leur disposition pour contrôler et sécuriser autant que faire se peut l’accès par leurs enfants à ces contenus.
C’est d’ailleurs pour mieux protéger les enfants contre les contenus violents ou pornographiques sur internet, que la loi prévoit désormais plusieurs mesures destinées à faciliter l'usage des dispositifs de contrôle par les parents. Par exemple, depuis le 5 septembre 2022, la loi impose aux fabricants d'installer un dispositif de contrôle parental sur les appareils connectés à internet. Or, aujourd'hui, seuls 46 % des parents déclarent avoir mis en place des solutions de suivi de l'activité numérique de leur enfant.
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Vous constatez un contenu pédopornographique ? Signalez-le sur la plateforme PHAROS du ministère de l’intérieur et des outre-mer disponible à l’adresse suivante : https://www.internet-signalement.gouv.fr/PharosS1/
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Le Cabinet HAAS Avocats est à votre disposition pour vous assister et vous accompagner dans l’élaboration de votre stratégie judicaire et pour accompagner en cas de contentieux en cybercriminalité. Pour nous contacter, cliquez-ici.
[1] Terme signifiant qu'ils sont amadoués à des fins sexuelles par des personnes plus âgées, lorsqu'ils utilisent Internet. Bien souvent, cet acte de cybercriminalité en appelle un autre selon l'association, les "sextorsions", un chantage sexuel infligés à ces jeunes victimes, une fois qu'elles ont envoyé des photos intimes.
[2] Parmi les services de la gendarmerie on retrouve le Service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) ou encore le Centre national d'analyse des images pédopornographiques (CNAIP).
[3] Parmi les services de police on trouve notamment la Brigade de Protection des Mineurs ou encore l' Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC).
[4] Etendue au droit commun avec la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 (n°2019-222), cette technique peut désormais être utilisée pour enquêter sur tous les crimes et délits punis d’emprisonnement commis par la voie des communications électroniques et ce autant au stade de l’enquête que de l’instruction (Article 230-46 du Code de procédure pénale).
[5] Développé par l’association américaine à but non lucratif Child Rescue Coalition puis mise à la disposition des forces de l’ordre gratuitement, l’outil est utilisé dans 95 pays et permet d’identifier chaque année dans le monde 30 à 50 millions d’adresses IP suspectes.