Par Eve Renaud-Chouraqui
L’Internet de 2020 a largement évolué depuis celui de 2000. Pourtant, aucune modification n’a été apportée à la Directive sur le commerce électronique de 2000 [1]…
Considéré comme l'un de textes les plus structurants dans la régulation de l’Internet, il ne suffit désormais plus au regard des évolutions techniques et sociétales apportées par Internet. Face à ce constat, la Commission européenne a annoncé un paquet de loi sur les services numériques, désigné Digital Services Act (« DSA ») [2].
1. Objectifs et finalité du Digital Services Act
Selon la Commission Européenne, l’objectif serait de s’adapter à l’évolution des services numériques en modernisant le cadre juridique actuel autour de deux axes principaux :
- édicter des règles claires visant à préciser les responsabilités en matière de services numériques ;
- doter les Etats membres d’un instrument de régulation « ex ante » des très grandes plateformes en ligne jouant un rôle de contrôleur d’accès (« gatekeeper »).
Sa finalité : harmoniser les différentes réglementations entres les Etats membres.
2. Préciser les responsabilités en matière de services numériques
Pour rappel, la Directive sur le commerce électronique[3] distingue les responsabilités de l’hébergeur et de l’éditeur du site :
- l’éditeur est responsable de la totalité des contenus figurant sur le site internet ;
- l’hébergeur, quant à lui, n’est responsable que s’il n’a pas promptement retiré un contenu illicite qui lui a été signalé par un tiers.
Néanmoins, l’évolution des plateformes tend à rendre cette dichotomie désuète ou, à tout le moins, peu efficiente pour appréhender les comportements et contenus répréhensibles.
Les plateformes actuelles (blogs, réseaux sociaux, plateformes communautaires d’échanges, marketplaces, etc…) placent leurs utilisateurs au cœur des échanges et jouent un rôle actif dans la sélection, le référencement, le classement, la mise en avant ou la recommandation des contenus proposés à leurs utilisateurs.
Traditionnellement qualifiées par les tribunaux d’hébergeurs, elles ne se limitent plus à un simple rôle de stockage ou de transmission d’informations. Elles jouent un rôle beaucoup plus actif et la responsabilité aménagée de la Directive sur le commerce électronique ne correspond plus à la réalité de leurs activités.
C’est dans ce contexte que la Commission Européenne entend préciser un ensemble commun de responsabilité qui serait plus étendu qu’à ce jour.
Cet ensemble commun refondu de responsabilités est, à ce jour, encore inconnu : la Commission européenne réalise des analyses d’impact et vient de lancer une consultation publique qui se clôturera en septembre 2020.
Elle n’a pour l’heure communiqué que sur les objectifs de cette refonte :
- prémunir les utilisateurs contre les biens, les services et contenus illicites ;
- protéger les droits fondamentaux en ligne ;
- garantir la transparence et l’exercice d’une surveillance réglementaire renforcée sur les plateformes en ligne.
3. Doter les Etats membres d’un instrument de régulation « ex ante » pour les plateformes en ligne jouant un rôle de contrôleur d’accès
Le constat est simple :
- un petit nombre de plateformes d’envergure mondiale représente une part importante de l’économie numérique ;
- ces plateformes jouent, à ce jour, un rôle de contrôleur d’accès entre les entreprises et les consommateurs ;
- elles contrôlent également l’écosystème de plateformes complet.
Leurs concurrents sont placés dans l’impossibilité d’entrer sur les marchés concernés et de jouer une concurrence saine et effective dans l’intérêt des consommateurs finaux (baisse de prix, choix étendu, innovation accrue, etc..).
L’objectif de la Commission européenne : doter les Etats membres d’un instrument de régulation leur permettant de limiter l’influence de ces « super » plateformes à une influence équitable et concurrentielle.
A l’instar du premier bloc législatif, la Commission européenne, après avoir mené des analyses d’impact, a lancé une consultation publique qui se clôturera en septembre 2020.
La régulation économique en amont des plateformes est une question qui ne cesse de revenir actuellement dans les débats.
Au niveau français :
- en février, Bruno Le Maire et Cédric O ont annoncé le lancement d’un groupe de travail dédié à la régulation des plateformes au niveau européen ;
- en février toujours, l’Autorité de la concurrence publiait une contribution au débat sur la politique de concurrence face aux enjeux posés par le développement d’une économie numérique;
- en juin 2020, un rapport d’information de l’Assemblée nationale concluait à la nécessité d’adapter les règles de concurrence aux fins d’une meilleure régulation des plateformes dites structurantes.
Concernant le Digital Services Act, un projet de règlement est programmé pour la fin de l’année.
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[1] On peut néanmoins relever quelques insertions récentes, et notamment le très récent Règlement du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprise utilisatrices de services d’intermédiation en ligne (Règlement « P2B »)[1], entré en application le 12 juillet 2020 : https://info.haas-avocats.com/droit-digital/platform-to-business-gros-changements-pour-les-plateformes-avec-le-p2b
[2] https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/digital-services-act-package.
[3] Transposée en droit français par la loi LCEN du 21 juin 2004.