Par Gérard HAAS et Alexandre LOBRY
La qualité de dirigeant peut-elle faire naître une obligation de non-concurrence à l'égard de la personne morale ?
Dans un arrêt en date du 6 février 2019, la Chambre commerciale de Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a rappelé cette obligation de non-concurrence pesant sur le dirigeant mais souligne la non automaticité de celle-ci.
DE et M. GE ont constitué avec M. HI une société TIE spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros (commerce interentreprises). M. GE et M. HI avaient cédé leurs parts à une société tierce qui exerçait la même activité que la première société. Cependant M. GE demeurait encore le gérant de la société TIE.
Observant une baisse significative de son chiffre d’affaire due au détournement de clients, M. DE a assigné M. GE pour concurrence déloyale.
Dans cet arrêt, la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion rappelle que « le gérant à un devoir de loyauté et de fidélité, à l’égard de la société qu’il représente. Il ne peut négocier, sans violer ce devoir, en qualité de gérant d’une autre société concurrente de la première, un marché dans un même domaine d’activité ».
Cet arrêt a été rendu au visa de l’article L.223-22 du Code de commerce, siège de la responsabilité civile des gérants de SARL envers la société et à l’égard des tiers. En visant ce texte, la Cour d’appel entend donc rattacher l’obligation de loyauté à la qualité même du gérant.
Cette solution n’est pas nouvelle puisque la Chambre commerciale dans un arrêt du 15 novembre 2011 avait rendu la même solution à propos d’un gérant de SARL[1]. L’arrêt du 6 février 2019 confirme donc que cette obligation de loyauté peut être rattachée à l’ensemble des mandataires sociaux, dès lors qu’ils disposent du pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers.
La Cour d’appel dans cet arrêt a pris soin de préciser que le gérant-associé d’une société ne pouvait négocier, en qualité de gérant d’une autre société, un marché dans un même domaine d’activité. Cette solution pose donc le principe qu’il n’existe pas d'obligation automatique de non-concurrence mais simplement une obligation de ne pas faire une concurrence déloyale à la société.
Cependant cette solution pose des problèmes pratiques. En effet, il demeure fréquent que le gérant d’une société puisse exercer ses fonctions notamment dans des sociétés nouvellement créées ou d’envergure modeste. Dans la même optique, il n’est pas rare que le dirigeant d’une société soit mandataire social de plusieurs personnes morales exerçant la même activité. Enfin la solution du présent arrêt semble être exclue dans le cas d’une négociation d’un marché de la part d’un gérant de deux personnes morales aux intérêts antagonistes. Ce qui est étonnant puisque la Cour de cassation a considéré dans ce cas précis qu’il pouvait y avoir concurrence déloyale[2].
La Cour d’appel précise dans cet arrêt : « est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l’exercice de l’action sociale à l’avis préalable ou à l’autorisation de l’assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l’exercice de cette action ».
En rappelant la protection de l’action ut singuli contre toute clause statutaire restrictive ou toute délibération d'assemblée, la Cour d’appel semble rappeler par la même occasion qu’on ne peut aménager le devoir de loyauté et de fidélité du dirigeant.
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[1]Com 5 novembre 2011, n° : 10-15.049
[2] Com 6 juin 2001, n°98-16.390