Par Haas Avocats
La poursuite des agissements anticoncurrentiels dans la durée ne décale pas le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale, en date du 15 novembre 2023[1].
Le point de départ du délai de prescription en concurrence déloyale
En effet, toute société victime d’actions en concurrence déloyale, c’est-à-dire d’actes ayant pour conséquence de fausser le libre jeu de la concurrence, doit respecter les dispositions de droit commun liées au point de départ du délai de prescription, c’est-à-dire « le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits ».
Or, la question de ce point de départ peut représenter une vraie difficulté lorsque les agissements, et en l’occurrence les agissements anticoncurrentiels, perdurent dans le temps. C’est sur ce point que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a été amenée (à nouveau) à trancher.
Prescription et concurrence déloyale : clarifications de la Cour de cassation
En l’espèce, une société exploitant une supérette a assigné en concurrence déloyale un exploitant agricole. Elle lui reprochait de vendre des produits en violation de la réglementation en vigueur – la supérette reprochait en effet à l’exploitant agricole de prétendre vendre exclusivement des produits de la ferme, alors que ce n’était pas le cas, faisant ainsi perdre à la supérette une « chance de vendre davantage de marchandises ».
L’exploitant a opposé la prescription de l’action. En effet, selon ce dernier, le point de départ de la prescription quinquennale court à compter du jour où la société exploitante a eu connaissance des comportements litigieux, c’est-à-dire à partir du moment où la supérette avait eu connaissance du fait que l’exploitant vendait des produits non issus de la ferme, commencé il y a plus de cinq ans avant l’assignation.
Les juges du fonds ont considéré dans un premier temps que l’action était recevable car l’évènement allégué était « en cours à la date de l’assignation » en 2017 ainsi que depuis « les cinq années précédentes ».
Toutefois, la Cour de cassation n’a pas été de cet avis et, par application de l’article 2224 du Code civil, a rappelé que :
- le point de départ de la prescription quinquennale se situe au jour où la société a connu ou aurait dû connaître les faits reprochés et
- la poursuite des agissements anticoncurrentiels dans la durée n’a pas pour effet de décaler le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité.
Ce positionnement n’est pas nouveau puisque la Chambre commerciale de la Cour de cassation l’avait déjà adopté dans un arrêt du 26 février 2020[2], dans une autre affaire de concurrence déloyale et parasitaire entre l’association SPA et l’association Défense de l’animal.
En l’espèce, la SPA reprochait à l’association Défense de l’animal d’être titulaire d’une marque verbale française « SPA de France » pour « entretenir de manière déloyale une confusion avec ses activités et parasiter les investissements humains et financiers exposés pour défendre la cause animale ». Or, l’association Défense de l’animal a pu démontrer que la SPA connaissait ses usages depuis plus de cinq ans avant l’initiative de la procédure, de sorte que l’action intentée par la SPA était manifestement prescrite.
Comme dans l’arrêt du 15 novembre 2023 et par une stricte application du droit commun issu de l’article 2224 du Code civil, les juges n’ont pas décalé le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité bien que les agissements anticoncurrentiels se soient poursuivis dans la durée.
Ces arrêts viennent donc rappeler la particulière attention que les sociétés doivent porter aux éventuelles pratiques de concurrence déloyale dont elles s’estiment victimes, afin de ne pas risquer de se voir opposer la prescription de ces agissements, qui, au surplus, perdureraient toujours.
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[1] Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-21.878
[2] Cour de cassation, chambre commerciale, 26 février 2020 n° 18-19.153