Par Gérard Haas, Eve Renaud-Chourqui et Miléna Letinaud
Pratiques anticoncurrentielles et verrouillage de marché : Apple tient à son monopole sur les transactions effectuées dans sa boutique d’application et résiste au changement.
Dans un précédent article, nous vous avions informé de la condamnation d’Apple par l’Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés (ACM) sur le fondement des pratiques abusives mises en œuvre par la firme à la pomme, empêchant les fournisseurs d’applications de rencontre de proposer d’autres systèmes de paiement que le sien.
Apple devait, au plus tard le 15 janvier 2022, modifier ses conditions d’utilisation afin de permettre aux fournisseurs d’application de rencontre de pouvoir utiliser des systèmes alternatifs de paiement.
Cette obligation était assortie d’une astreinte de 5 millions d’euros par semaine de retard avec un plafond de 50 millions d’euros.
Force est de constater que cette astreinte n’était pas assez dissuasive…
Apple ne s’est pas conformé à l’obligation imposée. Ainsi et après dix semaines de retard, le montant total de la sanction a atteint le maximum de 50 millions d’euros, soit 0,04% de son chiffre d’affaires.
Toutefois, Apple a fait évoluer sa position en proposant de permettre aux développeurs de diriger les utilisateurs vers leurs propres méthodes de paiement. La CMA évaluera la proposition ajustée d'Apple et devrait faire connaître sa réponse prochainement.
Les pratiques mises en œuvre par les GAFAM sur leurs magasins d’applications semblent être le nouvel axe des enquêtes ouvertes par les autorités de concurrence.
Récemment, le Tribunal de commerce de Paris a condamné Google pour certaines pratiques commerciales abusives et déséquilibrées concernant son magasin d’applications mobiles X Play.
La Commission européenne a également ouvert une enquête formelle contre Apple sur « l’utilisation obligatoire du système d’achat intégré propriétaire d’Apple et sur les restrictions de la capacité des développeurs à informer les utilisateurs d’Iphone et d’Ipad de possibilité d’achat moins coûteuses en dehors de ses applications ».
Si jusqu’à présent, force est de constater que les sanctions prononcées par les diverses autorités de concurrence (nationales ou européennes) n’avaient pas eu pour effet de faire cesser les pratiques abusives des GAFAM, une nouvelle arme se profile qui pourrait changer la donne.
Son nom ? DMA pour « Digital Market Act ».
Le DMA marque un changement de prisme : désormais, on ne va plus attendre que les pratiques anticoncurrentielles aient des effets sur la concurrence pour agir.
D’une régulation ex post, on passe à une régulation ex ante, en imposant des obligations spécifiques pour les plateformes considérées comme des contrôleurs d’accès, en raison de leur position sur le marché et le nombre de leurs utilisateurs.
En application de ces obligations, Apple ne pourrait normalement plus imposer aux développeurs d'application l'utilisation de certains services comme son propre système de paiement pour être référencés dans les magasins d'applications mobiles.
En cas de non-respect des nouvelles obligations imposées par le DMA, des sanctions sont prévues dont le montant des amendes peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial, et jusqu’à 20% en cas de récidive.
L’amende ne s’évaluerait plus en millions d’euros, mais en milliards d’euros.
Enfin, le non-respect systématique des obligations imposées par le DMA (3 fois en 8 ans) peut donner lieu à une enquête de marché et à l’imposition de mesures correctives comportementales ou structurelles.
Un accord politique entre le Parlement et le Conseil européen vient d’être trouvé. Ce règlement est prévu pour entrer en vigueur dès 2023.
Les GAFAM, principales cibles du projet de règlement, ne sont pas parvenus à vider de substance le texte proposé et il se dit que certains, dont Apple, serait inquiet et serait en train de mesurer les impacts de ce texte sur ses activités.
Est-ce la fin d’une ère pour les GAFAM ?
Rien n’est moins sûr, ceux-ci ayant toujours réussi à témoigner d’une agilité et d’une créativité certaine dans les stratégies de contournement.
Néanmoins, ce texte sera, a minima, un frein qui doit permettre l’émergence d’alternatives européennes et non plus seulement américaines.
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