Position dominante : Amazon dans le viseur de la Commission européenne

Position dominante : Amazon dans le viseur de la Commission européenne
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Par Eve Renaud-Chouraqui

Les Big Techs sont dans le viseur de Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence et de Thierry Breton, commissaire européen chargé de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique.

Après Microsoft, Google, Facebook et Apple, la seule qui était jusqu’à alors passée entre les mailles du filet était Amazon.

C’est désormais terminé, la Commission européenne venant d’annoncer :

  • avoir demandé à l’entreprise menée par le charismatique Jeff Bezos de répondre aux griefs d’abus de position dominante sur les marchés français et allemands ;
  • ouvrir une seconde enquête approfondie sur le fonctionnement de son algorithme.

1. L’utilisation des données collectées dans le cadre de la plateforme de marché

A l’issue d’une enquête d’envergure, la Commission européenne soupçonne Amazon d’enfreindre les règles de concurrence :

  • en tirant abusivement profit des données collectées des entreprises utilisant sa place de marché (relatives aux produits, transactions, avis des clients, etc..),
  • pour favoriser la vente de ses propres produits (commercialisés sous la marque distributeur Amazon Basics).

Selon la Commission européenne, le cumul des données relatives aux produits commercialisés par les entreprises tierces au travers de sa plateforme permettrait à Amazon de disposer de « conclusions précises et ciblées », équivalente à une vaste étude de marché. Ces conclusions permettaient à Amazon d’éviter la prise de risque inhérente au lancement d’un nouveau produit et seraient à la disposition des salariés de l’activité de vente au détail portée par Amazon.

Amazon tirerait un double profit de cette situation :

  • d’une part, une commission perçue sur la vente des produits de tiers réalisées au travers de sa plateforme ;
  • d’autre part, une vue détaillée des marchés sur lesquelles elle souhaite se développer au travers de la vente de ses produits.

La sanction d’une telle atteinte au droit de la concurrence s’élèverait pour Amazon à une possible sanction financière pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires annuel.

La priorité d’Amazon : répondre aux griefs formulés afin de justifier de l’absence d’atteinte au droit de la concurrence et l’abandon des charges.

Néanmoins et dans l’attente de la réponse formelle d’Amazon, celle-ci a immédiatement réagi par un communiqué de presse, indiquant qu’elle ne serait pas en situation de dominance sur le marché :

« Amazon représente moins de 1% du marché de détail mondial, et il existe de plus grands détaillants dans chaque pays dans lequel nous opérons. Aucune entreprise ne se soucie plus des petites entreprises ou n’a fait plus pour soutenir au cours des deux dernières décennies qu’Amazon ».

Les accusations portées par la Commission européenne tombent au plus mal pour Amazon qui, dans le contexte de pandémie actuelle :

  • met en avant sa solidarité auprès des commerçants français en leur proposant d’utiliser sa place de marché ;
  • est l’un des grands gagnants : ses ventes auraient bondi cet été de 338% à 48 milliards de dollars et ses commissions sur la place de marché auraient augmenté de 50% à 20 milliards de dollars.

2. Le fonctionnement de l’algorithme

La Commission européenne a indiqué ouvrir une nouvelle enquête concernant le bouton « buybox » (« ajouter au panier »), qui permettrait aux vendeurs de multiplier de manière significative leurs ventes au travers de la plateforme Amazon.

Bruxelles cherche à comprendre comment fonctionne l’algorithme classant et référençant les annonces de ventes de produits proposés par plusieurs marchands.

Selon elle, Amazon ne proposerait, en premier lieu, que d’acheter au travers de ses revendeurs. L’achat, au travers d’un autre marchand, nécessiterait de cliquer plus bas pour afficher les offres de tiers.

Le grief sous-jacent : Amazon, au travers de son algorithme, favorisait ses propres produits et ceux des vendeurs tiers qui lui délèguent la livraison de leurs produits au travers de son propre réseau de livraison. Les vendeurs tiers seraient, dans une logique d’efficacité, contraints à souscrire aux services additionnelles d’Amazon pour exister sur la plateforme de marché.

L’enjeu pour se vendeurs tiers est de taille : la plateforme Amazon regroupe 800.000 vendeurs actifs commercialisant plus d’un 1 milliard de produits.

Guider le consommateur dans le choix du produit d’un revendeur plutôt qu’un autre c’est nécessairement lui assurer des revenus, ce qui renforcerait la dépendance des revendeurs tiers à l’égard de la plateforme.

Pour finir, notons que la Commission européenne n’est pas la seule à demander à Amazon de ses justifier sur l’utilisation massive des données. Aux Etats-Unis, les Etats de Washington et de Californie auraient également ouvert des enquêtes préliminaires à l’encontre d’Amazon.

Le rapport du Congrès américain a quant à lui relevé qu’Amazon serait dans une position de conflit d’intérêts  l’égard de ses revendeurs indépendants.

Ces éléments ne font que renforcer l’attente forte du Digital Services Act, paquet législatif européen qui vise à doter les Etats membres d’instrument permettant de réguler les plateformes structurantes, dites « gatekepeers », notamment par des éventuelles obligations de :

  • séparation d’activités[1] 
  • transparence concernant le fonctionnement des algorithmes ;
  • partage des données collectées massivement et surveillance de l’utilisation des données collectées afin de limiter la possibilité de les utiliser pour promouvoir les activités des Big Tech.

Nota Bene :

Conformément au Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaiet, au titre des exceptions, sont autorisés :

- à l’article 4, 7° : les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

- à l’article 45, I : Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public, sauf :les salles d’audience des juridictions.

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[1] Thierry Breton n’a pas hésité a rappelé qu’en cas d’abus de position dominante, réelle comme potentielle, la commission européenne n’excluait pas d’exiger des plus gros acteurs une obligation de se séparer de certaines activités 

Eve Renaud-Chouraqui

Auteur Eve Renaud-Chouraqui

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