Par Gérard Haas et Eve Renaud-Chouraqui
Les GAFAM, aussi appelés Big Tech, occupent le devant de la scène en cette fin d’année : appels massifs à une régulation plus poussée, demande forte de démantèlement et ce, non au seul niveau européen mais également au niveau mondial (et même aux Etats-Unis… !).
L’année 2021 ne s’annonce pas plus calme avec le très attendu Digital Services Act, prévu pour la fin de cette année.
Tous prennent leur part à la nécessaire régulation des GAFAM : rapport d’information de l’Assemblée Nationale , contribution de l’Autorité de la concurrence ….
Dans cette réflexion commune et conjointe, un élément structurant : la nécessité d’appliquer aux Big Tech une régulation spécifique en amont.
Un des piliers de cette régulation tient dans le concept de « plateforme numérique structurante » et dans l’application d’obligations plus au moins contraignantes aux plateformes entrant dans cette définition.
C’est justement l’objet de deux rapports de l’ARCEP (« Autorité de Régulation des Communications Electroniques, des Postes et de la distribution de la presse »), respectivement datés de décembre 2019 et septembre 2020, qui proposent :
L’ARCEP propose de définir la plateforme numérique structurante comme suit :
« tous opérateurs de plateforme en ligne ou fournisseurs de systèmes d’exploitation qui, en particulier du fait de leur activité d’intermédiation dans l’accès aux services et contenus d’Internet, et de par leur importance, sont en mesure de limiter de manière significative la capacité des utilisateurs à exercer une activité économique ou à communiquer en ligne ».
Cette définition prend en considération les « effets-types » associés aux Big Tech, que l’ARCEP liste comme suit :
- l’acquisition d’un pouvoir significatif sur un secteur d’activité;
- l’atteinte à la concurrence sur le marché en amont ou en aval d’au moins une des activités intermédiées ;
- la remise en cause de l’accès ouvert à Internet pour les utilisateurs finaux du fait, notamment, du caractère incontournable des Big Tech pour les citoyens ;
- le retour à une stratégie conglomérante forte dans des secteurs d’activités liés ou non à l’activité initiale de la plateforme et la capacité à dominer les nouveaux marchés du fait des effets de levier.
Pour apprécier si une des Big Tech entre ou non dans la définition proposée, l’ARCEP liste différents critères (dénommés indices) qui permettent d’apprécier au cas par cas le caractère structurant de telle ou telle plateforme :
- les indices dits « principaux » :
- Les indices dit « secondaires »:
Au regard de ces critères, nul doute que les Big Tech seraient qualifiées de plateforme numérique structurante. Mais elles pourraient ne pas être les seules[1]….
Partant du constat général de la difficulté du droit de la concurrence actuel à appréhender, avant leur réalisation, les dommages causés par les pratiques mises en œuvre par les Big Tech, l’ARCEP préconise une régulation avec une approche graduée autour des axes suivants :
- la transparence des algorithmes ;
- la portabilité des données essentielles ;
- l’interopérabilité ;
- l’éventuelle séparation de différentes activités.
Dans ce cadre, l’ARCEP propose différents « remèdes » :
- les « remèdes » responsabilisant les acteurs, applicables à toute plateforme numérique structurante ;
- les « remèdes » dits contraignants, applicables de manière plus spécifique à certains produits et services identifiés.
Les « remèdes » de responsabilisation s’articulent autour de deux axes :
Selon l’ARCEP, trois niveaux de transparence sont envisageables :
- une transparence par rapport au régulateur: c’est-à-dire donner les moyens au régulateur de disposer des informations utiles à la régulation des activités, sans que les informations communiquées ne soient rendues publiques ;
- une transparence par rapport aux partenaires économiques des plateformes et aux utilisateurs des services des plateformes afin de réduire les phénomènes constatés de discrimination ;
- une transparence par rapport aux utilisateurs finaux des plateformes afin que ceux-ci soient clairement informés sur l’utilisation par les plateformes de leurs données et activités.
Comment mettre en œuvre cette transparence ? L’ARCEP propose la tenue d’audits et de transmissions par les plateformes d’informations précises sur le fonctionnement de leurs algorithmes, la publication de conditions générales d’utilisation claires, de cartographie des API et de leurs conditions d’accès et enfin, de la publication des critères de classement et de référencement des algorithmes
Ces remèdes s’articulent autour des axes suivants :
L’ARCEP s’interroge enfin sur la question actuelle du possible démantèlement des plateformes numériques structurantes et avertit sur les conséquences induites par la mise en œuvre d’une telle mesure (sous quelques forme qu’elle soit) : lourdeur des obligations imposées et des complexités législatives et opérationnelles, longueur du processus d’implémentation, possible perte d’efficacité, liée aux diminutions d’effets de réseau….
Si la sanction du démantèlement est sur toutes les lèvres, elle n’est pas si simple à mettre en œuvre et il n’est pas certain qu’elle apporte toute l’efficacité attendue …
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Fort d’une expérience dans le domaine du droit de la concurrence et de la régulation économique, le cabinet Haas Avocats dispose d’un département entièrement dédié à l’accompagnement de ses clients.
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[1] Selon l’ARCEP, si d’autres plateformes pourraient rentrer dans cette définition, elles bénéficieraient d’une régulation en amont « allégée ».